Plan de contrôle production et conditionnement du vinaigre et de l’eau de Javel

1 Plan de contrôle production et conditionnement du vinaigre et de l’eau de Javel

I) Le vinaigre

Le vinaigre est un liquide solution aqueuse à faible teneur d’acide acétique, soit un mélange d’eau et d’acide acétique, obtenu par fermentation acétique, ou oxydation à l’air de l’éthanol de solutions alcooliques très diverses, d’origines agricoles. Le vinaigre commun comporte une concentration d’environ 5 à 8% en masse d’acide acétique, encore nommé acide éthanoïque, avec des faibles concentrations ou des traces non négligeables d’acide tartrique et d’acide citrique typiques des vinaigres naturels. Les concentrations minoritaires d’autres sels ou solutés chimiques, à l’origine en particulier de saveurs ou goût complémentaires, dépendent de la nature de la solution alcoolique initiale transformée par des enzymes. Ce produit commercial acide, nullement uniformisé malgré l’existence d’une production industrielle parfois massive, est utilisé en particulier dans l’alimentation humaine, notamment dans les préparations culinaires de légumes ou pour la conservation des denrées. Le vinaigre blanc ou vinaigre d’alcool, parfois vendu séché en cristaux, est un nettoyant et détachant aujourd’hui considéré comme écologique. Le mot “vinaigre” provient du mot composé étymon associé par l’usage “vin aigre”, c’est-à-dire du vin acide car le vin a été une des premières matières-premières ou solutions aqueuses alcooliques connues pour préparer un vinaigre de qualité et le pH du mélange obtenu est généralement voisin de 3, le plus souvent compris entre 3 et 2. Les vins en fût sont particulièrement vulnérables aux attaques de la bactérie acétique Acetobacter suboxydans si l’ouillage ou le remplissage du fût est insuffisant ou s’il atteint des températures trop élevées. Louis Pasteur au service des vinaigriers français en mal d’une maîtrise minimale sur l’évolution de leurs productions à base de vins soumis à l’oxydation de l’air, alors aléatoires ou incontrôlées au niveau des températures des solutions mères ou reliquats de cuve à préserver, a découvert à la fois la fermentation alcoolique et la fermentation acétique, déjà soupçonnée par la méticuleuse recherche scientifiques nordique si proche des applications. Le vinaigre fort désignait pour les anciens chimistes l’acide éthanoïque très concentré, parfois quasiment pur. Il existe une grande tradition de l’art de préparer des vinaigres différents et spécifiques, qui remonte pour la plupart bien souvent à l’Antiquité et peut-être au-delà des époques néolithiques.

1º) Découverte

En 1822, Christiaan Hendrik Persoon attribue l’acétification au voile bactérien (“mère du vinaigre”), qu’il appelle Mycoderma aceti. En 1864 Louis Pasteur identifie la bactérie responsable, du genre Acetobacter, et définit la fermentation acétique par l’équation chimique :

CH3-CH2OH + O2 → CH3-COOH + H2O + 348 kJ

2º) Production

Le vinaigre s’obtient par contact de la surface du vin avec l’air. Ceci est dû à la présence dans l’air de bactéries productrices d’acide acétique (Acetobacter, principalement). Contrairement à l’idée reçue, la présence de mère de vinaigre n’est pas indispensable, et même, en quantité excessive, elle forme une couche étanche à l’air, ce qui prive la bactérie de l’oxygène nécessaire à sa vie et à la réaction chimique avec l’éthanol. Le vinaigre de consommation est produit à partir de différents liquides alcooliques ou alcoolisés : vin, alcool de riz, etc. On peut parler de vinaigre lorsque tout l’alcool a été transformé en acide acétique.

