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CHAPITRE I : L'EXERCICE DU POUVOIR : LES
RAPPORTS ENTRE LES GOUVERNES ET LES GOUVERNANTS
Dans
un Etat de droit, il faut non seulement organiser le pouvoir, ce qui constitue
le rôle de la constitution, mais aussi le rendre acceptable. L'organisation du pouvoir
ne sera vraiment acceptable que si elle permet la participation des gouvernés à
son exercice.
Section I - La souveraineté :
justification du pouvoir
Qui
est titulaire de la souveraineté ? Dieu ? La nation ? Ou bien
les citoyens ? Comment la souveraineté est exercée ?
P I :
Le titulaire de la souveraineté
Pendant
longtemps, on a considéré que le pouvoir était d'origine divine. Mais, au
XVIIIème
siècle, la philosophie des Lumières a introduit l'idée que la source du pouvoir
se situait dans les hommes, c'est-à-dire dans les citoyens.
A - La
théorie théocratique de la souveraineté
Selon
cette théorie, l'origine de la souveraineté est en Dieu, ce dernier en confiant
seulement l'exercice aux hommes. Dès lors, le fondement du droit de certains
hommes à gouverner les autres est que ceux-ci sont d'une autre nature que les
autres hommes qu'ils gouvernent. En d'autres termes, c'est parce qu'ils sont
divins.
Le
monarque reçoit la mission de conduire le peuple de Dieu vers la Cité
éternelle. La théorie de la monarchie de droit divin telle que nous l'entendons
aujourd'hui signifie que le pouvoir du Roi vient directement et immédiatement
de Dieu, sans l'intermédiaire du peuple.
Ainsi,
le Roi est roi parce que la divinité l'a voulu. Ce qui implique que, s'opposer
au Roi revient à s'opposer à la volonté de Dieu, ce qui légitime tant le
bannissement spirituel que le bannissement temporel.
B -
Les théories démocratiques de la souveraineté
Ici,
il faut distinguer entre le peuple et la Nation. Cela conduit à différencier
deux types de souveraineté (qui sont souvent opposées) : la souveraineté
nationale et la souveraineté populaire.
1) La souveraineté nationale
Selon
cette théorie, la souveraineté appartient à la nation, être collectif et
indivisible. La nation est considérée comme une entité abstraite, distincte des
individus qui la composent. En effet, la nation ne se confond pas avec la somme
des citoyens vivant, à un moment donné, sur le territoire national, car elle
englobe aussi bien le passé, le présent que l'avenir. De la sorte, si la
souveraineté appartient à la nation, elle ne réside pas dans la masse des
citoyens ajoutés les uns aux autres, mais dans la collectivité globalement
comprise et dont la volonté ne peut être dégagée que par ses représentants à la
lumière d'une délibération commune.
On
trouve cette conception de la souveraineté dès l'article 3 de la DDHC du 26
août 1789 qui dispose que « Le principe
de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul
individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément », mais
également à l'article 1er du Titre III de la Constitution du 3 septembre 1791
qui affirme que « La souveraineté est
une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la Nation ;
aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice
».
-Les
conséquences de la théorie de la souveraineté nationale
- La
nécessité de la représentation : la nation, étant abstraite,
doit être représentée par des individus concrets qui font entendre la voix de
la nation.
- La
délégation de la souveraineté : la nation a une volonté et
une seule. Par conséquent, si la nation veut déléguer sa souveraineté, elle
doit alors la déléguer tout entière à ses représentants élus, c'est-à-dire aux
Assemblées parlementaires (car la souveraineté est indivisible). Par ailleurs,
elle ne peut le faire que de manière temporaire, pour une durée limitée (car la
souveraineté est inaliénable), sans qu'aucune délégation d'exercice, aussi
longue soit-elle, puisse l'empêcher de s'en ressaisir au moment de son choix
(car la souveraineté est imprescriptible).
- La
prohibition du mandat impératif : les élus représentent la
nation tout entière et le choix de l'électeur se limite à la personne de son
représentant. Celui-ci n'est pas censé agir en fonction des souhaits de ceux
qui l'ont élu, il doit juste exprimer la volonté de l'ensemble de la
collectivité. Les représentants sont donc libres de leur vote au sein des
Assemblées ; ils disposent également d'une certaine liberté dans l'appréciation
de la volonté de la nation.
-
L'électorat-fonction : les individus, n'étant pas titulaires de la
souveraineté, n'ont pas vocation à l'exercer. De la sorte, ils n'ont pas
nécessairement le droit de vote et le suffrage restreint (censitaire) est légitime.
Le vote devient alors une simple fonction qui doit être confiée aux citoyens
les plus « éclairés ». En effet, à partir du moment où voter revient à
accomplir une fonction, celle-ci doit être réservée aux « plus dignes » et,
surtout, aux « plus aptes ».
2) La souveraineté populaire
Selon
cette théorie, qui a été développée notamment par Jean-Jacques ROUSSEAU la
souveraineté appartient au peuple considéré en tant qu'entité concrète,
c'est-à-dire comme le total des individus physiques qui le composent. Partant,
la souveraineté populaire est faite de l'addition des souverainetés
individuelles et chaque individu détient une parcelle de cette souveraineté.
Dans cette conception, le peuple est un être réel qui peut avoir (et exprimer)
une volonté distincte de celle des gouvernants. En résumé, cette théorie, qui
consiste à admettre que le pouvoir de commander réside dans l'universalité des
citoyens, puise sa logique dans un instinct élémentaire d'égalité.
Les
conséquences de la théorie de la souveraineté populaire
- Le
rejet de la représentation : la souveraineté est toujours
inaliénable et imprescriptible, mais elle ne postule plus nécessairement des
institutions représentatives. En effet, comme le peuple est titulaire de la
souveraineté, il doit pouvoir l'exercer directement ou indirectement à travers
des intermédiaires qui ont un mandat impératif.
- Le
mandat impératif : puisqu'il représente ses électeurs, l'élu
doit respecter leur volonté et leurs instructions. Par conséquent, dans le
cadre d'un mandat impératif, l'élu doit scrupuleusement observer les
instructions du mandant, sous peine de sanctions.
