Chimie des clusters d'éléments de transition

10 Méthodes de calcul

Si on admet que la molécule considérée peut être décrite comme ayant un mode de liaisons localisées, c’est-à-dire que le nombre d’OM liantes est égal au nombre d’OM antiliantes et au nombre de liaisons (au sens de Lewis), mais aussi que le nombre de liaisons dans lesquelles est impliqué un élément ne peut excéder son nombre d’orbitales atomiques (OA) de valence, alors le principe de la couche fermée se ramène à la règle dite du NAE (Nombre Atomique Effectif). Cette règle stipule que dans une molécule, tout atome doit avoir dans son environnement un nombre d’électrons de valence égal à celui du gaz rare le plus proche de sa période. Cette règle ne permet pas d’interpréter intégralement la structure moléculaire en fonction du nombre d’électrons, mais seulement une partie de celle-ci : la connectivité. Pour les éléments principaux, la règle du NEA fixe le nombre d’électrons de valence à 8. C’est la règle de l’octet qui règne de façon quasi-hégémonique sur la chimie organique. Pour les éléments de transition, la règle du NAE prévoit un compte de 18 électrons. La règle des 18 électrons est largement respectée en chimie organométallique. On peut la déduire du diagramme d’interactions orbitalaires d’un complexe MLn (M = métal de transition, L = ligand à 2 électrons) qui est représenté sur la figure suivante. Ce diagramme assume seulement que le principe de la couche fermée est respecté et que le mode de liaison est localisé (nombre d’OM liantes = nombre d’OM antiliantes = n ≤ nombre d’OA de M, soit 9). On peut expliquer la règle de l’octet d’une façon similaire, par exemple à partir du diagramme d’interaction d’une molécule AHn (A = élément principal et n ≤ nombre d’OA de A, soit 4). Ainsi on peut voir sur la figure que le principe de la couche fermée implique l’occupation des n orbitales liantes et (9-n) orbitales non liantes, conduisant à un total de 18 électrons dans des OM à localisation métallique significative. Cependant, les exceptions à la règle des 18 électrons sont nombreuses. Ainsi, des pans entiers de la chimie de coordination dite “minérale”, domaine dans lequel la covalence est souvent faible, échappent à cette règle. Mais il existe des familles de complexes, qui bien que très covalents, ne respectent pas la règle des 18 électrons. Il s’agit des complexes plans (ML4 ou ML3) et des complexes linéaires ML2. Dans ces cas spécifiques, parmi les (9-n) orbitales métalliques non-liantes de la figure, une (cas des complexes plans) ou deux (cas des complexes linéaires) d’entre elles sont des orbitales de valence p. Dans le cas des complexes plans, il s’agit d’une orbitale pz perpendiculaire au plan.

Il s’agit d’un diagramme d’interactions orbitalaires d’un complexe MLn (M = métal de transition ; L = ligand à 2 électrons ; n ≤ 9). Cas général où les (9-n) orbitales non liantes sont à caractère d. Dans le cas des complexes linéaires, il s’agit de deux orbitales perpendiculaires à l’axe moléculaire. Dans les deux cas, ces OA p sont rigoureusement non-liantes par symétrie. Du fait de la haute énergie de la sous-couche de valence p, ces orbitales ne sont pas “accessibles” aux électrons. En d’autres termes, le principe de la couche fermée est respecté lorsque ces OA ne sont pas occupées, ce qui conduit respectivement à un compte favorable de 16 ou 14 électrons. Ces cas particuliers sont schématisés sur la figure suivante.

Dans les composés où la connectivité entre les atomes devient plus grande que leur nombre d’orbitales atomiques, le mode de liaison ne peut plus être considéré comme de type localisé, et par conséquent la règle du NAE n’est plus valide. C’est le cas de nombreux clusters (ou agrégats) moléculaires, qu’ils soient constitués d’atomes du groupe principal et/ou de métaux de transition. Le mot cluster a été défini dans les années  1960 par Cotton et s’appliquait à l’époque spécifiquement aux composés de métaux de transitions inorganiques. Le cluster était défini comme « un groupe fini d’atomes métalliques liés entre eux, bien que des atomes non métalliques peuvent être impliqués dans le cluster ». Depuis, le sens du mot cluster a été étendu à tous les éléments du tableau périodique et désigne un composé dans lequel un groupe d’atomes liés entre eux forme un arrangement polyédrique ou polygonal et auquel sont attachés des ligands situés à l’extérieur du polyèdre. Outre l’aspect purement fondamental, l’intérêt pour ces composés repose sur diverses applications telles que la catalyse, les propriétés optiques et de luminescence. Si du fait de la grande connectivité présente dans de nombreux composés clusters, la règle du NAE ne peut s’appliquer, la chimie structurale des clusters moléculaires viables obéit toujours au principe de la couche fermée. Selon le type de cluster et la nature des liaisons qu’ils présentent, plusieurs modèles qualitatifs ont été développés pour décrire leur structure électronique et interpréter leur structure sur la base de comptes électroniques favorables qui satisfont au principe de la couche fermée.