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Théorie du champ cristallin

Cette théorie a été développée par les Américains BETHE en 1929 (prix Nobel de chimie en 1967) et VANVLECK (prix Nobel de chimie en 1977). On considère les ligands comme étant des charges ponctuelles interagissant avec l’élément central ; les interactions étant purement électrostatiques. Cette ressource présente une façon plus intuitive d'expliquer la formation de la liaison chimique dans les complexes de coordination selon le modèle du champ cristallin. Dans ce modèle, les interactions qui existent entre les orbitales de l'ion métallique et les ligands coordinateurs sont prises en comptes. Il explique comment les ligands perturbent, selon différentes modalités, les diverses orbitales d du métal, d'après le type et la disposition spatiale des ligands coordinateurs. 1°) Propriétés magnétiques Un composé est paramagnétique s’il possède des électrons dont les spins ne sont pas appariés c’est – à – dire des électrons célibataires ; il est attiré par un champ magnétique. Un composé est diamagnétique si tous les électrons sont appariés ; il est repoussé par un champ magnétique. Le moment magnétique M, qui est un moment induit, est la résultante du moment de spin Ms et du moment orbital ML. Pour un élément de transition engagé dans un complexe, le moment orbital est le plus souvent nul. M ne dépend donc que du moment de spin. Le moment magnétique s’exprime par le nombre effectif de magnéton de Bohr donné par : ; n est le nombre d’électrons célibataires ou encore où S correspond au spin de l’atome (S = n.1/2) ; neff s’exprime en magnéton de Bohr ; moment magnétique associé à une mole d’électrons : Moment magnétique des éléments de transition n 1 2 3 4 5 S 1/2 1 3/2 2 5/2 neff 1,73 2,83 3,87 4,90 5,92 Exemples CuSO4.5H2O K3CrF6 Cr(NH3)6I3 K3MnF6 MnSO4.4H2O 2°) Modèle du champ cristallin pour le complexe octaédrique Si nous considérons un métal Mn+ à l’état gazeux libéré de toute interaction, les cinq orbitales d ont la même énergie. On dit qu'elles sont dégénérées (même niveau énergétique). Si ce métal est en interaction avec 6 ligands que nous supposerons être des charges ponctuelles. Il y a certes attraction entre le cation et les ligands mais en un moment donné de l’approche il y a des répulsions entre les électrons du ligand et les électrons du métal. Le modèle du champ cristallin, fondé sur l'interaction électrostatique, se base sur la déstabilisation de l'ion métallique central par approche des ligands. Dans l'approche du champ cristallin, les ligands sont considérés comme des centres chargés négativement et qui interagissent avec les électrons des lobes des orbitales d du métal; la répulsion entre ces entités de charge identique conduit à une répulsion. Répulsion « orbitale d / ligand » Lorsqu'un élément de transition s'entoure de ligands, leur interaction électrostatique déstabilise l'espèce métallique. A l'approche des ligands, l'ion central est déstabilisé, son énergie augmente. La conséquence sur la déstabilisation de l'ion central est la levée de dégénérescence et le dédoublement des 5 orbitales atomiques en deux séries d'orbitales atomiques : 2 OA eg et 3 OA t2g. Dans le cas d'un environnement octaédrique de l'ion métallique, les lobes dx2-y2 et dz2 des orbitales et centrés le long des axes Ox, Oy, Oz pointent vers les ligands. En revanche les lobes dxy, dyz et dzx centrés le long des bissectrices des angles xOy, yOz, zOx pointent entre les ligands. Pour un d1 les ligands étant considérés (pour l’unique électron) comme des centres chargés négativement, le peuplement des orbitales d va être gouverné par la minimisation des répulsions électrostatiques. Les lobes des orbitales mixtes dxy, dyz et dzx étant plus éloignés des ligands que ceux des orbitales carrées dx2-y2 et dz2, il s'ensuit que si l'électron occupe une des trois orbitales (dxy, dyz et dzx) les répulsions électrostatiques seront minimisées. L'électron, en se plaçant dans l'une de ces trois orbitales (qui sont parfaitement identiques d'un point de vue symétrie), va minimiser son énergie. Ceci revient à considérer que les trois orbitales dxy, dyz et dzx sont de plus basse énergie que les orbitales dx2-y2 et dz2. Diagramme énergétique L'importance de la déstabilisation des cinq orbitales d et la levée de la dégénérescence dépendent de la forme et de la symétrie du complexe. Elle est évaluée par la différence d'énergie entre deux groupes d'orbitales (dx2-y2 et dz2) et (dxy, dyz et dzx). Elle est appelée énergie du champ cristallin. La présence des six ligands en symétrie octaédrique provoque ainsi un écart énergétique (ou champ octaédrique) ou .énergie de d´doublement des orbitales Δ0 = 10 Dq entre les orbitales eg et t2g. Dq étant une unité faisant intervenir la nature du ligand et du métal ; la notification 10 Dq provient du fait que cette énergie est mesurée par spectroscopie optique. Δ0 = 10 Dq représente l’éclatement du champ cristallin octaédrique qui ; en terme d’énergie exprime la séparation des niveaux t2g et eg. Δ0 = Nhc/λ (en kJ/mol) λ étant la longueur d’onde de la bande d’absorption Δ0 = 1/λ (en cm-1) ; 1 cm-1 correspond à 11,97.10-3 kJ/mol Dans la distribution de type sphérique les orbitales sont dégénérées quand on passe de la distribution sphérique à la distribution octaédrique les orbitales mixtes se stabilisent alors que les orbitales carrées se déstabilisent. Dans cette géométrie, ce sont les OA dz² et dx²-y² (eg) qui pointent dans la direction d’approche des ligands qui sont plus déstabilisées que les OA dxy, dyz, dxz (t2g) pointant le long des bissectrices des angles de liaison. L’écart énergétique Δ0 entre les OM t2g et les OM eg est une caractéristique de la « force » du champ créé par les ligands. Pour l’ion métallique libre de configuration dn la structure électronique de l’état fondamental est régie par la règle de Hund qui dit que cet état est celui de plus haute multiplicité de spin. Pour des ligands induisant un Δ0 élevé on parlera de ligands à champ fort qui donnent des complexes de type « high spin » (les électrons n’ont pas tendance à se coupler et le spin reste élevé) et pour un Δ0 plus réduit de ligands à champ faible qui donnent des complexes de type « low spin » (les électrons ont tendance à se coupler et le spin est globalement faible). 