3º) Fabrication domestique

C’est historiquement la première forme de fabrication. Dans chaque famille ayant à disposition des restes de boissons alcooliques, du vin dans la plupart des régions, on fabriquait son vinaigre dans un récipient réservé à cet usage, le vinaigrier. Ce dernier peut se présenter soit comme un petit fût, soit comme un pot de grès, l’un comme l’autre munis d’un orifice en haut pour verser le liquide et d’un robinet en bas pour soutirer le vinaigre. On le place dans un local normalement chauffé, la cuisine par exemple, à un endroit où on ne le bougera plus. Pour commencer à faire son vinaigre, il y a deux méthodes :

• se procurer un morceau de “mère”, c’est-à-dire un amas d’Acetobacter qui se forme au cours de la fermentation du vin, ou soit attendre que celle-ci se forme. Si on utilise une mère, on verse du bon vin dans le vinaigrier, on dépose en surface la “mère”, puis on referme en laissant passer de l’air et on patiente de 4 à 6 semaines.

• on peut également, sans utiliser de mère, verser dans le vinaigrier ⅔ de bon vin, et ⅓ d’excellent vieux vinaigre, puis on couvre. En quelques jours, un voile fin et blanchâtre se formera à la surface du liquide. Ce voile sur la surface du vinaigre est formé par des bactéries du genre Acetobacter. Elles sont soit transportées par l’air, soit présentes dans le vinaigre utilisé pour ensemencer la préparation. Cette bactérie permet la transformation de l’éthanol en acide acétique, et donc le vin en vinaigre. Cette pellicule bactérienne ne doit pas épaissir trop au risque de déposer au fond du vinaigrier. Au bout de quelques mois, on commence à soutirer du vinaigre, en petites quantités, en rajoutant aussitôt dans le vinaigrier une quantité équivalente de vin en prenant soin de ne pas abîmer ni immerger le voile. Les meilleurs vins donnent les meilleurs vinaigres et cela permet d’utiliser les fonds de bouteilles.

4º) Depuis les travaux vinaigriers de Pasteur

Pasteur a montré que la “mère à vinaigre” était constituée de la bactérie Mycoderma aceti, responsable du phénomène d’acétification. Pasteur a montré que ce microbe se développait très vite. Déposé en quantité infinitésimale sur une surface de 1 m², il constitue un biofilm (voile microbien continu ; de 0,5 g/m2 à l’état sec) en 24 heures (à 20°C et dans les conditions normales de pression). On a estimé qu’une seule bactérie pouvait acétifier en 48 heures 10 000 fois son propre poids d'alcool ou vin à condition de disposer d’une grande quantité d’oxygène ou d’un accepteur d’hydrogène (exemple : le bleu de méthylène). La mise en culture rationalisée de cette bactérie a permis d’accélérer la fermentation naturelle : le processus qui nécessitait autrefois au moins trois semaines a été optimisé par l’industrie. Le vinaigrier peut maintenant produire d’énormes quantités de vinaigre en moins de 24 heures. Après Pasteur, d’autres chercheurs (Hansen, E. Duclaux, Henneberg…) ont montré qu'il existait de très nombreuses bactéries acétifiantes, produisant des «mères» de qualité différentes (voiles muqueux, secs, striés, lisse…).

5º) Utilisation

a) Le vinaigre en cuisine

Le vinaigre joue un rôle très important dans la cuisine depuis des temps immémoriaux car, au-delà de la confection de vinaigrettes et de marinades et l’usage condimentaire, ses qualités antiseptiques étaient très utiles avant l’apparition des réfrigérateurs pour la conservation des aliments et notamment celle de la viande. Le vinaigre de vin sert à tous ces usages. Vers le début du XXe siècle en France excepté en Alsace et en Moselle, il a été décrété que les vinaigres devaient avoir un taux d’alcool supérieur à 6° afin d’éponger une surproduction de vin. Il y a quelques années, cette obligation a été amendée. Les vinaigres aigres-doux qui étaient très courants ont donc été longtemps interdits. Le vinaigre de vin contient de l’acétylméthylcarbinol (acétoïne) (CH3-CO-CHOH-CH3), formé au cours de la fermentation alcoolique. Il est présent dans les vins à des doses moyennes de 10 mg/L et variant de 2 à 18 mg/L. En fait, il provient de l’oxydation enzymatique du butane-2,3-diol. En assaisonnement ou cuisine, l’acidification du vinaigre est à considérer afin d’éviter une mauvaise assimilation ou digestion du plat préparé. L’exemple de la pomme de terre alcalinisante est cité comme un mauvais partenaire au vinaigre et au citron, notamment pour la première phase de digestion de l’amidon cuit. Utilisé dans les marinades, il donne de la typicité aux sauces et aux déglaçages et relève les assaisonnements. Quelques emplois :

