Théorie du champ cristallin

5 Effet Jahn - Teller

L’effet Jahn-Teller, connu aussi en tant que « Distorsion Jahn-Teller », décrit la distorsion de la géométrie des molécules non-linéaires dans certaines situations. Historiquement, cet effet a été proposé dans un théorème publié en 1937 par Hermann Arthur Jahn et Edward Teller, dans lequel ils démontrent que toute molécule non-linéaire possédant un niveau électronique fondamental dégénéré subira une distorsion géométrique qui lèvera cette dégénérescence, ce qui aura pour effet de diminuer l’énergie totale de la molécule[]. Il est responsable de la distorsion du complexe hexaaquacuivre (II), [Cu(OH2)6]2+, qui devrait posséder une géométrie octaédrique. Les deux liaisons Cu-O axiales mesurent environ 240 pm, alors que les quatre liaisons Cu-O équatoriales mesurent environ 190 pm.

Même lorsque tous les ligands sont équivalents, l’expérience a montré qu’on peut encore observer des distorsions à la géométrie octaédrique. Elles sont attribuées à l’effet Jahn - Teller. Le théorème de Jahn - Teller (1937) dit que « lorsqu’un métal d’un complexe octaédrique est tel qu’il y a une différence de remplissage des orbitales eg et des orbitales t2g il y a une levée de dégénérescence de ces orbitales t2g ou eg se traduisant du point de vue géométrique par une différentiation des longueurs métal-ligand dans le plan et en trans donnant ainsi un octaèdre déformé tétragonalement ». La distorsion est très importante dans le cas d’un d9 et d’un d4 haut spin ou d7 bas spin. Elle est infinie dans le cas d’un d8 « low spin ». L’effet Jahn - Teller maximum dans un d8 low spin explique le départ des ligands trans et la formation du plan carré. L’effet Jahn - Teller indique qu'une molécule non linéaire dans un état électronique dégénéré est instable vis - à - vis de certains déplacements nucléaires. Cela signifie qu'une distorsion de la géométrie de la molécule abaissant la symétrie donnera un état plus stable, en levant partiellement ou totalement la dégénérescence. Il est clair que la configuration d1 est un bon candidat à la distorsion Jahn - Teller. En effet, l’état fondamental est triplement dégénéré [l’électron peut être sur l’une des trois OM t2g (dxy, dyz ou dxz)], et l’état excité doublement (t2g)0(eg)1 (l’électron est soit sur d soit sur dx²-y²). Dans ces deux cas une distorsion est probable. Cependant le théorème de Jahn - Teller n’indique ni le type de distorsion ni son amplitude. Il précise seulement qu’une symétrie plus basse donnera naissance à un état plus stable.

Cet effet est observé dans les complexes octaédriques de certains métaux de transition hexacoordonnés. En particulier, le cuivre (II), le chrome (II) et le manganèse (III). Placé dans un champ de ligands octaédrique, les cinq orbitales d dégénérées d'un métal de transition se subdivise en deux groupes d'orbitales, T2g (dxy dxz et dyz) et Eg (dx2-y2 et dz2). Les orbitales T2g sont donc triplement dégénérées tandis que les orbitales Eg sont doublement dégénérées. L’ion Cu2+ étant de configuration d9, le niveau Eg contient trois électrons dont l’un n'est pas apparié. Les deux orbitales du niveau Eg étant dégénérées, l’électron célibataire peut se placer indifféremment dans l’une ou l’autre des orbitales dx2-y2 ou dz2, conduisant à l’existence d’un niveau fondamental dégénéré, ce qui donne lieu à l'effet Jahn-Teller. Ce type de complexe va subir une distorsion le long d’un des axes de symétrie quaternaire (que l’on désigne comme étant l’axe « z »), ce qui a pour effet de lever la dégénérescence orbitalaire et de diminuer l’énergie totale du complexe. Cette distorsion se manifeste généralement par une élongation des distances métal-ligand le long de l’axe z, mais peut occasionnellement provoquer un raccourcissement de cette liaison (le théorème de Jahn-Teller ne prédit pas la direction de la distorsion, mais l’existence de géométries instables). Lorsque ce type de distorsion se produit, cela a pour effet de diminuer la répulsion électrostatique entre le doublet électronique du ligand, qui est une base de Lewis, et les électrons du métal central possédant une composante selon l’axe z, diminuant ainsi l’énergie du complexe.

Dans les complexes octaédriques, l’effet Jahn-Teller est principalement observable lorsqu’un nombre impair d’électrons occupe le niveau Eg. Cette condition est vérifiée lorsque le métal possède une configuration d9, ou d4 haut spin (champ faible), ou d7 bas spin (champ fort) pour lesquels l’état fondamental du complexe octaédrique théorique est dégénéré (Eg³ ou Eg1). On devrait également observer un effet Jahn-Teller lorsque les orbitales T2g ne sont pas complètes. Mais les orbitales Eg, contrairement aux orbitales T2g, pointent vers les ligands, ce qui rend la distorsion beaucoup plus forte dans le premier cas que dans l’autre.