3-1 Configurations électroniques champ faible et champ fort Dans le cas d'un complexe octaédrique, comme [Fe(H2O)6]2+ ou [Fe(CN)6]4-, le modèle du champ cristallin montre que la déstabilisation de l'ion central, à l'approche des ligands, est accompagnée de la levée de dégénérescence des cinq OA d de l'ion fer (II) en deux niveaux, et suivie d'une nouvelle répartition des électrons sur de nouvelles OA : les OA eg et t2g. [Fe(H2O)6]2+ 3/5 Δ0 = + 6 Dq et - 2/5 Δ0 = - 4 Dq La valeur de l'écart d'énergie Δ0 dépend de la nature du ligand : on distingue donc les ligands à champs faibles (low spin) et à champs forts (high spin). Pour [Fe(H2O)6]2+, Δ0 (H2O) = 10 400 cm-1 (λ = 961,5 nm) et pour [Fe(CN)6]4-, Δ0 (CN-) = 33 800 cm-1 (λ = 295,8 nm). Selon que le ligand soit à « fort » ou « faible », on formera un complexe à champ fort ou à champ faible. Selon la valeur de l'énergie Δ0 entre les deux niveaux d'énergie E(eg) et E(t2g), les électrons auront la possibilité de se positionner soit en s'appariant sur la t2g, soit en se maintenant non apparié sur les eg. C'est en comparant Δ0 à l'énergie d'appariement des électrons (P) que l'on distinguera les complexes à champ fort et à champ faible. Pour Fe2+, P = 19 200 cm-1. Notons que la configuration électronique de l'ion Fe2+ (Z = 26) est : 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 3d6. Par conséquent, pour [Fe(H2O)6]2+ , comme Δ0 < P, il sera "moins coûteux" en énergie de placer les 6 électrons de l'ion fer (II) sur le niveau eg que de les apparier. La configuration de l'ion fer (II) dans [Fe(H2O)6]2+ , est donc : t2g4eg2, et le complexe est paramagnétique du fait de la présence de 4 spins électroniques non appariés (S = 4.1/2 = 2). Pour [Fe(CN)6]4- , comme Δ0 > P, il sera "moins coûteux" en énergie d'apparier les 6 électrons de l'ion fer (II) que des les placer sur le niveau eg. La configuration de l'ion fer (II) dans [Fe(CN)6]4- , est donc : t2g6eg0, et le complexe est diamagnétique du fait de l'absence de spins électroniques non appariés (S = 0). Selon la valeur de l'énergie du champ cristallin (10 Dq), un ion métallique en symétrie octaédrique peut adopter deux configurations électroniques différentes respectant l'une et l'autre les considérations suivantes : soit les électrons peuvent peupler l'ensemble des orbitales eg et t2g. Dans ce cas la règle de Hund est respectée mais les électrons « payent un prix » pour aller se loger dans les orbitales eg plus hautes en énergie de 10 Dq que les orbitales t2g. soit la valeur de 10 Dq est très élevée et uniquement les orbitales de type t2g pourront être peuplées. Dans ce cas, le « prix » à payer est lié au fait que les électrons doivent s'apparier dans une même orbitale. Un électron doit entrer dans une orbitale avec un spin antiparallèle à celui de l'électron déjà présent. Ainsi, deux répartitions des électrons dans les orbitales d peuvent être envisagées (un exemple est donné pour un ion d5 dans la figure ci-dessous). Elles correspondent à deux configurations électroniques différentes : Représentation de deux configurations électroniques d'un ion d5 (par exemple Mn(II)) selon que la valeur de 10 Dq est faible (cas A) ou forte (cas B) Ainsi, deux configurations électroniques sont possibles et appelées configuration champ faible (A) ou configuration champ fort (B). 3-2 Comparaison « Energie d'appariement des électrons / Energie du champ cristallin » Afin d'évaluer quelle configuration électronique un ion de transition peut adopter au sein d'un composé de coordination, il apparaît nécessaire de comparer 10 Dq à une énergie de référence constante. La différence entre les configurations champ fort et champ faible est le nombre d'électrons non appariés. Reprenons les exemples précédents : Représentation de deux configurations électroniques d'un ion d5 Pour A, tous les électrons sont non appariés alors que pour B, seul 1 électron est non apparié. Il apparaît donc deux caractéristiques importantes : la valeur du nombre quantique de spin total S ( avec ) peut caractériser une configuration électronique, l'énergie d'appariement des électrons peut constituer une énergie de référence dans la mesure où le passage de A à B (correspondant à un accroissement de la valeur de 10 Dq) s'accompagne d'une augmentation du nombre d'électron apparié A → S = 5/2, B → S = 1/2. L'énergie de référence est donc l'énergie d'appariement des électrons, notée P. Ainsi, si 10 Dq < P il sera plus facile de peupler les orbitales de plus haute énergie (eg dans un environnement octaédrique) que d'apparier les électrons dans celles de plus basse énergie (exemple : t2g). La configuration la plus stable sera A, et sera nommée configuration champ faible ou haut spin. En revanche, si 10 Dq > P, c'est l'appariement qui sera favorisé. La configuration la plus stable sera alors B, et sera nommée configuration champ fort ou bas spin. 3-3 Energie de Stabilisation du Champ Cristallin (ESCC) A chaque configuration électronique, on peut associer une énergie de stabilisation du champ cristallin (ESCC). Elle correspond au gain ou à la perte d'énergie de l'ion en symétrie octaédrique par rapport à la symétrie sphérique. En règle générale, un complexe métallique adoptera toujours la configuration de plus basse énergie. Prenons un complexe en symétrie octaédrique, il adopte le schéma énergétique suivant : Diagramme énergétique Dans un complexe sphérique, l'énergie des orbitales d est prise comme zéro d'énergie. Dans un complexe à symétrie octaédrique, le jeu des orbitales t2g est plus bas en énergie de 4 Dq ; quant au jeu des orbitales eg, il est plus haut de 6 Dq. Dans une tel complexe, si les électrons sont forcés de s'apparier dans une même orbitale, l'énergie de stabilisation du champ cristallin sera altérée par l'énergie d'appariement P des électrons. Pour la configuration possédant p paires d'électrons appariés, on calcule l'énergie de stabilisation du champ cristallin ESCC selon : ESCC = x(-4Dq) + y(+6Dq) + pP Ou encore : ESCC = x(-2/5 Δ0) + y(3/5Δ0) + pP p est le nombre de paires électroniques susceptible d’être formés dans la répartition. Elle correspond au gain ou à la perte d'énergie de l'ion en symétrie octaédrique par rapport à la symétrie sphérique. 