-
L'électorat-droit : le vote est un droit. Chaque individu,
lorsqu'il vote, exerce non pas une fonction, mais un droit qui lui appartient
en propre, en tant que détenteur d'une parcelle de la souveraineté. Puisque
chacun possède une portion de souveraineté, on ne peut dénier à un individu,
ayant l'âge requis et la capacité mentale nécessaire, le droit de voter. En
conséquence, les individus doivent tous pouvoir voter, ce qui signifie que le
suffrage universel est une nécessité.
3) Le compromis : la conception française
et sénégalaise de la souveraineté
En
raison, notamment, de la consécration du suffrage universel et de la fin de
l'électorat-fonction, l'opposition entre la souveraineté nationale et la
souveraineté populaire a actuellement beaucoup perdu de sa pertinence
initiale,.
Le
référendum constituant du 13 octobre 1946, sans éliminer la notion de
souveraineté nationale, lui adjoignit celle de souveraineté du peuple. Le
compromis établi entre ces deux théories se retrouve, sous la Vème République,
dans l'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui dispose que « La souveraineté nationale appartient au
peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Cette
disposition est reprise à l'alinéa premier de l'article 3 de la Constitution
sénégalaise de 2001, selon lequel « La souveraineté nationale appartient au
peuple sénégalais qui l'exerce par ses représentants ou par la voie du
référendum ».
En
faisant coexister un régime représentatif avec une procédure de démocratie
semi-directe, les constitutions françaises de la Vème République et sénégalaise
de 2001 mêlent les deux notions.
En
définitive, le peuple ne remplace pas la nation ; mais, la nation existe,
dorénavant, par lui, et non plus seulement par ses représentants.
P II :
Les modes d'expression de la souveraineté
De nos
jours, la majeure partie des États se réclament de la démocratie. L'idéal de
démocratie est réalisé par la formule suivante : « Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». C'est
ainsi que « Le principe de la
République du Sénégal est : gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple »,
article 1er, al. 6 de la Constitution sénégalaise de 2001.
La
démocratie s'oppose, ainsi, au gouvernement d'un seul (ex. : le Roi,
l'Empereur, le dictateur ...), c'est-à-dire la monocratie, et au gouvernement de
quelques-uns (ex. : l'aristocratie), c'est-à-dire l'oligarchie. Elle repose,
par conséquent, sur le principe selon lequel le pouvoir appartient au peuple et
est exercé par lui. Ceci dit, la mise en œuvre de ce principe est variable en
fonction de la forme de démocratie retenue : la démocratie directe, la
démocratie représentative ou la démocratie semi-directe.
A - La
démocratie directe
La
démocratie directe est la forme la plus pure de démocratie puisqu'il s'agit
d'un régime politique dans lequel le principe de participation du peuple est
poussé à son plus haut degré en permettant au peuple d'exercer directement le
pouvoir, conformément à la notion de souveraineté populaire.
Ainsi,
chaque citoyen, qui dispose d'une parcelle de la souveraineté, peut diriger
lui-même les affaires de l'État, sans avoir recours à des représentants. Aussi,
tous les individus qui composent le peuple pourront prendre directement les
décisions qui engagent l'avenir du groupe. Concrètement, l'exercice du pouvoir
par le peuple confère à celui-ci le droit d'adopter des lois, de rendre la
justice, de désigner les fonctionnaires, de conclure les traités ... En ne
prévoyant aucun intermédiaire entre le peuple et le gouvernement politique et
en identifiant les gouvernants aux gouvernés, la démocratie directe s'oppose à
la démocratie représentative.
La
démocratie directe, qui remonte à l'antiquité grecque n'est plus, de nos jours,
qu'une curiosité politique (et touristique) car un tel régime ne peut
s'appliquer qu'à de très petites entités. C'est pourquoi, on la conçoit plus
facilement au niveau local qu'au niveau de l'État, à moins qu'il ne s'agisse
d'un État exigu ne comportant qu'une très faible population. En pratique, on
trouve des survivances de gouvernement direct dans certains Cantons suisses
(ex. : Unterwald, Glaris et Appenzell), où fonctionnent, encore, des
Landsgemeinden. Ces assemblées populaires se réunissent une fois par an, sur
une place publique, et votent les lois, le budget et les révisions
constitutionnelles.
Cela
étant, une telle solution serait utopique si l'on en déduisait que le peuple
pouvait se passer totalement de représentants. En effet, le pouvoir ne peut
être exercé sans un minimum d'organisation et sans être incarné par des
autorités responsables.
La
démocratie directe comporte des avantages évidents, en donnant aux citoyens la
possibilité d'influer directement sur certaines décisions et d'en prendre la
responsabilité. Le développement des moyens d'information et l'élévation
générale du niveau des connaissances des individus permettent de recourir à ce mode
d'expression et de décision, avec beaucoup moins de risques que ce n'était le
cas par le passé. Pour autant, très souvent, les décisions à prendre sont
complexes, les débats sont très techniques, les données à prendre en
considération sont multiples ; or, le vote populaire et le débat public ne sont
pas nécessairement propices à une décision sereine, nuancée et équilibrée. Pour
toutes ces raisons, la représentation demeure une nécessité.
B - La
démocratie représentative
1) La
théorie de la représentation
Dans
les régimes contemporains, les formes de démocratie directe restent marginales.
Par conséquent, la démocratie est, avant tout, représentative (ou indirecte),
ce qui signifie qu'elle s'exerce par l'intermédiaire de représentants élus au
suffrage universel. La démocratie représentative trouve son origine dans l'idée
(simple) selon laquelle, la démocratie directe n'étant matériellement pas
possible dans les États excédant une certaine taille, il faut confier la parole
et le pouvoir à quelques-uns au nom de tous.
Une
autre théorie, soutenue notamment par PLATON et MONTESQUIEU, défend l'idée
selon laquelle le peuple n'étant pas apte à se gouverner seul, il faut qu'il
désigne des « professionnels » du pouvoir. L'exercice du pouvoir est alors
confié à des représentants élus chargés de décider au nom de la nation ou de
l'ensemble du peuple. En conséquence, la démocratie représentative implique que
tous les citoyens participent à l'élection des représentants, ce qui revient à
dire qu'elle exige le suffrage universel.
Remarque : un régime peut
être représentatif sans être démocratique, ce qui a été le cas des régimes
retenant un suffrage de type censitaire (ex. : la France entre 1814 et 1848).