• attendrir la viande ;

• transformer des légumes nature en marinades ;

• marinades ;

• conservation ;

• cuisson.

b) Usages non alimentaires

Le vinaigre, comme l’eau oxygénée, est utilisé dans l’industrie de l’alimentation du bétail pour tuer les bactéries et les virus avant la réfrigération. Le vinaigre permet de retirer à la viande sa couleur noircie et son odeur trop forte. Comme le vinaigre est une source d’acide acétique (dilué) très courante, il est utilisé dans beaucoup de recettes ou d’astuces domestiques où un acide est nécessaire : détartrage, neutralisation d’une solution basique, nettoyage de certaines tâches, etc. Autrefois, le vinaigre était principalement utilisé pour ses propriétés antiseptiques. Dans la maison il peut désinfecter et désodoriser ; détacher tapis et moquettes ; faire briller les miroirs, vitres, les chromes, la porcelaine, le laiton, les cuivres et le cuir ; remplacer un produit anti-calcaire ; remplacer un adoucissant pour laver du linge en machine ; faire disparaitre les taches d’encre, de café, de rouille et de vin. Il peut aussi servir à détartrer la robinetterie, les toilettes, la cafetière électrique. C’est également un désinfectant naturel pour la vaisselle. Par son odeur particulière, il chasse les moustiques. Mélangé à un peu d’eau, il sert de désodorisant pour combattre les mauvaises odeurs de la poubelle, du four, du réfrigérateur et autres. Le vinaigre peut être utilisé pour les piqûres de certaines méduses, dans la mesure où l'espèce est identifiée. Ainsi il est utilisable pour Chironex fleckeri et d’autres espèces indo-pacifiques, mais il peut induire une envenimation sévère avec Physalia utriculus. En médecine moderne, l’acide acétique est utilisé pour diagnostiquer les lésions (condylomes acuminés) causées par le virus du papillome humain (VPH). En déposant une solution d’acide acétique concentrée de 3 à 5% sur les lésions, ces dernières blanchissent ce qui permet de poser le diagnostic précisément.

II) L’eau de Javel

L’eau de Javel (appelée aussi javel ou anciennement eau de Javelle) est une solution liquide oxydante fréquemment utilisée comme désinfectant et comme décolorant. Étudiée particulièrement à partir de 1775 par le chimiste français Claude Louis Berthollet, dont la manufacture de produits chimiques a été construite dans le quartier de Javel à Paris, elle est composée d’hypochlorite de sodium pur (NaClO), en solution aqueuse avec du sel (NaCl), résiduel du procédé de fabrication. La réaction de fabrication de l’eau de Javel (NaClO) à partir de dichlore et de soude (NaOH) est :

Cl2 + 2 NaOH → NaCl + NaClO + H2O

L’eau de Javel est une solution basique, dont le pH varie en fonction de la concentration (pH = 11,5 pour l’eau de Javel à 2,6% de chlore actif ; pH = 12,5 pour l’eau de Javel concentrée à 9,6% de chlore actif). L’eau de Javel contenant des atomes de chlore, on dit souvent par extension que de l’eau javellisée est “chlorée”, terme qui est imprécis, car l’acide chlorhydrique est également une solution chlorée, et l’odeur caractéristique de l’eau de Javel n’a rien à voir avec l’odeur du dichlore.