4°) Modèle du champ cristallin pour le complexe tétraédrique Considérons à présent le cas d'un environnement de ligands tétraédrique. Un tétraèdre peut toujours être inscrit dans un cube. Comment positionner les lobes des deux types d'orbitales d ? Les lobes des orbitales dx2-y2 et dz2 pointent vers le milieu des faces du cube. En revanche les lobes des orbitales dxy, dyz et dzx pointent vers le milieu des arêtes. Si l'on considère que l'ion de transition a une population électronique d1, dans quel type d'orbitales cet électron va se positionner ? L'électron ira dans la région de l'espace (lobes des orbitales) où l'énergie de répulsion électrostatique sera minimisée. Les lobes les plus éloignés des ligands sont ceux correspondant aux orbitales carrées dx2-y2 et dz2 (pointant vers le centre des faces) alors que ceux des orbitales mixtes dxy, dyz et dzx pointent vers le milieu des arêtes. Le diagramme d'énergie des orbitales d en symétrie tétraédrique est donné à la figure suivante. Diagramme d'énergie des orbitales d pour un ion de transition dans un environnement tétraédrique 10 Dq = différence d'énergie entre les deux groupes d'orbitales t2 et e. Dans le cas de l'environnement tétraédrique, aucune des lobes des orbitales d ne pointent dans la direction des ligands. Il en découle que les forces de répulsion électrostatiques électron/ligands seront plus faibles que dans le cas d'un environnement octaédrique (où les lobes des orbitales dx2-y2 et dz2 sont dirigés directement vers les ligands). Il s'ensuit que l'éclatement énergétique entre les deux groupes d'orbitales sera plus faible pour l’environnement tétraédrique. Par exemple, pour un même ion de transition et des ligands identiques : Δt = 4/9 Δ0. 5°) Distorsions : Cas d’un complexe octaédrique déformé tétragonalement et d’un plan carré Un certain nombre de distorsions de la géométrie de l’octaèdre régulier interviennent fréquemment, soit parce que les ligands n’occupent pas tous une situation équivalente, soit ne sont pas tous identiques. Ces déformations sont des élongations ou des compressions dans la direction de ces axes. Quand on tire sur les ligands trans, à cause de l’augmentation de la distance ML les répulsions existant entre les électrons de L et ceux de M dans l’octaèdre régulier deviennent plus faibles dans le cas de l’octaèdre déformé tétragonalement. Compte tenu de cette diminution de ces répulsions l’orbitale dz2 qui était très déstabilisée à cause de ces répulsions fortes va se stabiliser dans le cas de l’octaèdre déformé tétragonalement (répulsions plus faibles). Ce mouvement des ligands en position trans affectera aussi l’énergie des orbitales mixtes ayant une composante z. Cependant ce mouvement affectera beaucoup plus dz2 qu’il n’affectera l’énergie des orbitales mixtes car la pression des électrons de L sur les électrons dz2 de M à cause de leur position sur le chemin M – L est beaucoup plus forte que celle des électrons du ligand sur les électrons des orbitales mixtes en z. On aura une stabilisation de dz2 et des mixtes en z par rapport à leur niveau dans l’octaèdre régulier. Si nous supposons que la perturbation globale des 6 ligands sur le métal est la même dans le complexe de l’octaèdre régulier et dans le complexe déformé tétragonalement, la stabilisation des orbitales à composante z devra être compensée par la déstabilisation des orbitales à composante xy. Si on continue à l’infini la déformation tétragonale alors les ligands trans décrochent du métal et on obtient un complexe plan carré ce qui se traduit par une stabilisation encore plus grande des orbitales à composante z et une déstabilisation des orbitales à composante xy. 6°) Effet Jahn - Teller L’effet Jahn-Teller, connu aussi en tant que « Distorsion Jahn-Teller », décrit la distorsion de la géométrie des molécules non-linéaires dans certaines situations. Historiquement, cet effet a été proposé dans un théorème publié en 1937 par Hermann Arthur Jahn et Edward Teller, dans lequel ils démontrent que toute molécule non-linéaire possédant un niveau électronique fondamental dégénéré subira une distorsion géométrique qui lèvera cette dégénérescence, ce qui aura pour effet de diminuer l’énergie totale de la molécule. Il est responsable de la distorsion du complexe hexaaquacuivre (II), [Cu(OH2)6]2+, qui devrait posséder une géométrie octaédrique. Les deux liaisons Cu-O axiales mesurent environ 240 pm, alors que les quatre liaisons Cu-O équatoriales mesurent environ 190 pm. Même lorsque tous les ligands sont équivalents, l’expérience a montré qu’on peut encore observer des distorsions à la géométrie octaédrique. Elles sont attribuées à l’effet Jahn - Teller. Le théorème de Jahn - Teller (1937) dit que « lorsqu’un métal d’un complexe octaédrique est tel qu’il y a une différence de remplissage des orbitales eg et des orbitales t2g il y a une levée de dégénérescence de ces orbitales t2g ou eg se traduisant du point de vue géométrique par une différentiation des longueurs métal-ligand dans le plan et en trans donnant ainsi un octaèdre déformé tétragonalement ». La distorsion est très importante dans le cas d’un d9 et d’un d4 haut spin ou d7 bas spin. Elle est infinie dans le cas d’un d8 « low spin ». L’effet Jahn - Teller maximum dans un d8 low spin explique le départ des ligands trans et la formation du plan carré. L’effet Jahn - Teller indique qu'une molécule non linéaire dans un état électronique dégénéré est instable vis - à - vis de certains déplacements nucléaires. Cela signifie qu'une distorsion de la géométrie de la molécule abaissant la symétrie donnera un état plus stable, en levant partiellement ou totalement la dégénérescence. Il est clair que la configuration d1 est un bon candidat à la distorsion Jahn - Teller. En effet, l’état fondamental est triplement dégénéré [l’électron peut être sur l’une des trois OM t2g (dxy, dyz ou dxz)], et l’état excité doublement (t2g)0(eg)1 (l’électron est soit sur dz² soit sur dx²-y²). Dans ces deux cas une distorsion est probable. Cependant le théorème de Jahn - Teller n’indique ni le type de distorsion ni son amplitude. Il précise seulement qu’une symétrie plus basse donnera naissance à un état plus stable. Cet effet est observé dans les complexes octaédriques de certains métaux de transition hexacoordonnés. En particulier, le cuivre (II), le chrome (II) et le manganèse (III). Placé dans un champ de ligands octaédrique, les cinq orbitales d dégénérées d'un métal de transition se subdivise en deux groupes d'orbitales, T2g (dxy dxz et dyz) et Eg (dx2-y2 et dz2). Les orbitales T2g sont donc triplement dégénérées tandis que les orbitales Eg sont doublement dégénérées. L’ion Cu2+ étant de configuration d9, le niveau Eg contient trois électrons dont l’un n'est pas apparié. Les deux orbitales du niveau Eg étant dégénérées, l’électron célibataire peut se placer indifféremment dans l’une ou l’autre des orbitales dx2-y2 ou dz2, conduisant à l’existence d’un niveau fondamental dégénéré, ce qui donne lieu à l'effet Jahn-Teller. Ce type de complexe va subir une distorsion le long d’un des axes de symétrie quaternaire (que l’on désigne comme étant l’axe « z »), ce qui a pour effet de lever la dégénérescence orbitalaire et de diminuer l’énergie totale du complexe. Cette distorsion