2) Le
mandat représentatif
Le mandat
est le rapport entre le représentant et le représenté.
La
démocratie représentative repose, en pratique, sur le mandat « représentatif »,
par opposition au mandat « impératif ». Le fait d'être l'élu d'une
circonscription ne fait pas de l'élu l'obligé de ses électeurs et, de ce fait,
il ne doit pas chercher à satisfaire les aspirations de telle ou telle partie
de la population et, encore moins, suivre des instructions impératives, mais
seulement sa conscience éclairée. En fait, l'élu qui détient un mandat
représentatif représente la nation tout entière, et ne représente pas
uniquement les électeurs qui ont voté pour lui.
Le
mandat représentatif est celui que nous connaissons dans les systèmes
institutionnels français et sénégalais contemporains. Selon l'article 27 de la
Constitution du 4 octobre 1958, « Tout
mandat impératif est nul ». Aussi, l'article 64 de la Constitution
sénégalaise dispose à son alinéa premier que, « Le vote des membres du Parlement est personnel. Tout mandat impératif
est nul ».
Ceci
dit, l'article 7 de la Section III du Chapitre Ier du Titre III de la
Constitution du 3 septembre 1791 énonçait déjà que « Les représentants nommés dans les départements, ne seront pas
représentants d'un département particulier, mais de la Nation entière, et il ne
pourra leur être donné aucun mandat ».
3) Les
dérives de la représentation
La
représentation crée un régime de souveraineté parlementaire dans lequel les
gouvernés sont dépossédés, parfois abusivement, de leur souveraineté. En effet,
d'une part, les parlementaires, dont le mandat n'est pas impératif, peuvent
être tentés, une fois leur élection acquise, de ne pas respecter les
engagements qu'ils ont pris au cours de la campagne électorale. D'autre part,
la souveraineté des parlementaires n'est rien d'autre, en réalité, que la
souveraineté des partis politiques car, très souvent, les élus sont dépendants
de leur parti et suivent la discipline qui leur est imposée jusque dans leurs
votes au sein du Parlement.
La
représentation conduit à une appropriation du pouvoir par une élite politique.
En faisant du principe représentatif, et donc des élus, le cœur du système
politique, la démocratie représentative engendre la création d'une classe
politique qui fournit les représentants et qui apparaît comme coupée des
citoyens.
4) Les difficultés liées à la théorie de
la représentation
Elles
tiennent, notamment, à l'impossibilité de représenter la volonté. Jean-Jacques
ROUSSEAU
a parfaitement mis en évidence cette impossibilité. Ainsi, je peux dire : « ce que
cet homme veut aujourd'hui, je le veux aussi ». En exprimant sa volonté, cet
homme exprimera donc, en même temps, la mienne. Mais, je ne peux dire : « ce
que cet homme voudra demain, je le voudrai aussi », parce que j'ignore, au
moment où je parle, ce que nous voudrons demain l'un et l'autre. Aussi, la
représentation n'est-elle qu'une fiction car, à supposer que la nation possède
une volonté, il n'y a aucun moyen de s'assurer que c'est bien elle qui est
exprimée par les représentants. Par ailleurs, si l'élu exprime une volonté qui
coïncide avec celle du représenté, alors cette volonté n'est pas représentée,
mais seulement exprimée par le canal d'un autre homme. À l'inverse, si le
représentant exprime une volonté qui ne coïncide pas avec celle du représenté,
comment peut-on encore dire qu'il le représente ?
C - La
démocratie semi-directe
La
démocratie semi-directe (ou semi-représentative) permet de faire bénéficier le
régime représentatif des procédures de démocratie directe. Il s'agit donc d'un
système dans lequel sont juxtaposés des mécanismes de gouvernement
représentatif et des procédures d'interventions populaires directes. En
pratique, la démocratie semi-directe se caractérise par l'existence d'un ou de
plusieurs des procédés suivants : le référendum, le droit de veto populaire ou,
bien encore, le droit d'initiative populaire.
1) Le
référendum
C'est
le procédé par lequel le peuple est appelé à se prononcer sur un texte ou sur
une question. C'est une façon de l'associer à l'exercice du pouvoir législatif
ou de le consulter sur les grands sujets intéressant la nation. Cela étant, le
référendum peut devenir rien moins que démocratique et présenter les plus
graves dangers s'il dégénère en plébiscite. En théorie, la distinction entre
les deux procédés est claire car il y a référendum si la réponse populaire est
donnée en fonction de la question posée et il y a plébiscite si cette réponse
est donnée en fonction de la personnalité de l'auteur de la question. Mais, de
facto, le glissement de l'un vers l'autre est presque insensible parce qu'il
est souvent difficile de séparer la question de son auteur.
2) Le
droit de veto populaire
Par
cette procédure, le peuple se voit reconnaître le droit de s'opposer à l'entrée
en
vigueur
d'une loi votée par le Parlement. Dans les faits, la procédure est simple : un
nombre significatif de citoyens déposent une pétition qui est suivie d'une
consultation référendaire ouverte à tous. Si la majorité des électeurs inscrits
se prononce en faveur du veto, la loi sera retirée de l'ordre juridique. Un tel
système permet, en fait, à chaque citoyen de donner son avis sur une loi et,
éventuellement, de la sanctionner. Ce procédé, qui fonctionne notamment au
niveau fédéral en Suisse, dans une vingtaine d'États aux États-Unis et au
niveau national en Italie, équivaut, en définitive, à une faculté d'empêcher
accordée au peuple.
3) Le
droit d'initiative populaire
Ce
procédé, qui existe en Suisse ainsi que dans certains États fédérés des
États-Unis, permet aux citoyens de proposer l'adoption d'un texte de loi ou de
proposer une modification de la Constitution.
Après
le dépôt d'une pétition en ce sens, deux cas de figure se présentent.
Le
premier, assez rare, prévoit que le projet peut être soumis directement au
référendum, ce qui signifie que les parlementaires sont tenus à l'écart de
l'élaboration de la loi.
La
seconde option est plus classique puisque, après le dépôt de la pétition, le
principe de la modification législative ou constitutionnelle est discuté par le
Parlement. La tâche de ce dernier varie en fonction du degré de précision du
contenu de la pétition : lorsque la pétition se contente de donner l'objet de
la révision, le Parlement doit élaborer le texte qu'il va ensuite discuter et,
lorsque le projet est annexé à la pétition, le Parlement doit se prononcer sur
ce texte ; si le Parlement désapprouve le projet, un référendum est organisé.