1º) Historique

Le chlore a été découvert en 1774 par le chimiste suédois Scheele. Claude Louis Berthollet étudie quelques années après les propriétés décolorantes du chlore et en tire un procédé de blanchiment des toiles utilisant une solution de chlorure et d’hypochlorite de potassium : il vient d’inventer la “lessive de Berthollet”, bientôt dénommée eau de Javel suite à la localisation de son premier site de production : la manufacture de produits chimiques construite en 1777 dans le village de Javel, à l’ouest de Paris, qui donnera son nom au produit. L’eau de Javel a rapidement connu un vif succès comme décolorant (auparavant, on devait exposer les toiles au soleil pendant des mois pour les blanchir). En 1820, le pharmacien Antoine Germain Labarraque étudie les qualités désinfectantes des dérivés chlorés et des hypochlorites de potassium et de sodium. Il met au point une solution de chlorure et d’hypochlorite de sodium qu’il appelle “liqueur de Labarraque”. En 1900, on appelait eau de Javel l’hypochlorite de potassium, et eau de Labarraque l’hypochlorite de sodium. Plus tard, le procédé de fabrication a remplacé le potassium par le sodium, sans changement de nom. À partir du XIXe siècle, l’eau de Javel est couramment utilisée comme désinfectant et pour le traitement de l’eau potable. Les chlorures décolorants, hypochlorites de sodium (eau de Javel) et de calcium (chlorure de chaux), ont été le premier débouché du chlore. Ils étaient obtenus par action du chlore sur les solutions de soude ou sur la chaux éteinte. Le chlore liquide a remplacé peu à peu le chlorure de chaux, qui est un mélange d’hypochlorite de calcium Ca(ClO)2 et de chlorure de calcium CaCl2 utilisé comme agent décolorant actif avant l’eau de Javel (jusqu’en 1925).

2º) Présentation

L’eau de Javel se présente sous forme liquide (en bouteilles ou en berlingots) ou solide (en pastilles). Sous forme liquide diluée (bouteilles), elle se conserve trois ans. Sous forme concentrée (berlingots), elle ne se conserve pas plus de trois mois. C’est pourquoi les berlingots doivent être dilués rapidement (à l’eau froide). Si ces délais sont dépassés, le produit ne désinfecte plus. L’eau de Javel doit par ailleurs être conservée à l’abri de la lumière et de la chaleur. Pour éviter les accidents, l’eau de Javel et les effluents en contenant sont stockés dans des emballages en matière plastique. Le verre peut être utilisé, mais dans des bonbonnes protégées par une enveloppe métallique convenablement ajustée. L’eau de Javel est commercialisée sous plusieurs niveaux de dilution. La quantité de chlore est exprimée en pourcentage de chlore actif (c.a.). Le pourcentage de chlore actif représente la masse de dichlore formée à partir de 100 g d'eau de Javel. On trouve par exemple des bouteilles d’eau de Javel à 2,6% de chlore actif et des berlingots d’eau de Javel concentrée à 9,6% de chlore actif. Le produit commercial change de nom en fonction de la dilution :

• extrait de Javel : produit titrant au moins 40° chlorométriques,

• eau de Javel : concentration comprise entre 9,6° et 35° chlorométriques,

• eau de Labarraque : 2° chlorométriques.

Les pastilles d’eau de Javel sont en fait des pastilles de dichloroisocyanurate de sodium. Lorsqu’elles sont dissoutes dans l’eau, le dichloroisocyanurate de sodium réagit avec l’eau pour donner de l’hypochlorite de sodium et de l’acide cyanurique. Aujourd’hui, l’eau de Javel est parfois incorporée dans des détergents pour proposer des produits “2 en 1”. qui nettoient et désinfectent.

3º) Utilisation

La javellisation est l’utilisation de l’eau de Javel essentiellement comme désinfectant. L’eau de Javel désinfecte l’eau lors du traitement de l’eau potable. Le chlore a des propriétés rémanentes, ce qui signifie que son action désinfectante est valable sur tout le long du réseau de distribution d’eau. L’eau de Javel peut être utilisée pour désinfecter les sanitaires, les sols, les éviers et les paillasses. Elle est parfois ajoutée à la lessive pour “blanchir” le linge. Elle est également utilisée pour désinfecter l’eau des piscines. Cette dernière utilisation étant sujette à caution, car l’action de l’eau de Javel fait monter le pH de l’eau très au-dessus de la moyenne et nécessite alors l’emploi de liquide pH. L’eau de Labarraque est le principal composant de la liqueur de Dakin, utilisée comme antiseptique.