se manifeste généralement par une élongation des distances métal-ligand le long de l’axe z, mais peut occasionnellement provoquer un raccourcissement de cette liaison (le théorème de Jahn-Teller ne prédit pas la direction de la distorsion, mais l’existence de géométries instables). Lorsque ce type de distorsion se produit, cela a pour effet de diminuer la répulsion électrostatique entre le doublet électronique du ligand, qui est une base de Lewis, et les électrons du métal central possédant une composante selon l’axe z, diminuant ainsi l’énergie du complexe. Dans les complexes octaédriques, l’effet Jahn-Teller est principalement observable lorsqu’un nombre impair d’électrons occupe le niveau Eg. Cette condition est vérifiée lorsque le métal possède une configuration d9, ou d4 haut spin (champ faible), ou d7 bas spin (champ fort) pour lesquels l’état fondamental du complexe octaédrique théorique est dégénéré (Eg³ ou Eg1). On devrait également observer un effet Jahn-Teller lorsque les orbitales T2g ne sont pas complètes. Mais les orbitales Eg, contrairement aux orbitales T2g, pointent vers les ligands, ce qui rend la distorsion beaucoup plus forte dans le premier cas que dans l’autre. 7º) Mesure expérimentale : les métaux de transition ont-ils des couleurs ? Les complexes de métaux de transition sont souvent colorés. Leur couleur est une conséquence de la séparation énergétique des orbitales eg et t2g. On explique la couleur des complexes par une transition de type d-d au cours de laquelle un électron passe du niveau t2g au niveau eg pour une géométrie octaédrique. Prenons le cas le plus simple d'un ion de transition avec un seul électron d (d1) dans un environnement octaédrique. La figure suivante donne le diagramme d'énergie des orbitales d (en symétrie octaédrique). Diagramme d'énergie des orbitales d Ce diagramme se résume à deux niveaux d'énergie (celui du groupe d'orbitales t2g et celui du groupe d'orbitales eg). Si ce complexe reçoit un photon d'énergie hν telle que hν = 10 Dq, alors l'électron peut passer de t2g en eg. Il y a absorption de la radiation correspondante. Si cette radiation est située dans le spectre visible, alors le complexe est coloré. La position de la radiation absorbée permet la détermination expérimentale de 10 Dq (énergie du champ cristallin ou différence d'énergie entre les groupes d'orbitales eg et t2g). 8º) Principaux facteurs gouvernant la valeur de 10 Dq Quatre facteurs principaux gouvernent la valeur de l'énergie du champ cristallin : la nature de l'ion de transition, son degré d'oxydation formel, la symétrie de l'environnement, la nature des ligands. 8-1 La nature de l'ion de transition Le rôle de ce facteur sur la valeur de 10 Dq peut être lié à l'accroissement de l'extension des orbitales d lorsque l'on passe de la 1ère série (3d) à la 2ème (4d) et à la 3ème (5d) des éléments de transition. Cette extension des orbitales d conduit à rapprocher les zones de l'espace pouvant être occupées par l'électron des ligands donc à augmenter la répulsion électrostatique « électron-ligands ». Il en découle que si on passe d'un élément de la 1ère série à la 3ème série des métaux de transition (3d → 4d → 5d), l'énergie du champ cristallin (10 Dq) augmente. Exemple : Pour [Co(H2O)6]3+ (3d6), 10 Dq = 20700 cm-1 (λ = 483 nm) alors que pour [Rh(H2O)6]3+ (4d6), 10 Dq = 27000 cm-1 (λ = 370,4 nm). Les orbitales 4d sont plus diffuses (volumineuses) que les orbitales 3d. Par conséquent, l'énergie du champ cristallin du rhodium est plus importante que celle du cobalt. 8-2 Le degré d'oxydation n+ de l'élément de transition Accroître le degré d'oxydation formel d'un élément de transition revient à diminuer le nombre d'électrons s et d. Il s'ensuit que, le nombre de protons demeurant constant, l'attraction électrostatique « noyau-électrons » devient plus forte et que la distance moyenne « électron-noyau » est plus courte. La taille de l'ion de transition diminue. La distance « ion de transition - ligand » diminuant, les forces de répulsion électrostatique augmentent. Par conséquent, l'énergie du champ cristallin augmente. Donc le champ est d’autant plus grand que la charge du métal est plus élevée. Si n+ augmente alors 10 Dq augmente. 8-3 La symétrie de l'environnement des ligands autour de l'ion de transition La symétrie de l'environnement de ligands joue un rôle important sur la valeur de l'énergie du champ cristallin. Tous les autres facteurs étant identiques, l'énergie du champ cristallin d'un élément de transition en symétrie octaédrique est plus importante que celle du même élément en symétrie tétraédrique. 10Dq(tétra) = 4/9 10Dq(octa) [Co(NH3)6]2+ 3d7 10 Dq = 10200 cm-1 (980,4 nm) et [Co(NH3)4]2+ 3d7 10 Dq = 5900 cm-1 (1695 nm) 8-4 La nature des ligands Le dernier facteur qui a une influence sur l'énergie du champ cristallin est la nature des ligands. L'influence de ce facteur sur la valeur de 10 Dq a été évaluée par des mesures spectroscopiques. L'expérience conduit, pour des complexes ne différant que par la nature de leur ligand, à classer ces derniers suivant leur aptitude à augmenter l'écart énergétique 10 Dq. La valeur de 10 Dq décroît selon la série spectrochimique de Fajans – Tsuchida qui classe les ligands en fonction de la force de leur champ : CO > CN- > NO2- > éthylène diamine > NH3 > CH3CN >NCS- >H2O > C2O42- > OH- > F- > NO3- > Cl- > SCN- > S2- > Br- > I-. (En rouge les ligands à champ fort, en bleu les ligands à champ moyen et en noir ceux à champ faible). Cette série s'appelle série spectrochimique car elle est en rapport avec la couleur des complexes. Exemple Prenons les deux complexes et . est vert, il absorbe le rouge (λ = 700 nm), est bleu, il absorbe le jaune (λ = 600 nm). Plus le composé absorbe la lumière à des énergies élevées (et donc à des longueurs d'onde plus faibles), plus l'énergie du champ cristallin augmente. On en déduit : 10Dq(NH3) > 10Dq(H2O). 9°) Changements de configuration électronique Quand la différence entre 10 Dq et P est faible (de l'ordre de l'énergie thermique kT), il est possible que les états bas spin et haut spin coexistent, en équilibre l'un avec l'autre. On a ainsi trois situations possibles. A partir de l'exemple de l'ion Co3+ (configuration d6). Quand 10 Dq < P, l'ion est dans la configuration « champ faible-haut spin ». Quand 10 Dq > P, l'ion est dans configuration « champ fort-bas spin ». S'ajoute une situation intermédiaire : Quand 10 Dq – P ≈ kT, les deux états de spin peuvent être présents et leur proportion dépend de la température. Diagramme énergétique L'état fondamental de l'ion Co3+ est représenté en rouge