Remarque : même
là où elle est prévue par la Constitution, l'intervention directe du peuple est
relativement rare. C'est que, en effet, le référendum est, par définition, un
instrument de limitation de la puissance des Assemblées législatives. Pour
cette raison, les partis politiques lui sont, en général, peu favorables,
d'autant plus qu'il suscite des comportements du corps électoral beaucoup moins
contrôlables que ceux auxquels donnent lieu les élections générales. C'est
pourquoi, en dépit du correctif que lui apporte, parfois, son association avec
des procédés d'intervention directe du peuple, la règle généralement suivie est
que celui-ci ne fasse connaître sa volonté que par l'entremise de ses
représentants.
Section II - La participation des
gouvernés à l'exercice du pouvoir
La
participation des citoyens à la vie politique nationale consiste soit à élire
leurs représentants, soit à s'exprimer eux-mêmes, c'est-à-dire directement, par
la voie du référendum.
P I :
La participation par les élections : la désignation des gouvernants
L'impossibilité
de la démocratie directe implique que les gouvernés doivent se choisir des
gouvernants.
Mais
comment sont choisis les représentants chargés de parler au nom du
peuple ? La question mérite d'être posée car lorsque le peuple est appelé
à exprimer sa souveraineté par l'entremise de ses représentants, il est
nécessaire de fixer la façon dont ceux-ci seront désignés. Parmi les procédés
de désignation des gouvernants on peut noter entre autres :
-l'auto-proclamation,
-l'hérédité,
-la
cooptation,
-le
tirage au sort,
-l'élection.
Mais
ce dernier est le plus fidèle à l'idéal démocratique et, aujourd'hui, nul ne
songe à remettre en cause l'élection comme mode de désignation des gouvernants.
Sans elle, point de démocratie possible : l'élection est l'instrument sacralisé
de la démocratie représentative.
Dans
les faits, l'élection est susceptible de modalités très différentes, qui ne
sont pas sans influence sur les résultats du scrutin et, par conséquent, sur la
portée du suffrage émis par les citoyens. Pour cette raison, il convient de
s'intéresser à l'élection comme technique en s'interrogeant sur les modalités
du vote :
-Qui
vote ?
-Quelles
sont les restrictions au vote ?
-Comment
le vote est-il pratiqué ?
-Comment
traduit-on les votes en sièges ?
A - Le
droit de suffrage
Le
droit de suffrage est le droit reconnu à tout citoyen d'exprimer librement son
opinion et son choix politique avec la certitude que cette expression de
volonté sera prise en considération dans la conduite des affaires de l'État.
1)- Les
titulaires du droit de vote
-Le suffrage restreint :
Il
s'agit de toutes les techniques destinées à limiter le droit de vote des
individus pour le réserver à un petit groupe de personnes sur le fondement de
critères de sélection qui sont variables en fonction des sociétés et des
époques.
Ces
critères préétablis sont relatifs soit à leurs capacités intellectuelles (suffrage
capacitaire), soit à leurs opinions politiques (suffrage politisé), soit à
leurs richesses (suffrage censitaire).
Avant
d'adopter le suffrage universel, la plupart des régimes représentatifs modernes
ont attaché le droit de vote à la possession d'une certaine fortune. Des
justifications ont été avancées pour légitimer ce suffrage censitaire. Étant
donné que la fortune va souvent de pair avec l'instruction, le suffrage
censitaire attribuerait le droit de vote aux citoyens éclairés. De même, n'est-il
pas préférable de remettre le pouvoir de suffrage à des citoyens responsables,
à des propriétaires ? Ceux qui votent sont à la fois ceux qui paient le plus
d'impôts et ceux qui ont le plus d'intérêt à la prospérité générale ; ils
seront donc naturellement portés à élire les candidats les plus sages, les
meilleurs gestionnaires. Si ce procédé nous semble, aujourd'hui,
particulièrement choquant, il n'a pas été perçu comme tel aux XVIIIème et
XIXème siècles où le suffrage censitaire était généralisé.
Le
suffrage universel : le suffrage universel consiste
en la reconnaissance du droit de vote à l'ensemble des citoyens d'une nation,
sans distinction de condition sociale, d'origine, de race ou de sexe. Dès lors,
nous pourrions penser que nous sommes en présence d'un système de suffrage
universel lorsque l'électorat ne dépend d'aucun cens, examen, diplôme ou
fonction, c'est-à-dire lorsque le droit de suffrage est reconnu à tous les
citoyens sans conditions de fortune, de capacité intellectuelle, d'appartenance
politique, d'appartenance religieuse ... Pourtant, le suffrage n'est jamais
entièrement universel. En effet, des conditions minimales tenant à la
nationalité, à l'âge et à la jouissance des droits civils et politiques doivent
être remplies.
Il est
d'usage de considérer que les États ont accédé au suffrage universel dès lors
que le suffrage universel masculin a été instauré. Par conséquent, l'adjectif «
universel » n'est pas tout à fait exact puisque le droit de vote est souvent
refusé à une partie des individus (ex. : les femmes). Par exemple, en France,
un décret du 5 mars 1848 a proclamé le suffrage universel ; mais, l'adjectif «
universel » était mal choisi car il s'agissait, en fait, d'un privilège
masculin, le droit de vote étant réservé aux hommes.
Cependant,
les choses durent évoluer au motif que, « Dans une Constitution où l'on admet
le droit de vote pour les mendiants et les domestiques, il est inconséquent et
injuste de ne pas l'admettre pour les femmes ». Chose qui fut faite avec
l'ordonnance du Comité français de la Libération nationale du 21 avril 1944 qui
a accordé le droit de vote aux femmes et qui a permis que le droit de suffrage
devienne, enfin, réellement universel.
Le
droit de vote des étrangers : Nonobstant les quelques
différences qui peuvent opposer les États dans l'attribution du droit de vote
quant à l'âge, à la capacité civile ou à la dignité, il y a un principe sur
lequel la plupart des États tombent d'accord : ce principe est que le droit de
vote est reconnu aux seuls nationaux, citoyens de l'État. L'exercice du droit
de suffrage étant traditionnellement lié à la nationalité, il est très fréquent
que les étrangers en soient privés.