4º) Unités

L’unité officielle est la masse de dichlore produite par une masse donnée de solution, exprimée en % (% de chlore actif ou c.a.). Exemple : 1 g de dichlore produit par 100 g de solution. L’unité chimique est le nombre de moles de dichlore par litre ou kilogramme de solution. Rappel : 1 ppm correspond à 1 mg·kg-1 soit 0,001 g par kg, soit 0,0001 g pour 100 g.

5º) Effets sur la santé et l’environnement

a) Toxicologie (effets sur la santé)

L’eau de Javel est toxique et corrosive. Elle provoque des brûlures sur la peau, les muqueuses (les yeux notamment), surtout sous forme concentrée. Son inhalation peut provoquer une réaction respiratoire (irritation bronchique, avec œdème dans les cas graves accompagné d’une baisse de la pression partielle de l’oxygène dans le sang) se manifestant par une dyspnée (manque de souffle, sensation d’étouffement) et une toux (qui peut persister plusieurs années). Elle pourrait aussi affecter l’immunité chez les enfants qui sont régulièrement exposée à ses émanations. Une étude conduite sur la base d’un questionnaire aux parents de 9102 enfants de 6 à 12 en Espagne, Finlande et aux Pays-Bas, a en effet conclu que paradoxalement et contrairement à ce que laisse entendre les publicités, les infections ORL et respiratoires chez les enfants sont corrélées avec l'utilisation régulière comme nettoyant domestique de l’eau de javel dans leurs foyers : + 20% grippe en plus et + 35% d’amygdalite en plus (en tenant compte d'autres facteurs de risque tels que tabagisme passif, éducation parentale ou présence de spores de moisissures) ; Selon les auteurs de l’étude, « Les propriétés irritantes des composés générés par l’eau de javel peuvent endommager les parois des voies respiratoires favorisant l’infection de la flore locale. D’autre part, les produits ménagers à base de javel bloquent les réactions immunitaires de l’organisme ». L’hypochlorite de sodium inhibe l’activité des phagocytes chez la souris, mais non chez le rat et ce phénomène ne semble pas avoir été étudié chez l’Homme. Cette étude a aussi montré que la quantité d’eau de Javel utilisée comme désinfectant domestique varie beaucoup selon les pays (72% des ménages en Espagne et 7% en Finlande). En outre, l’hypochlorite de sodium réagit avec les substances azotées, dont celles émises par l’homme dans les piscines (sueur et urine) comme elle peut réagir avec les protéines animales et végétales lors des opérations de désinfection de locaux ou des végétaux, ou dans les égouts ou bondes d’évier. Elle produit alors des dérivés chlorés dont certains sont susceptibles de dégazer dans l’air. Les chloramines produites peuvent irriter les yeux.

b) Toxicocinétique et métabolisation

Les voies d’absorption classiques sont l’ingestion, le passage transcutané et l’inhalation. Chez l’animal, l’ingestion orale induit un taux plasmatique maximal 2 heures après (chez le rat à jeun, et après 4 heures chez un animal nourri). Demi-vie : Il faut 44 heures pour diviser par deux le taux sanguin chez le rat à jeun et 88,5 heures s’il est nourri. Métabolisation : Une solution aqueuse d’hypochlorite de sodium est métabolisée par le rat en ions chlorures retrouvés (96 heures après en plus grande quantité dans le plasma), puis dans le sang total, mais aussi dans la moelle osseuse, les testicules, les reins et les poumons. Une heure seulement après ingestion d’hypochlorite de sodium, le plasma et le contenu intestinal de rats (nourris ou à jeun) contenaient de l’acide trichloroacétique, de l’acide dichloroacétique et du dichloroacétonitrile. Après 96 heures, 51,2% de la dose initiale seulement était éliminée (à 36,4% dans l’urine et 14,8% dans les excréments). Après 120 heures, on trouvait encore chez ces rats des traces significatives du produit (hypochlorite de sodium).