Site: Université Alioune DIOP de Bambey
Cours: CHIM 4211 : Chimie inorganique et des solides II
Livre: Théorie du champ cristallin
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: lundi 29 avril 2024, 08:36

1 Propriétés magnétiques

Un composé est paramagnétique s’il possède des électrons dont les spins ne sont pas appariés c’est – à – dire des électrons célibataires ; il est attiré par un champ magnétique.

Un composé est diamagnétique si tous les électrons sont appariés ; il est repoussé par un champ magnétique.

Le moment magnétique M, qui est un moment induit, est la résultante du moment de spin Ms et du moment orbital ML. Pour un élément de transition engagé dans un complexe, le moment orbital est le plus souvent nul. M ne dépend donc que du moment de spin. Le moment magnétique s’exprime par le nombre effectif de magnéton de Bohr donné par :

 ; n est le nombre d’électrons célibataires ou encore où S correspond au spin de l’atome (S = n.1/2) ; neff s’exprime en magnéton de Bohr ; moment magnétique associé à une mole d’électrons :

Moment magnétique des éléments de transition

n

1

2

3

4

5

S

1/2

1

3/2

2

5/2

neff

1,73

2,83

3,87

4,90

5,92

Exemples

CuSO4.5H2O

K3CrF6

Cr(NH3)6I3

K3MnF6

MnSO4.4H2O

2 Modèle du champ cristallin pour le complexe octaédrique

Si nous considérons un métal Mn+ à l’état gazeux libéré de toute interaction, les cinq orbitales d ont la même énergie. On dit qu'elles sont dégénérées (même niveau énergétique).

Si ce métal est en interaction avec 6 ligands que nous supposerons être des charges ponctuelles. Il y a certes attraction entre le cation et les ligands mais en un moment donné de l’approche il y a des répulsions entre les électrons du ligand et les électrons du métal. Le modèle du champ cristallin, fondé sur l'interaction électrostatique, se base sur la déstabilisation de l'ion métallique central par approche des ligands.

Dans l'approche du champ cristallin, les ligands sont considérés comme des centres chargés négativement et qui interagissent avec les électrons des lobes des orbitales d du métal; la répulsion entre ces entités de charge identique conduit à une répulsion.

          Répulsion « orbitale d / ligand »

Lorsqu'un élément de transition s'entoure de ligands, leur interaction électrostatique déstabilise l'espèce métallique. A l'approche des ligands, l'ion central est déstabilisé, son énergie augmente. La conséquence sur la déstabilisation de l'ion central est la levée de dégénérescence et le dédoublement des 5 orbitales atomiques en deux séries d'orbitales atomiques : 2 OA eg et 3 OA t2g.

Dans le cas d'un environnement octaédrique de l'ion métallique, les lobes dx2-y2 et dz2 des orbitales et centrés le long des axes Ox, Oy, Oz pointent vers les ligands.

En revanche les lobes dxy, dyz et dzx centrés le long des bissectrices des angles xOy, yOz, zOx pointent entre les ligands.

    Pour un d1 les ligands étant considérés (pour l’unique électron) comme des centres chargés négativement, le peuplement des orbitales d va être gouverné par la minimisation des répulsions électrostatiques. Les lobes des orbitales mixtes dxy, dyz et dzx étant plus éloignés des ligands que ceux des orbitales carrées dx2-y2 et dz2, il s'ensuit que si l'électron occupe une des trois orbitales (dxy, dyz et dzx) les répulsions électrostatiques seront minimisées.

L'électron, en se plaçant dans l'une de ces trois orbitales (qui sont parfaitement identiques d'un point de vue symétrie), va minimiser son énergie. Ceci revient à considérer que les trois orbitales dxy, dyz et dzx sont de plus basse énergie que les orbitales dx2-y2 et dz2.

 Diagramme énergétique

L'importance de la déstabilisation des cinq orbitales d et la levée de la dégénérescence dépendent de la forme et de la symétrie du complexe. Elle est évaluée par la différence d'énergie entre deux groupes d'orbitales (dx2-y2 et dz2) et (dxy, dyz et dzx). Elle est appelée énergie du champ cristallin.

La présence des six ligands en symétrie octaédrique provoque ainsi un écart énergétique (ou champ octaédrique) ou .énergie de d´doublement des orbitales Δ0 = 10 Dq entre les orbitales eg et t2g. Dq étant une unité faisant intervenir la nature du ligand et du métal ; la notification 10 Dq provient du fait que cette énergie est mesurée par spectroscopie optique. Δ0 = 10 Dq représente l’éclatement du champ cristallin octaédrique qui ; en terme d’énergie exprime la séparation des niveaux t2g et eg.

Δ0 = Nhc/λ (en kJ/mol) λ étant la longueur d’onde de la bande d’absorption

Δ0 = 1/λ (en cm-1) ; 1 cm-1 correspond à 11,97.10-3 kJ/mol

Dans la distribution de type sphérique les orbitales sont dégénérées quand on passe de la distribution sphérique à la distribution octaédrique les orbitales mixtes se stabilisent alors que les orbitales carrées se déstabilisent.

Dans cette géométrie, ce sont les OA d et dx²-y² (eg) qui pointent dans la direction d’approche des ligands qui sont plus déstabilisées que les OA dxy, dyz, dxz (t2g) pointant le long des bissectrices des angles de liaison. L’écart énergétique Δ0 entre les OM t2g  et les OM eg  est une caractéristique de la « force » du champ créé par les ligands. Pour l’ion métallique libre de configuration dn la structure électronique de l’état fondamental est régie par la règle de Hund qui dit que cet état est celui de plus haute multiplicité de spin. Pour des ligands induisant un Δ0 élevé on parlera de ligands à champ fort qui donnent des complexes de type « high spin » (les électrons n’ont pas tendance à se coupler et le spin reste élevé) et pour un Δ0plus réduit de ligands à champ faible qui donnent des complexes de type « low spin » (les électrons ont tendance à se coupler et le spin est globalement faible).

2-1 Configurations électroniques champ faible et champ fort

Dans le cas d'un complexe octaédrique, comme [Fe(H2O)6]2+ ou [Fe(CN)6]4-, le modèle du champ cristallin montre que la déstabilisation de l'ion central, à l'approche des ligands,  est accompagnée de la levée de dégénérescence des cinq OA d de l'ion fer (II) en deux niveaux, et suivie d'une nouvelle répartition des électrons sur de nouvelles OA : les OA eg et t2g.

