Termes spectroscopiques
6 Propriétés optiques des composés de coordination (transitions d-d et interprétation qualitative des spectres)
La couleur des complexes résulte de transitions intraconfigurationnelles entre orbitales d. En effet, la différence d'énergie entre orbitales t2g et eg égale à Δ varie entre 12 500 cm-1 et 25 000 cm-1, c'est-à-dire une gamme d'énergie correspondant au spectre visible du rayonnement électromagnétique (800 nm > λ > 400 nm). Une transition électronique correspond au passage d'un électron du niveau fondamental vers un niveau excité. Lorsqu'elle a lieu, la matière absorbe un photon dont l'énergie correspond rigoureusement à la différence d'énergie entre le terme fondamental et un terme excité. Elle suit également des règles de sélection : l'une liée au moment orbital et l'autre lié au moment de spin. Une transition autorisée a lieu si les orbitales impliquées au cours de ce processus sont telles que Δl = ± 1 et ΔS = 0.
Les transitions d - d sont interdites selon la première règle car Δl = 0, mais elles sont observées grâce à des mécanismes de relaxation liés essentiellement à des couplages électrons-noyaux (rôle des vibrations). Par contre une transition d - d avec changement de spin est interdite selon les deux règles. Là encore, elle peut être observée grâce à des mécanismes de relaxation beaucoup moins efficaces liés aux couplages entre moments de spin et moments orbitaux des électrons. Par conséquent, ces transitions sont beaucoup moins intenses que les transitions d - d permises de spin. Nous ne parlerons que des transitions permises de spin dans la suite.
Le spectre électronique (mesure de la variation de l'absorbance d'une solution en fonction de λ) peut être formé d'une ou de plusieurs transitions électroniques.
Si un complexe ne présente qu'une seule transition, alors la couleur de ce complexe correspond à la couleur complémentaire de la couleur absorbée pendant la transition.
6-1 Spectres à une bande : interprétation de la couleur des complexes
Cette situation se produit dans les complexes des ions Ti3+ de configuration d1. Une solution aqueuse de [Ti(H2O)6]3+ est rouge. Le spectre d'absorption est formé d'une seule bande avec λmax = 510 nm. La couleur absorbée est le vert, le complexe apparaît de la couleur complémentaire à savoir le rouge. La bande observée est interprétée comme la transition de l'électron de l'orbitale t2g vers l'orbitale eg. L'énergie de cette transition est égale à Δ. On obtient donc la valeur de Δ à 510 nm, soit en unités cm-1, 19 607 cm-1.
Un cas similaire est celui de l'ion hexa-aquo de cuivre (II) : [Cu(H2O)6]2+ de configuration d9. Dans ce cas, le composé est bleu-vert, et son spectre est constitué d'une seule bande située à 840 nm. Il absorbe le rouge, et apparaît donc de la couleur complémentaire. Le spectre s'analyse de façon semblable. On peut voir cette transition comme le passage de l'électron d'une orbitale t2g à une orbitale eg. La transition possède toujours l'énergie Δ. Dans ce cas, Δ vaut 12 000 cm-1 (λ = 833,3 nm).
De l'analyse de ces deux spectres, on donne une preuve expérimentale que le champ cristallin Δ augmente avec la charge de l'ion de transition. De manière générale, ΔM3+ > ΔM2+.
6-2 Spectre à deux bandes : rôle de la répulsion « électron-électron »
Examinons maintenant le spectre visible du complexe [Cr(H2O)6]3+ dont la configuration de plus basse énergie est t2g3 (d3). Celui-ci est formé de deux bandes d'intensité semblable à 17 400 cm-1 (λ = 575 nm) et 24 600 cm-1 (λ = 406,5 nm), dont l'origine est à chercher dans des transitions t2g → eg. Une façon de réaliser cette transition est de promouvoir l'électron de l'orbitale dxy vers l'orbitale dz2. Dans ce cas, la densité électronique est relocalisée au cours de la transition d'un plan xy dans une direction z déjà riche en électron (les orbitales dzx et dyz sont occupées). Mais il existe une autre façon de réaliser cette transition en faisant passer l'électron de l'orbitale dzx vers l'orbitale dz2. Dans ce cas, la densité électronique sera simplement relocalisée selon un axe z déjà riche en électron avant la transition. On conçoit aisément que pour le premier cas la répulsion électronique va beaucoup augmenter au cours de la transition, et beaucoup moins dans le second cas. Par conséquent les deux transitions envisagées apparaissent à des énergies différentes.
Les autres possibilités de transitions t2g → eg seront similaires à l'un ou l'autre cas, si bien que le complexe possède deux bandes dans son spectre d'absorption.
En le premier cas, la densité électronique se déplace fortement vers les ligands sur l'axe z. Alors qu'au deuxième cas, le déplacement est beaucoup plus faible.
Une question vient à l'esprit immédiatement, quelle transition va permettre de déterminer Δ? Intuitivement, on choisira la transition de plus basse énergie, et on aura raison. On détermine donc Δ = 17 400 cm-1 (λ = 575 nm).