LePour
bien étudier les diverses approches des politiques publiques, nous allons
mettre l'accent sur l'approche séquentielle des politiques publique systématisée
par Jones (section1) ainsi que les autres approches servant de critiquesà l'endroit de cette dernière (section2).
Section1.La
grille séquentielle de Jones d'une politique publique
La première question
qu'on peut poser ici est : comment, ou si vous préférez à partir de quelle
méthode d'analyse, peut-on étudier l'action publique? Pour répondre à cette question,
nous allons analyser la présentation de la grille séquentielle de Jones
(paragraphe1) avant de voir ses succès et
faiblesses (paragraphe2).
Paragraphe1.
Présentation de la grille séquentielle
Dans les écoles de
politique publique, se développent, fin 50 début 60, les grilles séquentielles
d'analyse. La plus célèbre dans les années 60-70 fut la grille de Jones. C'est
Charles Jones qui systématise cette approche par grille séquentielle dans un
des premiers manuels de politique publique. Une action publique peut être
découpée en une séquence d'activités qui vont de l'émergence d'un problème
jusqu'au à la « terminaison de l'action ». Il y a généralement 5 séquences
principales qui composeraient le processus. Chaque phase pourrait faire l'objet
d'un mémoire de recherche. Voyons successivement ces cinq séquences.
. Identification
d'un problème : Un problème est identifié par un système politique ou les
autorités publiques comme exigeant un traitement. Tous les problèmes ne sont
pas traitables. Seuls les problèmes exigeant politiquement un traitement sont inscrits à l'agenda d'une autorité
publique. Pour cela il faut l'avoir
construit comme un problème politiquement traitable.
Formulation d'une
solution ou d'une action : Pour faire une politique
publique, il faut la faire selon des critères juridiques et économiques. Les
réponses, les solutions, sont la plupart du temps des solutions négociées pour
permettre d'établir un cadre d'action publique. Ce qui requiert un certain
nombre de formalités non négligeables : Élaboration de réponses
/ Etudes de solutions / Mise en conformité avec des critères / proposition
d'une réponse.
Prise de décision :
Il faut avoir créé une coalition (pour que la loi existe, il faut qu'elle soit
votée au parlement...) et pour que la décision soit possible, il faut un
processus de légitimation de la politique. La politique doit apparaître comme
répondant bien au problème que l'on a cerné. Le décideur légitime va choisir
une des solutions ou un mixage de solutions qui va devenir finalement la
politique publique la plus légitime.
Mise en œuvre : C'est la phase la plus
analysée de la politique publique car elle reste la phase de construction de
solution. Mais à partir de là, on peut
mesurer un certain nombre de chose. La politique est appliquée et administrée
sur un territoire et/ou sur un secteur. Il faut la gérer et l'administrer. Mais
le seul fait de la mettre en œuvre produit des effets parfois souhaités ou non
(effets pervers). Gestion et administration / production d'effet.
La résolution d'un problème est en
théorie : la terminaison de l'action : mais très peu de problèmes ne se
résolvent par une politique publique. Elles résolvent généralement qu'une
partie du problème voir en crée de nouveaux.
Cette cinquième phase
débouche alors une phase d'évaluation : une vision des effets de la
politique et d'une pensée sur comment ajuster la politique au mieux. Ceci étant
dit il reste à voir le succès de la grille séquentielle de Jones.
Paragraphe2.
Les succès et faiblesses de l'analyse
séquentielle de Jones
Nous allons analyser ses succès (A) avant de
pencher sur ses faiblesses (B).
A.Les succès de l'analyse de Jones
Au regard de la
représentation de l'approche séquentielle de Jones, on peut se demander pourquoi
un tel succès pour cette grille d'analyse? Principalement parce que c'est une
grille qui représente l'action publique de manière très rationnelle, elle est à
la fois adaptée à la rationalité des décideurs et à la rationalité des
chercheurs. Elle est de plus assez souple pour pouvoir être très adaptable. La
rationalité d'action qui est proposée implicitement dans la grille est plutôt
une rationalité de type substantive (coût-avantage). Mais, parce qu'il y a des
séquences d'action, on a aussi une dimension procédurale. A l'intérieur de
chaque étape on peut avoir une rationalité économique mais dans l'ensemble on a
une rationalité procédurale. On a alors les deux. Un deuxième élément qui lui
vaut son succès est qu'on part d'un modèle descriptif et d'un modèle analytique
mais très vite on remarque que c'est un modèle qui prescrit des choses (point
de vue prescriptif), un point de vue d'aide à la décision. On a donc un modèle
tout à fait adapté à la rationalité dominante des chercheurs, mais elle
s'adapte aussi à l'aspect juridique et administratif.
Mais aussi avec les
élites politico-administratives parce que cela amène à une décision rationnelle
et rationalisable. On parle alors d'un modèle syncrétique de rationalité parce
qu'il rassemble plusieurs modèles de rationalité. Cela dit, il y a lieu de
retenir qu'une bonne politique publique, c'est une politique qui suit de
manière assez linéaire, ces différentes séquences d'action. On a l'idée que ce schéma
va aider à faire de bonnes actions publiques, mais on en déduit aussi une
certaine capacité du chercheur à peser sur l'objet à analyser (les politiques
publiques elles-mêmes). Le chercheur devient par ce biais, un expert potentiel,
qui va être capable de prodiguer une véritable aide à la décision. Malgré son
succès cette méthode fait l'objet de multiples critiques. D'où l'étude de ses
faiblesses.