[Fe(H2O)6]2+

3/5 Δ0 = + 6 Dq et - 2/5 Δ0 = - 4 Dq

La valeur de l'écart d'énergie Δ0 dépend de la nature du ligand : on distingue donc les ligands à champs faibles (low spin) et à champs forts (high spin). Pour [Fe(H2O)6]2+, Δ0 (H2O) = 10 400 cm-1 (λ = 961,5 nm) et pour [Fe(CN)6]4-, Δ0 (CN-) = 33 800 cm-1 (λ = 295,8 nm).

Selon que le ligand soit à « fort » ou « faible », on formera un complexe à champ fort ou à champ faible.

Selon la valeur de l'énergie Δ0 entre les deux niveaux d'énergie E(eg) et E(t2g), les électrons auront la possibilité de se positionner soit en s'appariant sur la t2g, soit en se maintenant non apparié sur les eg.

C'est en comparant Δ0 à l'énergie d'appariement des électrons (P) que l'on distinguera les complexes à champ fort et à champ faible. Pour Fe2+, P = 19 200 cm-1.

Notons que la configuration électronique de l'ion Fe2+ (Z = 26) est : 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 3d6.

Par conséquent, pour  [Fe(H2O)6]2+ , comme Δ0 < P, il sera "moins coûteux" en énergie de placer les 6 électrons de l'ion fer (II) sur le niveau eg que de les apparier.

La configuration de l'ion fer (II) dans [Fe(H2O)6]2+ , est donc : t2g4eg2, et le complexe est paramagnétique du fait de la présence de 4 spins électroniques non appariés (S = 4.1/2 = 2).

Pour  [Fe(CN)6]4- , comme Δ0 > P, il sera "moins coûteux" en énergie d'apparier les 6 électrons de l'ion fer (II) que des les placer sur le niveau eg.

La configuration de l'ion fer (II) dans [Fe(CN)6]4- , est donc : t2g6eg0, et le complexe est diamagnétique du fait de l'absence de spins électroniques non appariés (S = 0).

Selon la valeur de l'énergie du champ cristallin (10 Dq), un ion métallique en symétrie octaédrique peut adopter deux configurations électroniques différentes respectant l'une et l'autre les considérations suivantes :

      soit les électrons peuvent peupler l'ensemble des orbitales eg et t2g. Dans ce cas la règle de Hund est respectée mais les électrons « payent un prix » pour aller se loger dans les orbitales eg plus hautes en énergie de 10 Dq que les orbitales t2g.

      soit la valeur de 10 Dq est très élevée et uniquement les orbitales de type t2g pourront être peuplées. Dans ce cas, le « prix » à payer est lié au fait que les électrons doivent s'apparier dans une même orbitale. Un électron doit entrer dans une orbitale avec un spin antiparallèle à celui de l'électron déjà présent.

Ainsi, deux répartitions des électrons dans les orbitales d peuvent être envisagées (un exemple est donné pour un ion d5 dans la figure ci-dessous). Elles correspondent à deux configurations électroniques différentes :

 Représentation de deux configurations électroniques d'un ion d5 (par exemple Mn(II)) selon que la valeur de 10 Dq est faible (cas A) ou forte (cas B)

Ainsi, deux configurations électroniques sont possibles et appelées configuration champ faible (A) ou configuration champ fort (B).

 

2-2 Comparaison « Energie d'appariement des électrons / Energie du champ cristallin »

Afin d'évaluer quelle configuration électronique un ion de transition peut adopter au sein d'un composé de coordination, il apparaît nécessaire de comparer 10 Dq à une énergie de référence constante.

La différence entre les configurations champ fort et champ faible est le nombre d'électrons non appariés. Reprenons les exemples précédents :


 Représentation de deux configurations électroniques d'un ion d5

Pour A, tous les électrons sont non appariés alors que pour B, seul 1 électron est non apparié.

Il apparaît donc deux caractéristiques importantes :

      la valeur du nombre quantique de spin total S (  avec ) peut caractériser une configuration électronique,

      l'énergie d'appariement des électrons peut constituer une énergie de référence dans la mesure où le passage de A à B (correspondant à un accroissement de la valeur de 10 Dq) s'accompagne d'une augmentation du nombre d'électron apparié A → S = 5/2, B → S = 1/2.

L'énergie de référence est donc l'énergie d'appariement des électrons, notée P.

Ainsi, si  10 Dq < P il sera plus facile de peupler les orbitales de plus haute énergie (eg dans un environnement octaédrique) que d'apparier les électrons dans celles de plus basse énergie (exemple : t2g).

La configuration la plus stable sera A, et sera nommée configuration champ faible ou haut spin.

En revanche, si 10 Dq > P, c'est l'appariement qui sera favorisé.

La configuration la plus stable sera alors B, et sera nommée configuration champ fort ou bas spin.

2-3 Energie de Stabilisation du Champ Cristallin (ESCC) 

A chaque configuration électronique, on peut associer une énergie de stabilisation du champ cristallin (ESCC). Elle correspond au gain ou à la perte d'énergie de l'ion en symétrie octaédrique par rapport à la symétrie sphérique.

En règle générale, un complexe métallique adoptera toujours la configuration de plus basse énergie. Prenons un complexe en symétrie octaédrique, il adopte le schéma énergétique suivant :


Diagramme énergétique

Dans un complexe sphérique, l'énergie des orbitales d est prise comme zéro d'énergie. Dans un complexe à symétrie octaédrique, le jeu des orbitales t2g est plus bas en énergie de 4 Dq ; quant au jeu des orbitales eg, il est plus haut de 6 Dq.

Dans une tel complexe, si les électrons sont forcés de s'apparier dans une même orbitale, l'énergie de stabilisation du champ cristallin sera altérée par l'énergie d'appariement P des électrons.

Pour la configuration  possédant p paires d'électrons appariés, on calcule l'énergie de stabilisation du champ cristallin ESCC selon :

ESCC = x(-4Dq) + y(+6Dq) + pP

Ou encore : ESCC = x(-2/5 Δ0) + y(3/5Δ0) + pP

p est le nombre de paires électroniques susceptible d’être formés dans la répartition.

Elle correspond au gain ou à la perte d'énergie de l'ion en symétrie octaédrique par rapport à la symétrie sphérique.

3 Modèle du champ cristallin pour le complexe tétraédrique

Considérons à présent le cas d'un environnement de ligands tétraédrique. Un tétraèdre peut toujours être inscrit dans un cube.

    Comment positionner les lobes des deux types d'orbitales d ?

Les lobes des orbitales dx2-y2 et dz2 pointent vers le milieu des faces du cube. En revanche les lobes des orbitales dxy, dyz et dzx pointent vers le milieu des arêtes.

    Si l'on considère que l'ion de transition a une population électronique d1, dans quel type d'orbitales cet électron va se positionner ?

