Cours sur le chapitre 4
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Cours: | DAPFE4222 : Analyse despolitiques publiques |
Livre: | Cours sur le chapitre 4 |
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Date: | jeudi 1 mai 2025, 22:55 |
1 Chapitre 4. La prise de la décision
La décision est centrale en matière de Politiques Publiques car sans elle pas de Politiques Publiques. La décision a une nature coercitive : l'Etat mobilise les instruments de la contrainte. Enfin la décision a un caractère dramatique. La décision fixe les principes et les contours de l'action. Une décision n'intervient jamais seule : une décision nourrit une série d'autres petites décisions .Il n'existe pas qu'un décideur : il y a une pluralité d'acteurs politico-administratif et parfois privé. La décision est un compromis : une négociation entre acteurs privés et publics. Ceci étant dit, il convient de souligner que l'étude de la prise de la décision portera sur les acteurs et les procédures de la décision (section1), sur la rationalité de ladite décision et ses limites (section2) et enfin sur les contraintes de cette dernière (Section3).
Section1 Les acteurs et procédures de la décision
Nous allons étudier successivement les acteurs (paragraphe1) puis les procédures de la décision (paragraphe2)
Paragraphe1 : Les acteurs de la décision
Il existe différentes strates dans la sphère politico-administrative. Ces strates vont concourir de manière variable à la formulation de solutions, de choix des dispositifs, à la mise en place. De ce fait on distingue divers cercles de décision à savoir :
A.Les sommets de l'Etat
Ce sont l'ensemble des acteurs à qui est reconnu un pouvoir de décision étendu recouvrant en théorie, l'ensemble des problèmes sociaux. En France le sommet de l'Etat correspond au Président de la République, au 1er ministre, à l'administration des finances et dans une moindre mesure, au Parlement. En Allemagne, le chancelier dispose du pouvoir d'orienter la politique générale.
En France, l'article 20 et 21 de la constitution explique que le premier ministre et son gouvernement ont la charge de mener la politique de la nation. Importance des sommets de l'Etat en ce qui concerne l'article 49-3 par lequel le gouvernement peut engager sa responsabilité sur un texte, ou en ce qui concerne l'article 44-3 (procédure de vote bloqué) contrairement au Sénégal avec la suppression du poste de premier ministre.
L'administration des finances a une vocation généraliste : elle décide en matière financière et budgétaire. De plus, elle a un droit de veto sur les capacités financières de l'action publique.
Les agences indépendantes ont des pouvoirs étendus de régulation, dans plusieurs domaines. A titre d'exemple, au Sénégal l'ARMP (Agence de Régulation des Marchés Publics) qui a vocation de généraliser la régulation des marchés publics.
B.Les partenaires extérieurs de l'Etat
Bien qu'ils soient extérieurs à l'Etat, ils ont un pouvoir de régulation sur un ensemble de problèmes donné. Ex : conseil de l'ordre des médecins, chambre des notaires... L'autonomie de leur profession est reconnue par l'Etat. On peut parler aussi de la mobilisation des syndicats ou du patronat dans des structures corporatives.
C.Les organismes juridictionnels:
Ils ont un poids sur le contenu de la décision. Ce pouvoir s'exerce parfois a priori (ex : en France, le Conseil d'Etat qui va contrôler les textes législatifs et réglementaires pour voir si les textes respectent la hiérarchie des lois ; ou encore le Conseil Constitutionnel) ou a posteriori (ex : cour suprême aux EU, cour constitutionnelle allemande...) : dans tous les cas on s'assure que la décision respecte l'Etat de droit. Au Sénégal, cette tâche est dévolue à la chambre administrative de la cour suprême et au conseil constitutionnel. La cour des comptes intervient également comme organe de contrôle financier des dépenses publiques. Après l'étude des acteurs de la décision, nous allons analyser les procédures de la décision.
Paragraphe2 : Les procédures de la décision
Elles sont formulées par Jones :
L'accent sera mis ici sur la formulation (A) d'une part, et, d'autre part, sur la légitimation(B).
A) La formulation : processus de sélection de l'alternative la meilleure entre toutes celles inscrites sur l'agenda. C'est un travail de mise en forme lié à la nature des décisions et à la hiérarchie des textes.