L'article
3 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit, dans son alinéa 4, que « Sont
électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux
français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques
».
En
France, la condition de nationalité connaît une exception notable : la
participation des ressortissants des autres pays membres de l'UE aux élections
municipales et à l'élection des représentants français au Parlement européen.
Dans les faits, cette participation a été prévue par le Traité de Maastricht du
7 février 1992 qui dispose que « Tout citoyen de l'Union (...) a le droit de vote
et d'éligibilité aux élections municipales dans l'État membre où il réside,
dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ». Saisi de la
question, le Conseil constitutionnel a d'abord déclaré, dans sa décision n°
92-308 DC du 9 avril 1992, Maastricht I, l'inconstitutionnalité de cette
disposition. Mais, dans sa décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992,
Maastricht II, il prend acte de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992,
à savoir l'insertion de l'article 88-3 dans la Constitution, qui autorise une
telle participation.
Remarque :
Pendant longtemps, le droit de vote a été refusé aux femmes en raison
d'arguments misogynes : les femmes seraient faites pour être des mères et de
bonnes épouses, ce qui ne serait pas compatible avec l'exercice du droit de
vote ou d'un mandat politique. Par ailleurs, certains hommes politiques
redoutaient l'influence qu'aurait pu avoir l'Église sur le vote des femmes ...
Les femmes voteront pour la première fois aux élections municipales de mars 1945.
2)
L'exercice du droit de suffrage : les caractères du droit de vote
Le
droit de vote revêt plusieurs caractères :
- Le suffrage doit être égal :
L'égalité
du suffrage est consacrée de manière générale par l'article 1er al 1er
de la constitution de 2001 selon lequel « La République du Sénégal est
laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous
les citoyens, sans distinction d'origine, de race, de sexe, de religion. Elle
respecte toutes les croyances », et de manière spécifique par l'article 3
al 3 : « Le suffrage peut être direct ou indirect. Il est toujours
universel, égal et secret ».
Chaque
électeur dispose d'une seule voix (« One man, one vote »). Sont ainsi prohibées
les pratiques du vote pondéré, selon lesquelles le vote de certaines catégories
de citoyens serait affecté d'un coefficient variable en vertu de critères à
déterminer.
Sont
également interdites les pratiques du vote multiple, selon lequel un électeur
est autorisé, dans une même élection, à voter dans plusieurs circonscriptions
où il a des attaches.
Pareillement
sont interdites les pratiques du vote plural, selon lequel un électeur dispose
de plusieurs voix à lui tout seul.
- Le suffrage doit être secret : il s'agit
d'une garantie qui assure la liberté du vote et préserve l'anonymat de
l'électeur. Le secret est matérialisé par la technique de l'isoloir, de
l'enveloppe et de l'urne.
- Le suffrage est direct ou indirect : le suffrage est direct lorsque
les électeurs sont appelés à élire, eux-mêmes, les candidats de leur choix. Il
est indirect lorsque les électeurs sont appelés à désigner d'autres électeurs
qui, à leur tour, choisiront définitivement les élus.
- L'exercice du droit de vote est facultatif : voter est un droit,
c'est aussi un devoir civique. Mais, le plus souvent, ce devoir n'est que moral
; il n'y a donc aucune sanction en cas d'abstention. C'est pourquoi, certains
pays (ex. : l'Australie, la Belgique, le Danemark ...) ont institué un vote
obligatoire, ce qui a pour effet de sanctionner les personnes qui ne viennent
pas voter.
- Le vote est personnel : l'électeur ne
peut, en principe, voter qu'en plaçant lui-même son bulletin dans l'urne.
L'électeur empêché peut, néanmoins, voter par procuration, c'est-à-dire choisir
un autre électeur pour voter à sa place, ou par correspondance.
B -
Les systèmes électoraux
Ils
sont aussi appelés les modes de scrutin. Ils désignent les modalités selon
lesquelles l'exercice du droit de suffrage et le calcul des résultats électoraux
sont aménagés. Autrement dit, c'est la technique de calcul par laquelle on
obtient le résultat électoral, c'est-à-dire l'attribution des sièges ou des
mandats à partir du nombre de suffrages. Or, si comme principe de gouvernement
l'élection constitue le fondement de la démocratie représentative, comme
technique de gouvernement elle devient un sujet de débats et de contestations.
En effet, du mode de scrutin retenu dépend la traduction des voix en siège(s).
La question des modes de scrutin n'est donc pas neutre dans la mesure où
ceux-ci sont souvent déterminants sur le résultat d'une élection et, par suite,
sur la désignation des représentants.
Dans
la pratique, on peut les ramener à une confrontation, qui n'est pas exclusive
d'une combinaison, entre les scrutins majoritaires et la représentation
proportionnelle.
-a) Le
scrutin uninominal
C'est celui
dans lequel l'électeur ne vote que pour un seul candidat ; chaque bulletin ne
porte donc qu'un nom. On considère que le scrutin uninominal est un vote pour
un homme, une personnalité. L'électeur vote pour le candidat auquel vont ses
préférences.
-b) Le
scrutin plurinominal (ou scrutin de liste)
C'est
celui dans lequel l'électeur est appelé à voter pour plusieurs candidats et,
sur le bulletin de vote, figurent plusieurs noms. Le scrutin de liste favorise
un combat d'idées, de partis politiques.
1)Les
scrutins majoritaires
Ce
scrutin est le plus ancien de tous les systèmes électoraux. Il a été revendiqué
par des juristes comme René CAPITANT, Raymond CARRE DE MALBERG ou Adhémar
ESMEIN.
Le
principe du scrutin majoritaire est simple : que le meilleur gagne ! En
réalité, le candidat (ou la liste) qui obtient le plus grand nombre de voix,
c'est-à-dire la majorité des suffrages exprimés, emporte le ou les sièges à
pourvoir. Par conséquent, le scrutin majoritaire revient à confier le soin de
représenter une circonscription au candidat ou à la liste arrivé en tête, sans
tenir compte des suffrages obtenus par les autres concurrents. En pratique, il
existe deux façons de pratiquer le scrutin majoritaire : à un tour ou à deux
tours.
Remarque :
Les suffrages exprimés correspondent aux votants moins les votes blancs et
nuls.