L'électron ira dans la région de l'espace (lobes des orbitales) où l'énergie de répulsion électrostatique sera minimisée.

Les lobes les plus éloignés des ligands sont ceux correspondant aux orbitales carrées dx2-y2 et dz2 (pointant vers le centre des faces) alors que ceux des orbitales mixtes dxy, dyz et dzx pointent vers le milieu des arêtes.

Le diagramme d'énergie des orbitales d en symétrie tétraédrique est donné à la figure suivante.

Dans le cas de l'environnement tétraédrique, aucune des lobes des orbitales d ne pointent dans la direction des ligands. Il en découle que les forces de répulsion électrostatiques électron/ligands seront plus faibles que dans le cas d'un environnement octaédrique (où les lobes des orbitales dx2-y2 et dz2 sont dirigés directement vers les ligands). Il s'ensuit que l'éclatement énergétique entre les deux groupes d'orbitales sera plus faible pour l’environnement tétraédrique. Par exemple, pour un même ion de transition et des ligands identiques : Δt = 4/9 Δ0.

4 Distorsions : Cas d’un complexe octaédrique déformé tétragonalement et d’un plan carré

Un certain nombre de distorsions de la géométrie de l’octaèdre régulier interviennent fréquemment, soit parce que les ligands n’occupent pas tous une situation équivalente, soit ne sont pas tous identiques. Ces déformations sont des élongations ou des compressions dans la direction de ces axes. Quand on tire sur les ligands trans, à cause de l’augmentation de la distance ML les répulsions existant entre les électrons de L et ceux de M dans l’octaèdre régulier deviennent plus faibles dans le cas de l’octaèdre déformé tétragonalement. Compte tenu de cette diminution de ces répulsions l’orbitale dz2 qui était très déstabilisée à cause de ces répulsions fortes va se stabiliser dans le cas de l’octaèdre déformé tétragonalement (répulsions plus faibles). Ce mouvement des ligands en position trans affectera aussi l’énergie des orbitales mixtes ayant une composante z. Cependant ce mouvement affectera beaucoup plus dz2 qu’il n’affectera l’énergie des orbitales mixtes car la pression des électrons de L sur les électrons dz2 de M à cause de leur position sur le chemin M – L  est beaucoup plus forte que celle des électrons du ligand sur les électrons des orbitales mixtes en z. On aura une stabilisation de dz2 et des mixtes en z par rapport à leur niveau dans l’octaèdre régulier.

Si nous supposons que la perturbation globale des 6 ligands sur le métal est la même dans le complexe de l’octaèdre régulier et dans le complexe déformé tétragonalement, la stabilisation des orbitales à composante z devra être compensée par la déstabilisation des orbitales à composante xy. Si on continue à l’infini la déformation tétragonale alors les ligands trans décrochent du métal et on obtient un complexe plan carré ce qui se traduit par une stabilisation encore plus grande des orbitales à composante z et une déstabilisation des orbitales à composante xy.

5 Effet Jahn - Teller

L’effet Jahn-Teller, connu aussi en tant que « Distorsion Jahn-Teller », décrit la distorsion de la géométrie des molécules non-linéaires dans certaines situations. Historiquement, cet effet a été proposé dans un théorème publié en 1937 par Hermann Arthur Jahn et Edward Teller, dans lequel ils démontrent que toute molécule non-linéaire possédant un niveau électronique fondamental dégénéré subira une distorsion géométrique qui lèvera cette dégénérescence, ce qui aura pour effet de diminuer l’énergie totale de la molécule[]. Il est responsable de la distorsion du complexe hexaaquacuivre (II), [Cu(OH2)6]2+, qui devrait posséder une géométrie octaédrique. Les deux liaisons Cu-O axiales mesurent environ 240 pm, alors que les quatre liaisons Cu-O équatoriales mesurent environ 190 pm.

Même lorsque tous les ligands sont équivalents, l’expérience a montré qu’on peut encore observer des distorsions à la géométrie octaédrique. Elles sont attribuées à l’effet Jahn - Teller. Le théorème de Jahn - Teller (1937) dit que « lorsqu’un métal d’un complexe octaédrique est tel qu’il y a une différence de remplissage des orbitales eg et des orbitales t2g il y a une levée de dégénérescence de ces orbitales t2g ou eg se traduisant du point de vue géométrique par une différentiation des longueurs métal-ligand dans le plan et en trans donnant ainsi un octaèdre déformé tétragonalement ». La distorsion est très importante dans le cas d’un d9 et d’un d4 haut spin ou d7 bas spin. Elle est infinie dans le cas d’un d8 « low spin ». L’effet Jahn - Teller maximum dans un d8 low spin explique le départ des ligands trans et la formation du plan carré. L’effet Jahn - Teller indique qu'une molécule non linéaire dans un état électronique dégénéré est instable vis - à - vis de certains déplacements nucléaires. Cela signifie qu'une distorsion de la géométrie de la molécule abaissant la symétrie donnera un état plus stable, en levant partiellement ou totalement la dégénérescence. Il est clair que la configuration d1 est un bon candidat à la distorsion Jahn - Teller. En effet, l’état fondamental est triplement dégénéré [l’électron peut être sur l’une des trois OM t2g (dxy, dyz ou dxz)], et l’état excité doublement (t2g)0(eg)1 (l’électron est soit sur d soit sur dx²-y²). Dans ces deux cas une distorsion est probable. Cependant le théorème de Jahn - Teller n’indique ni le type de distorsion ni son amplitude. Il précise seulement qu’une symétrie plus basse donnera naissance à un état plus stable.

Cet effet est observé dans les complexes octaédriques de certains métaux de transition hexacoordonnés. En particulier, le cuivre (II), le chrome (II) et le manganèse (III). Placé dans un champ de ligands octaédrique, les cinq orbitales d dégénérées d'un métal de transition se subdivise en deux groupes d'orbitales, T2g (dxy dxz et dyz) et Eg (dx2-y2 et dz2). Les orbitales T2g sont donc triplement dégénérées tandis que les orbitales Eg sont doublement dégénérées. L’ion Cu2+ étant de configuration d9, le niveau Eg contient trois électrons dont l’un n'est pas apparié. Les deux orbitales du niveau Eg étant dégénérées, l’électron célibataire peut se placer indifféremment dans l’une ou l’autre des orbitales dx2-y2 ou dz2, conduisant à l’existence d’un niveau fondamental dégénéré, ce qui donne lieu à l'effet Jahn-Teller. Ce type de complexe va subir une distorsion le long d’un des axes de symétrie quaternaire (que l’on désigne comme étant l’axe « z »), ce qui a pour effet de lever la dégénérescence orbitalaire et de diminuer l’énergie totale du complexe. Cette distorsion se manifeste généralement par une élongation des distances métal-ligand le long de l’axe z, mais peut occasionnellement provoquer un raccourcissement de cette liaison (le théorème de Jahn-Teller ne prédit pas la direction de la distorsion, mais l’existence de géométries instables). Lorsque ce type de distorsion se produit, cela a pour effet de diminuer la répulsion électrostatique entre le doublet électronique du ligand, qui est une base de Lewis, et les électrons du métal central possédant une composante selon l’axe z, diminuant ainsi l’énergie du complexe.

