cours : Analyse de la pauvreté

1 Analyse de la pauvreté

1.1 Concepts de la pauvreté

Définition 1 : Une personne en situation de pauvreté ne dispose pas des ressources financières suffisantes et vit dans des conditions qui ne lui permettent pas d'exister dignement selon les droits légitimes et vitaux de la personne humaine et qui la condamnent à survivre péniblement au jour le jour.

 La pauvreté est un phénomène complexe, pluridimensionnel, ne pouvant être réduit simplement à un niveau insuffisant de ressources économiques pour vivre de façon décente. Le PNUD déclare ainsi que « la pauvreté n’est pas un phénomène unidimensionnel – un manque de revenus pouvant être résolu de façon sectorielle. Il s’agit d’un problème multidimensionnel qui nécessite des solutions multisectorielles intégrées ». De même, la Banque mondiale affirme que la pauvreté a des « dimensions multiples », de « nombreuses facettes » et qu’elle est « la résultante de processus économiques, politiques et sociaux interagissant entre eux dans des sens qui exacerbent l’état d’indigence dans lequel vivent les personnes pauvres ».

Définition 2 : Selon le PNUD

Dans le rapport Vaincre la pauvreté humaine (2000), le PNUD définit spécifiquement l’« extrême pauvreté », la « pauvreté générale » et la « pauvreté humaine ». Ainsi, « une personne vit dans la pauvreté extrême si elle ne dispose pas des revenus nécessaires pour satisfaire ses besoins alimentaires essentiels – habituellement définis sur la base de besoins caloriques minimaux […]. Une personne vit dans la pauvreté générale si elle ne dispose pas des revenus suffisants pour satisfaire ses besoins essentiels non alimentaires – tels l’habillement, l’énergie et le logement – et alimentaires ». La « pauvreté humaine », quant à elle, est présentée comme l’« absence des capacités humaines de base : analphabétisme, malnutrition, longévité réduite, mauvaise santé maternelle, maladie pouvant être évitée ».

 

La pauvreté humaine est intrinsèquement liée à la notion de développement humain, qui voit le jour au début des années quatre-vingt-dix, à la suite des travaux d’Amartya Sen. Le développement humain représente, selon les termes du PNUD, l’élargissement des possibilités et des choix offerts aux individus. Plus précisément, « les trois possibilités essentielles sont celles de vivre longtemps et en bonne santé, d’acquérir des connaissances et un savoir, et de pouvoir accéder aux ressources nécessaires pour vivre dans des conditions décentes ». C’est par rapport au développement humain que la pauvreté humaine est définie : « [elle] signifie la négation des opportunités et des perspectives fondamentales sur lesquelles repose tout développement humain, à savoir vivre une vie longue, saine, constructive, et jouir d’un niveau de vie décent, ainsi que de la liberté, de la dignité, du respect de soi-même et d’autrui ».

 

Le PNUD évoque également dans ce rapport la pauvreté monétaire, sans toutefois en donner une définition précise. La pauvreté monétaire relève plutôt de la démarche de la Banque mondiale, alors que la pauvreté humaine semble être un concept spécifiquement onusien.

 

Définition 3 : selon la Banque mondiale

La Banque mondiale ne parle pas explicitement, comme le PNUD, de « pauvreté humaine ». Elle  distingue la pauvreté absolue de  la pauvreté relative. La pauvreté absolue correspond à un niveau de revenu nécessaire pour assurer la survie des personnes. En général, ce seuil est calculé en fonction d’un régime alimentaire de base. La pauvreté relative, quant à elle, reflète une conception plus axée sur la répartition des revenus ; elle signifie avoir « moins que les autres ». Cette notion renvoie au niveau de revenu nécessaire pour participer à et vivre dans une société particulière (logement, habillement…). Les types de pauvreté abordés par la Banque mondiale sont donc particulièrement centrés sur l’aspect monétaire.