Travail sur le contenu des lois (mise en forme). Ex avec la loi portant sur l'acte trois de la décentralisation au Sénégal, certains acteurs avaient sollicité que la dite loi soit soumise à nouveau au parlement à raison de ces failles. Il en est de même de la loi d'habilitation de 2020 accordée au Président de la république du Sénégal dans le cadre de la prévention et de la lutte contre le coronavirus.
2 éléments cruciaux dans ce processus de formulation :
• Faisabilité technique : est-ce qu'on a les moyens disponibles pour adopter une décision ?
• Coût politique : quel va être la réaction de l'opinion publique, et quelles sanctions en matière électorale ? Ex : La loi instituant la parité sur les listes des candidats aux élections législatives et locales au Sénégal.
B) La légitimation : recouvre toutes les procédures formelles qui vont officialiser le choix et le légitimé pour l'appareil d'Etat mais aussi pour l'opinion publique. C'est ainsi que la légitimation va connaitre trois étapes :
• Le vote par le Parlement (représentatif)
• La saisine du Conseil Constitutionnel (dynamique juridique)
• Promulgation par l'exécutif (légitimation symbolique)
Le processus de sortie est matérialisé par la parution au Journal Officiel.
Ces acteurs et procédures de la décision ainsi analysés, nous allons examiner la rationalité de la décision ainsi que ses limites.
Section2 : La rationalité de la décision
Il existe divers caractères pouvant permettre d'analyser la rationalité de la décision politique (paragraphe1) mais au-delà de ces caractères, la rationalité de la décision se heurte à des limites (Paragraphe2).
Paragraphe1 : Les caractères d'une décision rationnelle
On fait parfois référence à « une décision rationnelle ». On considère que les autorités publiques interviennent à partir d'un choix délibéré, qui est arrêté à partir d'un calcul rationnel au sens économique du terme, relatif aux solutions alternatives et à leurs coûts, avec l'idée de toujours rechercher un optimum dans la décision. À chaque fois qu'un décideur prend une décision publique, il se retrouve un peu comme un acheteur : si le profit est plus élevé que le coût, alors il y a action. On peut prendre l'exemple du problème des déficits budgétaires en lien avec des caisses de retraites ou l'exemple de la criminalité. L'optimum correspond au choix le plus adapté au problème.
Le calcul rationnel du décideur est ce qui le pousserait agir par intérêt (un acteur agit s'il a un intérêt uniquement) en essayant de maximiser ses gains et de minimiser ses coûts. Si les coûts sont trop importants il n'agira pas. D'après cette théorie, le décideur agira selon une rationalité économique. En postulant cela, les spécialistes de politiques publiques ont tendance à minimiser d'autres motivations et d'autres rationalités qui peuvent pousser l'acteur à agir. Par exemple, l'acteur peut ne pas agir par intérêt au sens économique mais être motivé par d'autres valeurs. On peut avoir une certaine idée des politiques sociales. L'analyse peut se faire différemment que d'une manière coût-avantage. Ici, on néglige tout ce qui est au niveau des valeurs et de la moralité.
La rationalité économique (parfois appelée substantive) peut être opposée à un autre type de rationalité d'action : la rationalité procédurale. Selon cette rationalité l'action est définie par un certain nombre d'étapes à effectuer (rationalité juridique). La rationalité juridique correspond à une séquence d'actions qui définit une procédure mais pas forcément un calcul coût-bénéfice).
Les chercheurs ont tenté de transférer la rationalité économique dans la sphère politique. La conséquence est que les chercheurs postulent que les autorités publiques, lorsqu'elles décident et mettent en œuvre des politiques publiques, ont exactement le même type de rationalité que les acteurs du marché économique libéral. Ces acteurs, ces décideurs cherchent à optimiser leur action en fonction d'une réflexion qui va porter sur la rationalité des moyens employés pour atteindre des objectifs définis lesquels renvoient à des intérêts stratégiques.