B.Les faiblesses de l'analyse de
Jones
Malgré sa pertinence,
l'approche séquentielle de Jones a fait
l'objet de nombreuses critiques.
La première réserve
concerne sa trop grande linéarité. En effet, une décision, peut "sauter" l'une
des phases évoquée par Jones et, de la même manière, des phases peuvent être
inversées. C'est le cas par exemple quand la décision précède la définition du
problème (Ex les urgences liées aux crises sanitaires(le covid19), aux
calamités naturelles ect..).
Un autre problème
renvoie à la notion de terminaison ou de fin d'une politique : cette notion
repose sur un postulat rationaliste que l'on retrouve difficilement sur le
terrain. Par postulat rationaliste, il faut entendre par là l'idée qu'une
politique peut effectivement toucher parfaitement sa cible et devenir donc
ensuite inutile, ce qui expliquerait sa disparition. En réalité, les conditions
même d'élaboration d'une décision et les contraintes qui pèsent sur sa mise en
œuvre limitent largement la possibilité qu'une politique publique puisse
remplir parfaitement son office et puisse donc se terminer.
Plus fondamentalement,
l'analyse séquentielle repose sur une hypothèse générale à discuter, que l'on
appelle l'hypothèse du problem solving. Autrement dit, Jones considère avec
d'autres spécialistes anglo-saxons des politiques publiques que l'objet naturel
et automatique des politiques publiques consiste à régler des problèmes. Or ce
postulat doit être discuté. On doit en effet se demander si une politique
publique a toujours et partout pour fin de résoudre un problème. On peut, par
exemple, faire l'hypothèse qu'une politique publique vise à redéfinir un
problème et à construire une nouvelle représentation sociale de celui-ci.
Une autre hypothèse, à
partir de la grille séquentielle de Jones, consiste à discuter l'idée selon laquelle le cadre des politiques
publiques se limite à un débat ou à une confrontation entre ceux que Jones
appelle dans son livre les décisions-makers. Autrement dit, les prises de
décision se caractériseraient d'abord par une dimension technique ou pratique.
Or ce qu'il faut rappeler c'est que les politiques publiques sont aussi et
surtout des problèmes politiques. Elles reposent sur un affrontement entre des
visions du monde, des valeurs et des intérêts. D'où l'idée qu'une prise de
décision c'est aussi un élément de la vie politique, au même titre que le vote
par exemple. Ce n'est pas seulement un affrontement tactique entre
organisations ou acteurs. On retrouve là l'idée de Cobb et Elder du lien
nécessaire entre policy et politics, c'est-à-dire entre action publique et
action politique. Outre l'approche séquentielle de John, d'autres approches ont
été proposées.
Section2.
Les autres approches des politiques publiques
Contre ce schéma plutôt rationaliste que
constitue l'analyse séquentielle, on peut citer un modèle assez original. Il
s'agit du modèle dit de la poubelle (garbage can model) développé par deux
américains March et Olsen (Rediscovering Institutions. The Organizational Basis of Politics,
1989). Ce modèle relève d'une perspective "anarchiste" ou désorganisée de la
décision publique. Il repose sur l'idée qu'un processus décisionnel n'est après
tout pas autre chose qu'un amoncellement d'objets hétéroclites (acteurs,
intérêts, ressources...) dont la confrontation finit par produire de la
décision. C'est ainsi qu'il arrivait que
les décideurs aient des solutions mais pas de problème.
La réserve que l'on
peut faire avec le modèle de la poubelle concerne la négation de l'existence de
règles minimales, en particulier de règles procédurales et de règles de droit,
qui, malgré tout, contribuent à organiser les interactions entre acteurs des
politiques publiques et rendent possible l'action publique. A côté de la dite approche
s'ajoutent d'autres approches ayant un apport considérable dans l'analyse des
politiques publiques. Il s'agit de :
-L'apport d'Emile
Durkheim (le suicide, la division du travail social, les formes
élémentaires de la vie religieuse) reste majeur pour l'analyse des
représentations et des normes, et pour la contribution des politiques publiques
à la régulation des sociétés.
-L'apport de Max
Weber (Economie et société, Le savant et le politique, l'éthique
protestante et l'esprit du capitalisme), par son analyse de la
bureaucratie, de l'individualisme et de la comparaison historique est tout
aussi fondamental.
L'apport de ces
différentes approches a contribué à clarifier
la question des relations entre l'Etat et la société dans la production
des décisions publiques. A partir de là, on peut se faire une idée selon
laquelle l'étude des politiques publiques permet d'enrichir l'analyse de l'Etat
et repose donc sur une sociologie de l'Etat. Dès lors, il est possible de
concevoir que dans l'assemble les concepts
et méthodes d'analyse des politiques publiques
ne relèvent pas d'une épistémologie particulière, ils prennent de grands
paradigmes des sciences sociales. La sociologie, la sociologie politique,
l'histoire, le droit contribuent à l'analyse des politiques publiques.
Face à cette diversité
d'approches, l'approche séquentielle demeure la plus pertinente puisqu'elle est, la plus didactique et la plus
complète. En effet, l'approche
séquentielle de Jones révèle que les
politiques publiquesconstituent un long
processus. contenu du cours est disponible ci-dessous en ligne.