Chimie des clusters d'éléments de transition

6 Complexes hétérométalliques de l’or, effets relativistes entre ions en d10

En 1984 le premier cluster Pt-Au qui résultait d’une réaction inattendue au cours de laquelle le ligand hydrure de trans-[PtH(Cl)(PR3)2] était déplacé sous forme de proton par deux cations [Au(PPh3)]+. La distance Au-Au de 2,737 Å est plus courte que dans l’or métallique (2,884 Å) et traduit la forte tendance de l’or à s’associer à lui-même dont le fondement se trouve dans les effets relativistes qui sont très importants pour cet élément.

Ces résultats avaient incités à explorer la réactivité des polyhydrures d’iridium vis-à-vis de cations AuL+ et Ag+ et ont conduit à des complexes polymétalliques très originaux, modèles de polyhydrures de l’iridium encore inconnus à ce moment. L’addition de fragments [Au(PPh3)]+ à des complexes dinucléaires du platine conduit soit à des complexes dans lesquels l’addition se fait formellement sur la liaison métal-phosphore (cas du ligand µ-PR2) et non pas sur la liaison métal-métal. Dans ce cas, une liaison se développe entre le ligand Au(PPh3) et le phosphore en pont, conduisant ce dernier à se rapprocher d’un ligand µ3-PPh2 très original. Ceci avait également conduit à prédire la possibilité d’un mode de liaison pontant des ligands phosphines PR3, ce qui fut réalisé ultérieurement par H. Werner et qui a donné l’occasion de dresser un parallèle original entre chimie du carbone, du silicium et du phosphore.

Cette tendance forte de l’or à former des liaisons avec lui-même est responsable d’un réarrangement intermoléculaire qui conduit à un cœur métallique Fe-Au-Au-Fe en zigzag, très original.

On rapprochera cette structure de celle d’un complexe tétranucléaire à valence mixte Pd(I)-Pd(II) obtenu lors d’études de la réactivité de cations métalliques électrophiles sur Pd2(µ- Ph2PCH2PPh2)2Cl2. Les ions d10 ne sont pas incorporés dans le produit final mais servent d’abstracteurs sélectifs d’ions halogénures. Un autre cluster original avait été caractérisé au cours de ces études qui possède un cœur en forme de parallélogramme :

On a pu élaborer par étapes un cycle métallique à 10 chaînons dont l’enchainement des atomes décrit une hélice gauche, caractérisé par la première liaison Hg-Cu (2,689 Å), qui, étant en position transannulaire, assure un contrôle de la conformation du cycle. En outre, un phénomène d’oscillation autour de cette liaison métal-métal conduit à un mouvement de «pendule moléculaire».

Les analogues Ag-Hg et Au-Hg devraient donner lieu à des effets relativistes plus importants, qui captivent en ce moment les chimistes, bien longtemps après les physiciens. Caractérisations structurales et études théoriques sont en cours sur cette série isoélectronique très originale qui permet une étude comparative des effets relativistes et interactions de Van Der Waals entre ions chimiquement différents de configuration électronique d10.
Une extension très récente de la stratégie consistant à utiliser la métalladiphosphine Fe-Hg-Fe pour “capturer”   un ion d10 vient d’être appliquée au Pd(0). Ceci conduit au premier exemple de liaison d10-d10 Pd(0)-Hg(II) et a fait l’objet d’études théoriques poussées. L’inclinaison observée pour le Pd(0) par rapport aux positions occupées par Cu(I), Ag(I) ou Au(I) provient de l’établissement d’une liaison avec un carbonyle semi-ponté. En outre, cette molécule en forme d’hélice possède des propriétés dynamiques remarquables, le palladium oscillant le long de l’axe Fe-Hg-Fe. La réaction du complexe trimétalladiphosphine en chaîne Fe-Hg-Fe avec un précurseur de Pt(0) conduit à un résultat tout à fait différent de celui de Cu(I) et Pd(0). En effet, la première migration de ligand silyle d’un métal (ici le fer) vers un autre (le platine) en chimie des clusters intervient, ce qui conduit à une redistribution électronique importante au sein de la molécule. Une analyse théorique approfondie confirme que dans une première étape, la “capture” du Pt(0) pourrait se faire de manière semblable à celle du Cu(I) et serait suivie du réarrangement évoqué.