Chimie des clusters d'éléments de transition

3 Réactivité multicentre

Un cas remarquable de réactivité hétérométallique a été découvert avec un complexe Ni-Mo qui permet la dimérisation de l’acrylate de méthyle, alors que les complexes homométalliques correspondants sont totalement inactifs.

Bien que le complexe final soit mononucléaire, la nécessité d'un système hétérométallique pour cette dimérisation fut démontrée. Simultanément, une autre réaction d’activation C-H de l’acrylate conduit pour la première fois à un cluster triangulaire. Aucun des systèmes homodinucléaires Mo2 ou Ni2 correspondants n’est capable d’effectuer cette transformation.
La propriété essentielle des clusters de posséder plusieurs centres métalliques à proximité les uns des autres ouvre la voie à des réactions intramoléculaires mettant en jeu une coopérativité intermétallique. Des résultats particulièrement originaux, aussi bien sur les plans conceptuels qu’appliqués, sont à attendre d’une activation de ligands pontant, qui par définition sont absents en chimie mononucléaire. La phosphine cétone Ph2PCH2C(O)Ph peut être activée par un cluster du ruthénium pour conduire à un nouveau mode de liaison pontant-chélatant, très original, pour le ligand phosphinoénolate correspondant.

Sa réactivité pourrait être comparée à celle du même ligand dans d’autres modes de liaison. Si l’on s’attend à ce que le cœur métallique exerce une grande influence sur la réactivité de la fonction énolate, le nouveau ligand assembleur P, O pontant-chélatant devrait à son tour modifier la réactivité et la stabilité du cluster métallique.
En chimie du platine, on a observé des réactions d’activation des liaisons P-C (phényle) et C-H de ligands phosphines qui conduisent à des molécules di- et trinucléaires originales. Une compréhension des conditions d’activation des ligands par les métaux dans leurs degrés d’oxydation inférieurs est tout à fait essentielle à la détermination des conditions optimales de réaction en catalyse homogène. On sait par exemple que de telles réactions peuvent conduire à la désactivation du catalyseur, comme c’est le cas en hydroformylation des oléfines.
La réactivité d’un complexe dinucléaire Pt(I)-Pt(I) vis-à-vis d’électrophiles métalliques a permis de mettre en évidence des différences importantes entre ions isoélectroniques à configuration d10: si Cu+, Ag+ et Au+ s’additionnent sur la liaison métal-métal, Hg2+ conduit à une oxydation sélective avec ouverture de la liaison Pt-Pt.

La réactivité de tels complexes dinucléaires du Pt (I) à ponts phosphuro avec ces électrophiles, reliés entre eux par l’analogie isolable, a permis d’isoler de nouveaux clusters Pt2Ag et Pt2Cu originaux permettant de mieux comprendre, voire de prédire, les sites les plus réactifs dans des molécules complexes à liaisons métal-métal. Un autre exemple de réactivité multicentre originale montre que la présence de plusieurs centres métalliques à proximité les uns des autres ouvre la voie à des réactions intramoléculaires mettant en jeu une coopérativité intermétallique. Ainsi, le cluster trinucléaire du platine évoqué est riche en électrons, comme l’atteste sa réaction avec des électrophiles métalliques et réagit avec l’iode en donnant lieu à un couplage P-C entre ligands du cluster. Cette réaction très originale, l’induction par oxydation à l’iode d’un couplage réducteur P-C entre le phényle et un groupe PPh2 adjacent, représente le chemin inverse de la formation de ces complexes. Ceci suggère que dans de nombreux cas où un couplage entre fragments organiques stabilisés par un cluster est recherché (par exemple en chimie du CO ou dans des réactions de couplage carbone-hétéroélément), c’est peut-être dans des conditions oxydantes qu’il faut se placer, et non pas dans des conditions réductrices comme c’est généralement le cas.

Dans le but de relier l’activité catalytique remarquable et bien connue des complexes du Pt en hydrosilylation des oléfines, on a examiné la réactivité d’un silane avec un cluster de type Pt3 et ceci a conduits à isoler et caractériser les premiers clusters du Pt à liaison directe Pt-Si.

On a montré, pour la première fois que des phosphine-oxazolines pontantes peuvent stabiliser des complexes hétérométalliques, en formant des cycles à 6, alors que les ligands pontants habituels forment des cycles à 5 particulièrement stabilisés. Ceci a conduit à des complexes Fe-Cu et Fe-Co.