1-1 Le scrutin majoritaire à un tour
Remarque :
Le scrutin majoritaire à un tour est le système en vigueur, depuis la fin du
XVIIIème siècle, en Grande-Bretagne.
Le
scrutin majoritaire à un tour est le plus radical dans ses effets. En effet, le
candidat (ou la liste) arrivé en tête lors du tour unique de l'élection est
déclaré élu et ce, quelle que soit son avance sur ses concurrents (une seule
voix suffit) et quel que soit le pourcentage total des électeurs qui se sont
prononcés en sa faveur. Dans un scrutin majoritaire à un tour sera donc élu le
candidat ou la liste qui a obtenu le plus de voix (la majorité simple - ou
relative - suffit).
Dans
le cadre du scrutin majoritaire à un tour, les électeurs sont souvent
confrontés au dilemme suivant : soit perdre leurs voix en apportant leurs
suffrages à un candidat issu d'un parti politique marginal, et qui n'a aucune
chance sérieuse de remporter l'élection, soit « voter utile » en donnant leurs
voix à un candidat qui appartient à une grande formation politique, et qui est
susceptible d'être élu. En pratique, ce mode de scrutin, en favorisant (presque
toujours) le « vote utile » conduit à un affrontement bipolaire entre deux
partis.
1-2 Le scrutin majoritaire à deux tours
Dans
le scrutin majoritaire à deux tours, il faut, pour pouvoir être élu au premier
tour, obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés, c'est-à-dire 50 % des
voix + 1, avec parfois l'obligation de réunir un nombre minimal d'électeurs inscrits.
Si aucun candidat n'obtient la majorité absolue au premier tour, on dit qu'il y
a « ballotage » et un deuxième tour est organisé. En général, l'accès des
candidats au second tour est réglementé.
Au
second tour, le candidat (ou la liste) arrivé en tête est élu et ce, quel que
soit le pourcentage des suffrages obtenus (la majorité relative suffit).
Le
fonctionnement du scrutin majoritaire à deux tours obéit à une logique
différente de celle du scrutin majoritaire à un tour. En effet, le premier tour
permet à toutes les familles politiques de s'exprimer et aux électeurs de voter
selon leurs préférences ; il est donc rarement décisif, sauf si une force
politique est nettement dominante. Au second tour, la logique majoritaire
l'emporte et oblige, le plus souvent, les partis politiques à se regrouper dans
des alliances locales ou nationales. En conséquence, la recherche de
l'efficacité contraint les courants politiques à gommer leurs spécificités et à
unir leurs forces pour tenter d'obtenir la majorité. En résumé, dans le cadre
du scrutin majoritaire à deux tours, au premier tour, on choisit, au second
tour, on élimine.
1-3 : Avantages et inconvénients des
scrutins majoritaires
En
théorie, la fonction d'un système électoral est d'assurer une représentation
fidèle des choix politiques des électeurs ; mais, il doit également permettre
de dégager une majorité de gouvernement cohérente, indispensable dans tout
régime politique. C'est au vu de ces deux critères que s'apprécient les
qualités et les défauts des modes de scrutin. Aucun n'est parfait ; aucun n'est
neutre.
De ce
point de vue, on admet, généralement, que les systèmes majoritaires favorisent
l'émergence d'une majorité parlementaire. La logique du système majoritaire étant
de réduire le nombre des candidats au tour décisif, ce mode de scrutin tend à
réduire le nombre des partis et à dégager une majorité nette au profit de l'un
d'entre eux. Par conséquent, ce mode de scrutin a le mérite de contribuer à la
stabilité gouvernementale.
Il
permet aussi une relation très étroite entre l'élu et les électeurs, ces
derniers pouvant réellement connaître les candidats. Il présente aussi
l'avantage d'une grande simplicité et d'une grande clarté. Cela est encore plus
net lorsqu'il y a un seul tour, l'électeur choisissant alors à la fois son
candidat, son parti et son Premier ministre (ex. : la Grande-Bretagne).
À
l'inverse, on reproche aux systèmes majoritaires leur caractère injuste ou,
plutôt, inéquitable au motif que ces systèmes ne visent pas la « justice
électorale » et provoquent, au contraire, des inégalités importantes dans la
représentation. En France, le pourcentage exigé pour se présenter au second
tour des élections législatives est de 12.5 % des électeurs inscrits ce qui, compte
tenu de l'abstention, peut éliminer de la compétition un candidat ayant obtenu
plus de 20 % des suffrages exprimés.
Dans
le scrutin majoritaire à un tour, le vainqueur peut très bien être minoritaire
et devoir sa victoire à l'éparpillement des votes sur les autres candidats,
s'ils sont trop nombreux. Qui plus est, au plan national, le parti qui emporte
la majorité des sièges n'est pas nécessairement celui qui a recueilli le plus
de suffrages dans le pays et cet exemple montre qu'un parti majoritaire en voix
peut être minoritaire en sièges. S'agissant du scrutin majoritaire à deux
tours, on lui reproche une certaine immoralité dans la mesure où nombre de
marchandages sont possibles entre les deux tours pour les désistements. Les
accords qui interviennent à ce moment-là sont souvent le fruit de négociations
sordides et ont peu à voir avec le programme de partis en présence et avec
l'intérêt du pays et des électeurs.
2) La
représentation proportionnelle (RP)
La RP,
dont l'inventeur semble avoir été Victor CONSIDERANT, a les faveurs de Hans
KELSEN ou de Joseph BARTHELEMY. Elle a aussi été préconisée par de grands
orateurs républicains comme Léon GAMBETTA, Aristide BRIAND ou Jean JAURES.
Ce
mode de scrutin procède de l'idée que l'Assemblée des représentants doit être
une réduction parfaite du corps électoral, exprimant ainsi toutes ses variétés
et toutes ses nuances économiques, sociales et idéologiques. L'objectif de la
représentation proportionnelle est donc d'attribuer à chaque parti un nombre de
sièges proportionnel au nombre de suffrages obtenus. Concrètement, les sièges à
pourvoir vont être répartis entre les différentes listes en présence,
proportionnellement au nombre de suffrages qu'elles ont obtenu. Si le principe
paraît simple, sa mise en œuvre est, toutefois, plus complexe.