Il s'agit d'une réflexion par analogie. Une théorie définie par l'utilitarisme est transférée à l'analyse de la décision publique. Mais cette transposition engendre deux types de conséquences liées à deux types de comportement que l'on prête à l'homo economicus :
1. L'acteur poursuit des buts qui sont toujours cohérents entre eux. L'acteur qui veut acheter une voiture d'occasion, dispose d'un certain budget et d'une certaine finalité (acheter un break blanc par exemple) est supposé faire preuve d'une rationalité économique : on suppose qu'il a à sa disposition toutes les informations permettant de faire un choix optimum en tête.
Le décideur politique devrait avoir cette même homogénéité afin de poursuivre des buts cohérents.
2. L'acteur est supposé faire des choix qui sont cohérents entre eux et qui sont toujours adaptés au but poursuivi.
Cette rationalité économique est transposée dans le marché politique. Cette rationalité substantive se nomme également rationalité réelle. Elle suppose ou présuppose une parfaite information des agents économiques. Cela suppose un accès homogène et équitablement réparti à l'ensemble de l'information disponible à un temps T. Par exemple, l'acte d'achat de la voiture ne peut être rationnel que si, lors de cet acte, l'acheteur est informé de l'ensemble des informations disponibles à travers le monde en lien avec l'acquisition de la voiture désirée. C'est uniquement parce que toute l'information est disponible que le choix peut être considéré comme rationnel.
Malgré les limites relativement évidentes, les travaux pionniers de politiques publiques vont avoir tendance à poser et à conserver ce postulat de base de la rationalité économique qui anime les décideurs de l'action publique. A la lumière de la rationalité de la décision nous allons analyser ces limites.
Paragraphe 2 : Les limites de la rationalité décisionnelle
Les travaux d'Herbert Simon et ceux de Charles Lindblom ont remis en cause le concept de rationalité en matière de politiques publiques. D' où l'émergence des modèles ou théories gradualistes à savoir : la rationalité limitée d'Herbert Simon(1) et l'incrémentalisme de Charles Lindblom (2). A côté de ces modèles nous avons également le modèle dit de la poubelle (3).
1/ La rationalité limitée (Herbert Simon[1])
Au départ, Simon est plutôt dans une optique tayloriste, c'est-à-dire qu'il est très marqué par l'idée de rentabilité et d'efficacité au travail. Taylor développe un certain nombre de théories qui vont amener à développer le travail à la chaine. Simon se dit qu'il faudrait faire une sorte de taylorisation dans l'administration.
En opposition à la rationalité économique, Simon introduit la notion de rationalité limité (boundid). Alors que la rationalité économique suppose en particulier un parfait accès à l'information des acteurs, Simon prend en compte l'imparfaite information des agents dans la réalité.
1. Cela est lié aux limites intellectuelles des individus.
2. La décision est à un temps T et à ce temps l'information n'est jamais complètement disponible.
Il s'agit d'une critique radicale de la philosophie politique libérale classique pensable. Pour Simon cette théorie est quasiment devenue une idéologie.
Il montre que face à un problème à résoudre, l'être humain en général et particulièrement le bureaucrate, en raison de ces limites a toujours une capacité de connaissance et de choix limité. Il ne peut pas comparer de manière synoptique (de manière simultanée) toutes les solutions possibles et leurs conséquences possibles pour choisir la meilleure d'entre elles.
Pour Simon, face à une décision à prendre l'individu procède beaucoup simplement, d'une manière séquentielle en comparant l'une après l'autre les solutions possibles qui lui viennent en tête à ce qu'il considère être des critères minimaux de satisfaction. L'individu arrêtera son choix à la première solution satisfaisante et suffisante pour agir. La première solution satisfaisante et suffisante n'est pas forcement la plus satisfaisante. L'homme est un animal qui cherche la satisfaction plutôt que l'optimisation. Admettre que la raison humaine est imparfaite et limitée devrait pour lui permettre de comprendre des comportements individuels et collectifs que l'on pouvait juger soit illogique soit incohérent.
