Chapitre 8 : Exemples

1 Coenzyme B12

Le cobalt est la 30éme élément par ordre d’abondance dans la croûte terrestre, avant le lithium, le brome et l’iode qui participent tous à divers environnements biochimiques ; toutefois, le seul système biologique connu contenant du cobalt est la coenzyme B12, qui contient un cobalt lié à cinq atomes d’azote et à un atome de carbone d’un ligand adénosine (figure 1). La liaison carbone–cobalt de cette molécule fait de la coenzyme B12 le premier exemple d’un composé biologique organométallique. La vitamine B12, qui est très proche, contient un ligand cyano à la place du ligand adénosine et on rencontre d’autres substituants organiques liés au cobalt. On utilise le nom cobalamine pour cette catégorie de dérivés de B12. La vitamine a été détectée pour la première fois en 1929 dans des extraits de foie, et on a observé plus tard que l’absence de vitamine B12 ou de coenzyme B12 conduit à l’anémie pernicieuse chez l’homme. On a observé la liaison Co—CN par diffraction des rayons X sur un monocristal de la vitamine.

L’environnement particulier des ligands supporte le cobalt à trois degrés d’oxydation différents malgré la présence d’un milieu aqueux. La forme Co(III) de l’enzyme est oxydante et électrophile. Ainsi, Co(III) est facilement réduit en Co(II). Une réduction ultérieure conduit à Co(I), un degré d’oxydation rare pour le cobalt en milieu aqueux. Le cobalt (I) est fortement nucléophile, et on peut le méthyler aisément. Outre son utilité dans les réactions de méthylation comme celle de la méthionine synthétase, la « méthycolalamine » est impliquée dans la méthylation des métaux lourds en solution aqueuse pour donner des espèces comme les composés très toxiques Hg(CH3)2 et Pb(CH3)4. L’un des ligands qui entourent le cobalt et qui permettent cette chimie inhabituelle est une corrine, un ligand de porphyrine, qui fournit quatre atomes d’azote donneurs en position équatoriale autour du cobalt. Le cinquième site est constitué également d’un azote donneur conjugué, et le sixième est occupé par un ligand carboné (figure 1). Cette liaison Co—C fait de la coenzyme B12 l’un des rares exemples de molécule organométallique en biologie. La liaison Co—C est faible et se rompt facilement de façon homolytique pour donner un radical carboné qui peut arracher un hydrogène des liaisons C---H. L’interconversion des liaisons C---H et C---C dans les molécules du substrat utilise cette capture radicalaire d’hydrogène  par la coenzyme B12.

La coenzyme B12 est une enzyme versatile ; son atome de cobalt peut être réduit en Co(I) qui, lorsqu’il est méthylé, sert d’agent de méthylation.