2-1 La répartition des sièges
Remarque :
Pour pouvoir participer à la répartition des sièges, les listes doivent,
généralement, atteindre un certain pourcentage de suffrages exprimés fixé par
la loi, ceci afin d'éliminer les listes marginales.
La
répartition s'effectue ensuite en deux temps :
Dans
un premier temps, la répartition des sièges se fait d'abord à partir du calcul
du quotient électoral qui s'obtient en divisant le nombre de suffrages exprimés
par le nombre de sièges à pourvoir. En pratique, chaque liste reçoit autant de
sièges qu'elle a atteint de fois le quotient électoral.
Exemple :
Soit
une circonscription de 90.000 inscrits. Il y a 82.000 votants et 2.000 bulletins
blancs et nuls. Le nombre de suffrages exprimés (votants - blancs et nuls) est
donc de 80.000. Quant au quotient électoral, il est de 80.000/5 = 16.000.
Quatre
listes sont en présence et obtiennent les résultats suivants :
Liste
A : 35.000 ;
Liste
B : 22.000 ;
Liste
C : 15.000 et
Liste
D : 8.000.
Les
sièges sont attribués au quotient électoral :
Liste
A : 35.000/16.000 = 2 sièges, reste 3.000
Liste
B : 22.000/16.000 = 1 siège, reste 6.000
-
Liste C : 15.000/16.000 = 0 siège, reste 15.000
- Liste
D : 8.000/16.000 = 0 siège, reste 8.000
Au
final, le résultat est le suivant :
2
sièges pour la liste A,
1
siège pour la liste B,
0
siège pour les listes C et D.
Mais,
il reste 2 sièges à pourvoir. À qui les attribuer ?
2-2 : La répartition des restes :
les méthodes du plus fort reste et de la plus forte moyenne.
2-2-
a) : La répartition au plus fort reste
Elle
consiste à attribuer les sièges non pourvus aux listes présentant, dans l'ordre
décroissant, le plus grand nombre de suffrages inemployés.
Si nous
reprenons l'exemple précédent :
Liste
A : 35.000/16.000 = 2 sièges, reste 3.000
Liste
B : 22.000/16.000 = 1 siège, reste 6.000
Liste
C : 15.000/16.000 = 0 siège, reste 15.000
Liste
D : 8.000/16.000 = 0 siège, reste 8.000
Dans
le cas considéré, il reste 2 sièges à pourvoir. Ce sont les 2 listes ayant les
plus forts restes qui reçoivent les 2 sièges restants, c'est-à-dire les listes
C et D.
Le
résultat sera alors le suivant : 2 sièges pour la liste A et 1 siège pour les
listes B, C, et D.
2-2-b)
La répartition à la plus forte moyenne
Elle
consiste à calculer, pour chaque liste, la moyenne qu'elle obtiendrait si on
leur accordait fictivement un siège supplémentaire.
En
pratique, la liste qui obtient la plus forte moyenne reçoit un siège et l'opération
est répétée autant de fois qu'il reste de sièges à pourvoir.
Si
nous reprenons l'exemple précédent :
Liste
A : 2 sièges au quotient. Moyenne = 35.000/(2+1) = 11.666
Liste
B : 1 siège au quotient. Moyenne = 22.000/(1+1) = 11.000
Liste
C : 0 siège au quotient. Moyenne = 15.000/(0+1) = 15.000
Liste
D : 0 siège au quotient. Moyenne = 8.000/(0+1) = 8.000
On
procède à l'attribution du 4ème siège, qui va à la liste C.
Puis,
on s'intéresse à l'attribution du 5ème siège en calculant les nouvelles moyennes,
compte tenu de l'attribution du 4ème siège.
Liste
A : moyenne inchangée = 11.666
Liste
B : moyenne inchangée = 11.000
Liste
C : moyenne = 15.000/(1+1) = 7.500
Liste
D : moyenne inchangée = 8.000
On
procède à l'attribution du 5ème siège, qui va à la liste A.
Au
final, le résultat définitif est le suivant :
3
sièges pour la liste A,
1
siège pour la liste B,
1
siège pour la liste C et
0
siège pour la liste D
2-3 : Répartition des sièges avec la
méthode d'Hondt :
Le
mathématicien belge Victor D'HONDT a mis au point une méthode de répartition
qui parvient aux mêmes résultats que si l'on avait procédé à une répartition à
la plus forte moyenne.
Cette
méthode consiste à diviser le nombre de voix obtenues par les différentes
listes par les premiers nombres cardinaux dans la limite du nombre de sièges à
pourvoir - en l'occurrence 5 - et à attribuer ensuite ces 5 sièges aux 5
moyennes les plus élevées.
Soit les
nombres cardinaux: 1 2 3 4 5
Liste
A : 35.000 ; 17.500 ; 11.666 ; 8.500 ; 7.000
Liste
B : 22.000 ; 11.000 ; 7.333 ; 5.500 ; 4.400
Liste
C : 15.000 ; 7.500 ; 5.000 ; 3.500 ; 3.000
Liste
D : 8.000 ; 4.000 ; 2.666 ; 2.000 ; 1.200
Au
final, le résultat définitif est le suivant :
3
sièges pour la liste A,
1
siège pour la liste B,
1
siège pour la liste C et
0
siège pour la liste D.
Conclusion :
On
peut constater immédiatement la différence dans l'attribution des sièges selon
la méthode retenue. De la sorte, si la méthode du plus fort reste avantage les
petites formations, notamment celles qui n'ont pas réussi à obtenir le quotient
électoral, mais qui s'en sont approchées et qui disposent de forts restes, la
méthode de la plus forte moyenne avantage les listes qui ont obtenu le plus
grand nombre de suffrages, c'est-à-dire celles des grands partis politiques.
2-4 : Avantages et inconvénients de la
représentation proportionnelle
En
faveur de la RP, on peut, d'abord, avancer qu'elle reflète de façon plus fidèle
les choix politiques de l'électorat que les systèmes majoritaires. Dans la
mesure où chaque parti est représenté en fonction du nombre de suffrages obtenus,
la RP correspond à un idéal de « justice électorale ».
Les
voix minoritaires dans une circonscription étant prises en compte, elle permet
d'exprimer la diversité des opinions. Pour autant, la justice du système n'est
pas parfaite. On a vu qu'il existait généralement un seuil pour éliminer les
partis les plus marginaux et que le choix du mode de répartition des restes
peut avantager, selon les cas, les grands partis ou les petits partis.