c) Toxicité aiguë

La toxicité aiguë est d’abord liée au caractère corrosif de l’hypochlorite de sodium :

• DL50 orale : 5 800 mg·kg-1 chez la souris ;

• DL50 cutanée : supérieure à 10 000 mg·kg-1 chez le lapin ;

• DL50 par inhalation : supérieure à 10,5 mg·l-1 pour une exposition d’une heure chez le rat. Inhalation : chez la souris, la dose induisant une diminution de 50% de la fréquence respiratoire est de 4,1 ppm pour une atmosphère d’hypochlorite mesurée en chlore libre (chiffre proche de la dose du chlore pur, 6,7 ppm). Ingestion : des brûlures oropharyngées, œsophagiennes et gastriques sont constatées chez le chien pour 100 ml d’une solution à 5,25%. Au-dessus de 5 ml·kg-1, des lésions corrosives apparaissent. Exposition cutanée : elle induit un épaississement de la peau chez la souris (pour une solution à 1 g·l-1 appliquée 10 minutes par jour durant 4 jours). Les cellules basales de l’épiderme sont moins viables chez le cobaye (pour une solution à 0,5% appliquée sur la peau durant 2 semaines). La peau du lapin est corrodée après 15 à 30 minutes d’application d'une solution à 3,5%. L’irritation augmente avec la dose. Les muqueuses y sont naturellement plus sensibles ; chez le lapin, une solution à 0,5% provoque une vive douleur sur l’œil, avec une irritation réversible en 24 heures. À 5% on constate un obscurcissement passager de la cornée, un œdème de la conjonctive, qui sont réversibles en 24 heures si l’œil a été rincé à l’eau dans les 30 secondes (sinon, les lésions persistent une semaine). Chez le singe, la lésion – à dose identique – est plus rapidement réversible. À 15%, la douleur est aiguë et - sans lavage oculaire immédiat – s’accompagne d’une hémorragie de la conjonctive et du nez, d’un œdème de la conjonctive. La cornée devient vitreuse, il y a un léger hématome ; la lésion est partiellement réversible en 2 à 3 semaines (séquelles). Exposition chronique Jusqu’à 4 000 mg·l-1, l’hypochlorite de sodium ingérée via l’eau de boisson n’influe pas sur la survie de rats, de souris (jusqu’à 2 754 mg·l-1) ou de cobaye (50 mg·l-1) expérimentalement exposés, mais des effets génotoxiques semblent possibles (démontrés chez la souris). Une étude montre aussi que les rats boivent moins d’eau quand elle est assez fortement javellisée, les plus jeunes grossissant légèrement. D’éventuels effets sur la fertilité sont discutés On n’a mesuré aucun effet chez le rat mâle ou femelle, mais chez la souris, à forte dose, il induit des anomalies spermatiques (génotoxicité envisagée chez l’homme). Des rats exposés durant 2,5 mois (avant et lors de la gestation) via 100 mg·l-1 dans leur eau de boisson, ont produit des fœtus légèrement moins lourds, et présentent une légère augmentation d’anomalies (squelette et tissus mous), mais une exposition sur 7 générations n’a pas prouvé d’effet sur la croissance ni sur la survie. Écotoxicologie L’eau de Javel est un puissant biocide nécessitant des précautions pour sa manipulation et pour éviter les rejets de ce produit dans la nature. Les eaux javellisées et extraits concentrés de Javel oxydent la matière organique qu’elles rencontrent en étant susceptible de produire des organochlorés toxiques et de nombreux produits de dégradation (chlorures) et métabolites lorsqu’elle a été ingérée par des animaux ou autres organismes aquatiques. L’effet toxique sur la faune est donc persistant en se transmettant via la chaîne alimentaire. Ces transformations seraient cancérigènes et mutagènes. L’eau de Javel, au contact de l’air, se décompose lentement (à température ambiante, plus rapidement au soleil et/ou exposée à la chaleur, ou en contact avec des métaux) en formant des chlorates et du chlorure de sodium, en libérant du dioxygène selon les réactions :