2/ L'incrémentalisme[2] de Charles Lindblom [3]
La première idée fondamentale est qu'il fait une différence nette entre la décision privée et la décision publique. L'économie politique libéral a réfléchi sur la décision privée alors cela ne peut être transposé dans la sphère publique. Pour les décisions privées on peut facilement considérer que la rationalité d'une décision se juge par rapport aux objectifs du décideur. Mais en matière de politiques publiques, il apparaît difficile de considérer que la rationalité ne dépend que des objectifs des décideurs parce qu'en démocratie il y a toujours un impératif d'intérêt général qui transcende tous les intérêts particuliers y compris les intérêts propres du décideur (ce qui n'est pas forcément le cas chez Peugeot): Du coup la rationalité de la décision publique ne peut pas reposer sur la seule action du décideur qui doit tenir compte de cette contrainte de l'intérêt général. Quand on intègre cette contrainte, la pertinence du modèle de la décision rationnelle devient beaucoup contestable.
À partir de là, il va administrer une critique radicale au modèle de la décision rationnelle en disant que selon lui, ce modèle serait efficient même supérieur à une autre si quatre condition était remplies :
1. Il faut que les acteurs aient toujours toutes les informations nécessaires à la décision qui soient disponibles à ce moment-là.
2. Il faudrait qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans les objectifs des décideurs.
3. Il faudrait que tous les participants partagent les mêmes valeurs.
4. Il faudrait que tout au long de l'action publique, les ressources soient toutes également disponibles.
Mais ces conditions ne peuvent jamais être concrètement remplies. Il est impossible de réunir a priori toutes les informations nécessaires à la décision mais il est même inutile de vouloir le faire. Le coût pour réunir cette information serait énorme pour un résultat aléatoire d'autant plus que les qualités intellectuelles humaines sont limitées.
Les objectifs des acteurs sont nécessairement ambigus parce qu'on vit dans un monde complexe dont les problèmes mettent en question beaucoup d'élément d'incertitude et avec des problèmes à traiter qui mettent relation des intérêts nombreux et contradictoires. Vouloir clarifier à l'avance le but ou les objectifs d'une politique rendrait l'accord et donc la décision quasiment impossible (vision cynique du politique). Il ne fait pas avouer son but ou même avouer un but qui n'est pas le vrai.
3. Tous les partenaires qui sont mobilisés par une même action ne partagent pas forcément les mêmes valeurs mais toutes ces valeurs méritent normalement d'être respectées si elles ne sont pas attentatoires à la démocratie. Du coup, un accord sur les dispositifs concrets (les politiques pratiques) est beaucoup plus facile à réaliser qu'un accord sur les buts de l'action. Par exemple, les politiques de rénovations urbaines : pour certains : c'est des politiques culturelles, pour d'autre : c'est des politiques sécuritaire, de développement économique, de résorption du chômage dans le quartier. En fait, c'est un peu tout ça mais on arrive à les mettre en place car on s'accorde sur les dispositifs et non pas sur les finalités des dispositifs.
4. Les ressources des acteurs ne sont en faites pas stables. Parce que l'action publique fait resurgir des ressources nouvelles et en épuise d'autres (lien avec l'économie politique libérale). Il y a une consente modification et redistribution des ressources disponibles. Tous ces éléments amènent à noter une impression d'irrationalité de l'action. Lindblom montre que derrière cette irrationalité apparente, une autre rationalité existe : une rationalité a posteriori, où on rationalise l'action et on tente de la légitimé une fois qu'elle a été faite. Cette rationalité est plus humaine est plus efficace que la rationalité économique.
3/Le modèle de la poubelle
Ce sont March et Olsen qui ont développé le modèle dit de la poubelle dans un ouvrage intitulé : (Rediscovering Institutions. The Organizational Basis of Politics, 1989).
Selon ce modèle, il existe 4 critères pour critiquer la Rationalité d'une PP :
• il n'existe jamais une connaissance de la situation, donc pas de critères de choix ;
• les préférences sont implicites, souvent contradictoires et instables ;
• il n'y a pas de moyens disponibles ;
• le moment de la décision (moment de stress) est tout sauf rationnel, il y a des affects.
Face à une situation de choix, les acteurs vont prendre la dernière décision qu'ils viennent de jeter à la poubelle sans vraie rationalité. Ex : les congrégations religieuses, l'armée (trop forte hiérarchie, pas de grandes connaissances de l'environnement, stress au moment d'une attaque...).