Dans les complexes octaédriques, l’effet Jahn-Teller est principalement observable lorsqu’un nombre impair d’électrons occupe le niveau Eg. Cette condition est vérifiée lorsque le métal possède une configuration d9, ou d4 haut spin (champ faible), ou d7 bas spin (champ fort) pour lesquels l’état fondamental du complexe octaédrique théorique est dégénéré (Eg³ ou Eg1). On devrait également observer un effet Jahn-Teller lorsque les orbitales T2g ne sont pas complètes. Mais les orbitales Eg, contrairement aux orbitales T2g, pointent vers les ligands, ce qui rend la distorsion beaucoup plus forte dans le premier cas que dans l’autre.

6 Mesure expérimentale : les métaux de transition ont-ils des couleurs ?

Les complexes de métaux de transition sont souvent colorés. Leur couleur est une conséquence de la séparation énergétique des orbitales eg et t2g. On explique la couleur des complexes par une transition de type d-d au cours de laquelle un électron passe du niveau t2g au niveau eg pour une géométrie octaédrique.

Prenons le cas le plus simple d'un ion de transition avec un seul électron d (d1) dans un environnement octaédrique. La figure suivante donne le diagramme d'énergie des orbitales d (en symétrie octaédrique).

Ce diagramme se résume à deux niveaux d'énergie (celui du groupe d'orbitales t2g et celui du groupe d'orbitales eg).

Si ce complexe reçoit un photon d'énergie telle que  hν = 10 Dq, alors l'électron peut passer de t2g en eg. Il y a absorption de la radiation correspondante. Si cette radiation est située dans le spectre visible, alors le complexe est coloré. La position de la radiation absorbée permet la détermination expérimentale de 10 Dq (énergie du champ cristallin ou différence d'énergie entre les groupes d'orbitales eg et t2g).

7 Principaux facteurs gouvernant la valeur de 10 Dq

Quatre facteurs principaux gouvernent la valeur de l'énergie du champ cristallin :

      la nature de l'ion de transition,

      son degré d'oxydation formel,

      la symétrie de l'environnement,

      la nature des ligands.

7-1  La nature de l'ion de transition

Le rôle de ce facteur sur la valeur de 10 Dq peut être lié à l'accroissement de l'extension des orbitales d lorsque l'on passe de la 1ère série (3d) à la 2ème (4d) et à la 3ème (5d) des éléments de transition.

Cette extension des orbitales d conduit à rapprocher les zones de l'espace pouvant être occupées par l'électron des ligands donc à augmenter la répulsion électrostatique « électron-ligands ».

Il en découle que si on passe d'un élément de la 1ère série à la 3ème série des métaux de transition (3d → 4d → 5d), l'énergie du champ cristallin (10 Dq) augmente.

Exemple : Pour [Co(H2O)6]3+ (3d6), 10 Dq = 20700 cm-1 (λ = 483 nm) alors que pour [Rh(H2O)6]3+ (4d6), 10 Dq = 27000 cm-1 (λ = 370,4 nm).

Les orbitales 4d sont plus diffuses (volumineuses) que les orbitales 3d. Par conséquent, l'énergie du champ cristallin du rhodium est plus importante que celle du cobalt.

7-2 Le degré d'oxydation n+ de l'élément de transition

Accroître le degré d'oxydation formel d'un élément de transition revient à diminuer le nombre d'électrons s et d. Il s'ensuit que, le nombre de protons demeurant constant, l'attraction électrostatique « noyau-électrons » devient plus forte et que la distance moyenne « électron-noyau » est plus courte. La taille de l'ion de transition diminue.

La distance « ion de transition - ligand » diminuant, les forces de répulsion électrostatique augmentent. Par conséquent, l'énergie du champ cristallin augmente. Donc le champ est d’autant plus grand que la charge du métal est plus élevée. Si n+ augmente alors 10 Dq augmente.

7-3 La symétrie de l'environnement des ligands autour de l'ion de transition

La symétrie de l'environnement de ligands joue un rôle important sur la valeur de l'énergie du champ cristallin.

 Tous les autres facteurs étant identiques, l'énergie du champ cristallin d'un élément de transition en symétrie octaédrique est plus importante que celle du même élément en symétrie tétraédrique.

[Co(NH3)6]2+ 3d7 10 Dq = 10200 cm-1 (980,4 nm) et [Co(NH3)4]2+ 3d7 10 Dq = 5900 cm-1 (1695 nm)

7-4 La nature des ligands

Le dernier facteur qui a une influence sur l'énergie du champ cristallin est la nature des ligands. L'influence de ce facteur sur la valeur de 10 Dq a été évaluée par des mesures spectroscopiques.

L'expérience conduit, pour des complexes ne différant que par la nature de leur ligand, à classer ces derniers suivant leur aptitude à augmenter l'écart énergétique 10 Dq. La valeur de 10 Dq décroît selon la série spectrochimique de Fajans – Tsuchida qui classe les ligands en fonction de la force de leur champ : CO > CN- > NO2- > éthylène diamine > NH3 > CH3CN >NCS- >H2O > C2O42- > OH- > F- > NO3- > Cl- > SCN- > S2- > Br- > I-. (En rouge les ligands à champ fort, en bleu les ligands à champ moyen et en noir ceux à champ faible). Cette série s'appelle série spectrochimique car elle est en rapport avec la couleur des complexes.

Exemple 

Prenons les deux complexes et .

est vert, il absorbe le rouge (λ = 700 nm),

est bleu, il absorbe le jaune (λ = 600 nm).

Plus le composé absorbe la lumière à des énergies élevées (et donc à des longueurs d'onde plus faibles), plus l'énergie du champ cristallin augmente. On en déduit : 10Dq(NH3) > 10Dq(H2O).

8 Changements de configuration électronique

Quand la différence entre 10 Dq et P est faible (de l'ordre de l'énergie thermique kT), il est possible que les états bas spin et haut spin coexistent, en équilibre l'un avec l'autre. On a ainsi trois situations possibles. A partir de l'exemple de l'ion Co3+ (configuration d6).

      Quand 10 Dq < P, l'ion est dans la configuration « champ faible-haut spin ».

      Quand 10 Dq > P, l'ion est dans configuration « champ fort-bas spin ».

S'ajoute une situation intermédiaire :

      Quand 10 Dq – P ≈ kT, les deux états de spin peuvent être présents et leur proportion dépend de la température.