3 NaClO → NaClO3 + 2 NaCl

2 NaClO → 2 NaCl + O2

De nombreux métaux (dont le cuivre (souvent utilisé pour les tuyauteries), le nickel et leurs alliages) peuvent avoir un effet catalytique et accélérer la décomposition de l’eau de Javel. L’eau de Javel utilisée pour la désinfection des sols ou des WC est présente via les effluents domestiques des bâtiments tertiaires ou industriels dans les égouts et dans certaines stations d’épuration, où elle perd rapidement son pouvoir oxydant en raison de la grande quantité de matière oxydable qui y est présente, mais elle pourrait contribuer à y sélectionner des organismes chloro résistants ou produire des métabolites indésirables. En raison de son action corrosive et super-oxydante, tout rejet accidentel ou chronique direct en milieu naturel peut avoir des conséquences éco toxicologiques locales (Le plancton est par exemple très sensible à de faibles doses de chlore). L’incinération de matières organiques contenant de l’eau de Javel active devrait être évitée en raison du risque de production d’organochlorés stables tels que furanes et dioxines.

6º) Précautions d’emploi

En cas de projection, rincer longuement et abondamment à l’eau claire. Les accidents les plus fréquents sont liés à l’ingestion volontaire (tentative de suicide) ou involontaire et aux mélanges avec d’autres produits (Elle doit surtout ne pas être mélangée aux acides, qui provoquent un violent dégagement gazeux de dichlore, très toxique). Les pastilles doivent être tenues hors de portée des enfants parce qu’elles risquent d’être confondues avec des bonbons. L’eau de Javel doit être conservée en emballage opaque et au frais, car les ions hypochlorites sont dégradés par les UV solaires et la chaleur. Elle ne doit pas être mélangée à de l’eau chaude, ni mélangée à d’autres biocides ou agents nettoyants (émanations toxiques possibles). Combinée à l’ammoniaque (présent dans certains produits de nettoyage), elle produit des chloramines (avec éventuel dégagement d’azote). Combinée à des acides, par exemple des acides chlorhydrique ou sulfurique ou même des acides doux présents dans certains produits de nettoyage ou décapants, elle réagit violemment en émettant de la vapeur de chlore, très toxique (du vinaigre ou du jus de citron suffisent à produire ce type de réaction). Pour la désinfection des surfaces, elle doit être correctement diluée et uniquement utilisée après nettoyage complet par un détergent suivi d’un rinçage, pour une désinfection efficace et pour ne pas favoriser l’apparition du phénomène de résistance au chlore chez certains microbes et parasites (notamment un parasite protozoaire qui peut se développer dans les piscines et qui développe rapidement des résistances à de nombreux biocides). Certaines bactéries se sont montrées également capables après phénomène de sélection naturelle de développer des résistances à des concentrations importantes de chlore. L’eau de Javel ne doit pas être employée pour nettoyer des ustensiles en aluminium, inox ou argent, qu’elle noircit. Pour être efficace, une dose ouverte doit être rapidement utilisée, et il convient de respecter la date limite d’utilisation du produit.

7º) Composition

L’hypochlorite de sodium NaClO est un sel de sodium de l’acide hypochloreux HClO. En solution, l’hypochlorite de sodium NaClO se décompose en ions sodium Na+ et hypochlorite ClO-.

NaClO → Na+ + ClO-

HClO est un acide faible dont la base conjuguée est l’ion hypochlorite ClO-.

L’équilibre acido-basique du couple HClO/ClO- s’écrit :

HClO H+ + ClO- (1)

La composition de l’eau de Javel dépend du pH, selon les deux équilibres chimiques suivants :

HClO H+ + ClO- (1)

HClO + H+ + Cl- Cl2 + H2O (2)

8º) Propriétés

a) Propriétés désinfectantes

Ce biocide a un large spectre désinfectant. Grâce à son pouvoir oxydant, il est :

1. bactéricide,

2. sporicide (tue les champignons),

3. fongicide (tue les champignons végétaux),

4. virucide (hépatite et sida).