Cependant,
le système paraît plus équitable que le système majoritaire et, surtout, il
favorise le pluralisme.
Ensuite,
la RP apparaît comme un mode de scrutin honnête, l'absence de second tour
évitant tous les marchandages auxquels donnent lieu les désistements et les
retraits entre les deux tours d'un scrutin majoritaire.
À
l'inverse, on reproche à la représentation proportionnelle de ne pas dégager de
majorité cohérente. Étant donné qu'elle offre à chaque formation politique une
chance d'être représentée, elle favorise le multipartisme ; les partis, n'ayant
pas d'intérêt à se regrouper, ont plutôt tendance à accentuer leurs
divergences. Le résultat est qu'il est très difficile, après les élections, de
former des coalitions stables pour soutenir un gouvernement. En outre, ce mode
de scrutin confère une importance déterminante aux partis politiques. En effet,
ce sont les états-majors des partis qui forment les listes et détiennent la clé
de l'élection. Par ailleurs, si ce mode de scrutin est simple dans son
principe, il est compliqué dans sa mise en œuvre.
3) Les
systèmes mixtes
Certains
pays (ex. : l'Allemagne, l'Écosse, l'Italie, le Japon, le Pays de Galles ...) ont
mis au point des systèmes mixtes qui combinent la technique du scrutin
majoritaire et la technique de la représentation proportionnelle. À vrai dire,
ces systèmes cherchent à cumuler les avantages des deux méthodes, et à en
limiter les inconvénients ; en d'autres termes, ils s'efforcent de concilier
l'équité et la gouvernabilité. Rarement utilisés, souvent fragiles malgré un
effet de mode récent ces vingt dernières années, les scrutins mixtes présentent
une très grande diversité. On peut, toutefois, distinguer trois tendances : les
scrutins à dominante majoritaire, les scrutins à dominante proportionnelle et
les scrutins équilibrés.
Remarque : En
Allemagne, le système électoral utilisé pour l'élection du Bundestag se
présente comme un scrutin mixte puisqu'une moitié des sièges est attribuée dans
le cadre de circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à un tour et une
autre moitié est élue à la RP au scrutin de liste dans le cadre des Länder.
L'électeur allemand dispose donc de deux suffrages : le premier pour exprimer
son choix en faveur d'un candidat dans sa circonscription, le second pour
exprimer son choix en faveur d'une liste présentée par un parti dans le Land.
P II :
La participation par le référendum
Le
référendum consiste à soumettre au peuple un texte ou une question. Il s'agit
là d'une façon d'associer le peuple à l'exercice du pouvoir ou de le consulter
sur les grands sujets intéressant la nation. Les démocraties ne sauraient
échapper à la question de l'utilisation du référendum car, selon les principes
philosophiques qui ont vu le jour au XVIIIème siècle, « le pouvoir législatif
ne peut revenir qu'à la volonté unifiée du peuple ». Cela étant, les régimes
constitutionnels contemporains ne réservent pas toujours un accueil très
chaleureux à la pratique de la consultation référendaire.
A -
Les catégories de référendum
Le
référendum est un instrument qui permet au peuple de participer au processus
décisionnel, selon des modalités qui différent en fonction des États concernés,
le peuple peut être amené :
- à
rendre un simple avis quant à l'adoption d'un texte, c'est le référendum
consultatif,
- à
abroger un texte en vigueur, c'est le référendum abrogatif, ou bien encore,
- à
voter directement un texte c'est le référendum normatif.
Il
existe plusieurs types de référendums normatifs (ou décisionnels) :
- Le
référendum constituant : prévu à l'article 89 de la Constitution de 1958, qui
permet au peuple, à l'initiative du Président de la République (sur proposition
du Premier ministre) ou des Assemblées, de se prononcer au sujet d'une loi
constitutionnelle, donc sur l'opportunité de réviser ou non la Constitution
- Le référendum
législatif : prévu à l'article 11 de la même constitution, qui permet au
Président
de la République, sur proposition du Gouvernement ou proposition conjointe des
deux Assemblées, de soumettre au peuple un projet de loi qui peut porter sur
différents sujets. En conséquence, il permet au peuple d'adopter une loi
ordinaire, sans faire intervenir, bien sûr, le vote du Parlement.
- Le
référendum local : introduit dans l'article 72-1 alinéa 2 de la Constitution de
1958 par la révision du 28 mars 2003, est initié par l'assemblée délibérante
d'une CT afin de soumettre à la décision de ses électeurs un projet de texte
(acte ou délibération) relevant de ses compétences.
B -
L'initiative du référendum
L'initiative
peut appartenir, selon les cas, à l'Exécutif, au législateur ou, bien encore,
aux citoyens. Le référendum d'initiative populaire, qui existe en Italie, en
Suisse, en Autriche, mais pas en France, est caractérisé par son initiative qui
appartient au peuple et peut porter sur différents domaines (législatif ou
constituant).
Les
procédures peuvent varier, mais il est possible de dégager des grandes lignes :
les initiateurs d'un projet doivent réunir un nombre préétabli de signatures
soutenant le texte envisagé (pétition) ; si ce nombre est atteint, les pouvoirs
publics sont tenus d'organiser un référendum ; en cas de réponse favorable au
texte, le Parlement doit nécessairement discuter d'une modification de la loi
dans le sens indiqué par le référendum.
Remarque
: Un référendum d'initiative populaire figure dans le Traité établissant une
Constitution pour l'Europe : un million de citoyens issus d'un nombre
significatif d'États de l'UE peut demander à la Commission européenne de
présenter une proposition de texte communautaire sur une question qu'ils estiment
nécessaire.
Référendum et plébiscite
La
distinction entre le référendum et le plébiscite n'est pas toujours aisée car
la procédure utilisée est la même ; en fait, ce sont des éléments extérieurs à
l'opération référendaire qui permettront de considérer que l'on est en présence
d'un plébiscite.
En
principe, le référendum se caractérise par une réponse à une question ou à un
texte. Mais, lorsqu'il s'agit de répondre à une question de confiance posée par
un homme, il s'agit alors d'un plébiscite.
Ainsi,
si le référendum est utilisé comme un instrument de pouvoir personnel, il y a
plébiscite (ex. : NAPOLEON Ier et NAPOLEON III).