 

Toutefois, la Banque mondiale ne s’en tient pas à cette analyse simpliste. Elle n’omet pas d’évoquer les interrelations entre les différentes facettes de la pauvreté, et explique que l’étude approfondie de certains secteurs – ou domaines – est fondamentale pour saisir la pauvreté dans sa complexité. Ces domaines sont la santé et l’éducation, la vulnérabilité (l’incertitude et le risque frappant particulièrement les populations pauvres), le manque de parole (voicelessness) et le manque de pouvoir (powerlessness).

 

Pour évaluer ces divers domaines, la Banque mondiale passe en revue une série d’indicateurs ou « pistes de réflexion » possibles. En ce qui concerne la santé, l’indicateur retenu est quasiment le même que celui du PNUD. Elle opte en effet pour le taux de mortalité infantile, et celui des moins de 5 ans. Dans le domaine éducatif, les indicateurs adoptés sont soit le taux d’inscription brut, soit, lorsque les données sont disponibles, le taux d’inscription net.

 

Parmi les « nouveautés » du rapport 2000, il y a la vulnérabilité, dont la Banque mondiale précise qu’un indicateur ne saurait l’évaluer dans sa dimension dynamique (les taux de fréquence d’entrée et de sortie de la pauvreté). Face à cela, elle préconise de mener des études à partir des données fournies par les enquêtes de consommation ou les recensements (tout en admettant que ces informations sont souvent insuffisantes). « Comme ce concept est dynamique, il ne peut être mesuré en observant les ménages une fois seulement […]. Il existe maintenant un consensus croissant sur le fait qu’il n’est ni possible ni souhaitable d’appréhender la vulnérabilité par un seul indicateur. ». La Banque mondiale n’évoque toutefois pas les indicateurs susceptibles de constituer une approche plus satisfaisante. Pour cette institution, la « vulnérabilité » ne semble donc pas être mesurable à proprement parler.

 

En ce qui concerne le manque de parole (voicelessness) et le manque de pouvoir (powerlessness), elle admet d’emblée qu’ils sont difficiles à quantifier. Elle évoque néanmoins des démarches possibles, et invite le lecteur à se reporter à un encadré ou il est dit que des « groupes de discussion » peuvent être très fructueux pour comprendre ce que les pauvres revendiquent. Elle explique en effet qu’au sein de tels groupes, « les personnes pauvres ont discuté d’un ensemble d’institutions importantes dans leur vie quotidienne et identifié ensuite les critères décisifs pour leur évaluation ». Les critères évoqués sont les suivants : « la confiance, la participation, la responsabilité (accountability), l’aptitude à s’unir, la réactivité (sensibility), le respect, l’équité et l’impartialité (fairness), la bienveillance, l’écoute et l’amour. Les personnes pauvres ont défini ces critères avec des termes simples et clairs avant de noter les institutions ». On s’attendrait à ce que la Banque mondiale explicite cette méthode d’évaluation ou à ce qu’elle en donne les résultats. Or, il n’en est rien.

 

Définition 4 : Les fondements philosophiques du concept de la pauvreté sont nombreux et fournissent plusieurs manières de définir la pauvreté. Les trois principales écoles sont l’école Welfarist, l’école des besoins de base et l’école des capacités. Chaque école conduit à une identification différente des pauvres et à ses propres recommandations en matière d’allégement de la pauvreté. Quoique ces trois approches diffèrent, elles impliquent toutes le fait qu’une personne est jugée pauvre « lorsqu’elle manque d’un minimum raisonnable d’une certaine chose, à définir » :

  • Pour l’école Welfarist la chose en question est le bien-être économique. Ce dernier est défini indirectement via l’utilité générée par la consommation totale. Cette approche est, donc, associée au niveau de revenus ou de dépenses de consommation des personnes.
  • L’école des besoins de base considère que la chose manquante est un sous-ensemble de certains besoins de base et services qui sont jugés un préalable pour l’atteinte d’une certaine qualité de vie tels que être adéquatement nourri, habillé et logé. Ils ne sont pas perçus contribuant nécessairement au bien-être.
  • Pour l’école des capacités c’est des habilités ou les capacités d’atteindre un certain sous-ensemble de fonctionnements qui manquent à un pauvre.