Remarque : En réponse à une infection, le système immunitaire humain peut produire un oxydant fort, l’acide hypochloreux, générée dans les neutrophiles activés par peroxydation myéloperoxydase médiée par des ions chlorure, qui contribue à la destruction des bactéries. Cependant, l’eau de Javel n’est pas un détergent, et ne lave donc pas ; pour désinfecter une surface, il faut d’abord la nettoyer avec un détergent, avant d’appliquer l’eau de Javel sur la surface propre. L’eau de Javel permet de tuer les bactéries et autres microbes qui entrent en contact avec elle ou avec certains de ses sous-produits (chlore gazeux). Pour cela, il faut que les microbes ne soient pas protégés dans un biofilm, dans un autre organisme qui ferait écran, ou dans un épais mucus. L’eau de Javel peut être utilisée pour le traitement de l’eau potable. Pour être totalement efficace, l’eau de Javel doit agir au moins un quart d’heure. L’eau de Javel doit toujours être utilisée avec de l’eau froide, car outre que la dilution à l’eau chaude est dangereuse, elle diminue fortement les propriétés désinfectantes de l’eau de Javel.

b) Réaction avec les acides

Dans l’eau de Javel mise en contact avec un acide, c’est-à-dire des ions H+, l’équilibre chimique (2) va être déplacé vers la droite. La réaction suivante va se produire :

HClO + H+ + Cl-  Cl2 + H2O

Il se produit alors un dégagement de dichlore qui est un gaz très toxique. C’est pour cela que l’eau de Javel ne doit jamais être en contact avec des acides, que l’on trouve par exemple dans les produits détartrants ou dans l’urine.

c) Réaction avec l’ammoniac

Lorsqu’ils sont mis en présence, l’acide hypochloreux (HClO) et l’ammoniac (NH3) donnent des chloramines selon les réactions suivantes :

NH3 + HOCl → NH2Cl + H2O

puis NH2Cl + HOCl → NHCl2 + H2O

et ensuite NHCl2 + HOCl → NCl3 + H2O

Les chloramines gazeuses sont très irritantes. C’est pour cela qu’il ne faut pas mélanger l’eau de Javel avec de l’ammoniaque. C’est la même réaction qui a lieu lorsqu’un nageur urine dans l’eau d’une piscine désinfectée au chlore. C’est aussi la raison pour laquelle il ne faut pas nettoyer une litière d'’un animal domestique avec de l’eau de Javel. L’urée contenue dans l’urine est un produit azoté. Il va donc se former des chloramines irritantes pour les muqueuses et les yeux.

d) Propriétés oxydantes

L’eau de Javel a des propriétés oxydantes dues à l’ion hypochlorite ClO-. L’ion ClO- est un oxydant puissant. De ce fait, le degré d’oxydation du chlore est +1 dans HClO pour devenir -1 dans Cl-. La demi-réaction redox s’écrit :

HClO + 2 e- + H+ Cl- + H2O

Comme exemple de réaction redox avec le HClO, citons un exemple en électrochimie : « Soit l’équation suivante qui décrit la réaction se déroulant dans une pile électrochimique » :

2 Cr2+(aq) + HClO(aq) + H+ → 2 Cr3+ + Cl- + H2O

Les demi-réactions redox sont :

2 Cr2+ → 2 Cr3+ + 2 e- 

HClO + 2 e- + H+ Cl- + H2O

On peut après conclure que cette réaction peut aisément faire fonctionner une pile électrochimique avec le réactif chromé comme électrode positive et le réactif chloré comme électrode négative. Cet agent actif est à l’origine du pouvoir blanchissant de l’eau de Javel. L’ion Cl- est son réducteur conjugué. On définit le couple redox ClO-/Cl-. La réaction de réduction de l’ion hypochlorite ClO- s’écrit :

ClO- + 2 H3O+ + 2 e- → Cl- + 3 H2O

La décomposition de l’eau de Javel en ion hypochlorite et acide hypochloreux dépend fortement du pH du milieu : à des pH supérieurs à 8, l’eau de Javel perd de son activité désinfectante car elle ne libère plus que 25% (environ) d’ion biocide ClO-.