La création de la monnaie unique européenne qui était une idée qui traînait dans les tiroirs depuis 20 ans et qui a été ressorti après la réunification allemande. Après les caractères de la décision et ses critiques, le moment est venu de s'arrêter sur les contraintes de la décision. Ce qui nous conduit à voir la nature de ces contraintes.
Section3 : Les contraintes de la prise de la décision
Les responsables ne sont pas toujours libres de passer directement de l'examen des conséquences de différentes politiques au choix des programmes ayant les effets les plus favorables. Leur liberté de décision est restreinte par les forces qui régissent leur environnement. Les unes interdisent certains choix, tandis que d'autres déterminent les programmes prioritaires. Plus généralement, on peut distinguer d'une part les contraintes liées aux règles et à la bureaucratie (Praraphe1) et d'autre part, les contraintes politiques et économiques (paragraphe2).
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Paragraphe 1 : Les contraintes liées aux règles et à la bureaucratie
Si le respect des procédures juridiques représente une source importante de légitimation, ces mêmes procédures constituent aussi un frein important à l'autonomie des décideurs.
En effet, contrairement à ce que croient trop souvent les dirigeants politiques nouvellement élus, les décisions qu'ils ont à prendre ne se déploient pas dans un espace « vierge », mais sont, au contraire, étroitement balisées par un ensemble contraignant de règles formelles et informelles.
Les premières concernant les procédures qui organisent les relations entre le législatif et l'exécutif : organisation et dates des sessions parlementaires, réglementation de l'initiative en matière législative. Dans le cas des Etats francophones d'Afrique, l'adoption de régimes présidentialistes a provoqué une configuration des circuits de décision au profit du Président de la République. Ce que l'on nomme parfois des « querelles de procédure » ne doit donc pas être considéré comme une dimension mineure de l'action publique, car elles peuvent avoir une influence décisive sur le timing d'une réforme ou d'une politique, conduisant souvent les acteurs politiques à dépasser le temps qu'ils se sont impartis pour mettre en place une politique et de ce fait, à perdre une partie des bénéfices qu'ils en escomptaient.
Mais, le monde des procédures ne concerne pas seulement les règles formelles d'exercice du pouvoir. Il touche aussi à l'ensemble des modes opératoires de la décision : fonctionnement des cabinets, organisation du travail entre les différents ministères compétents sur un même dossier. Les décideurs se voient ainsi confrontés à de nombreux écueils :
- un manque de coordination entre les services affaiblira le contrôle politique des autorités légitimement élues ;
- inversement, un excès de contrôle (notamment de la part des cabinets) risquera de paralyser le processus de décision tout en produisant des décisions « faibles » sur le plan technique. Surtout, cette question des procédures touche aussi bien la réalité du travail gouvernemental (circulation des informations, répartition des compétences...) que l'image que l'opinion en retiendra.
Or, dans cette fonction de « mise en sens » des politiques, ce problème de perception est crucial: tout gouvernement cherche à donner de lui-même l'image d'une machine bien huilée, fonctionnant sans à coup et répondant aux attentes du citoyen.
Malheureusement, rares sont les gouvernements qui, à un moment ou à un autre, ne sont pas confrontés à ces « ratés » qui viennent rappeler l'extraordinaire complexité de la fonction politique. Tantôt, les seules victimes en sont les responsables politiques eux-mêmes, qui voient leur popularité s'effondrer. Tantôt les conséquences en sont dramatiques pour les citoyens, comme dans l'affaire du sang contaminé en France ou le naufrage du bateau le Joola au Sénégal.
En dernier lieu, on peut évoquer le rôle des groupes d'intérêts (lobbying) dans le processus de décision des démocraties contemporaines pour constater qu'ils font partie intégrante du processus de fabrication des politiques publiques contemporaines et leur influence varie en fonction des contextes politiques et des traditions nationales. On le voit de nombreuses contraintes présentes sur la prise de décision, dont certaines sont de nature politique ou économique.[4]
Paragraphe 2 : Les contraintes politiques et économiques
Examinons les contraintes politiques (1) avant d'envisager l'étude des contraintes économiques(2).
1/ Les contraintes politiques
La première contrainte qui pèse sur une décision politique est sa concordance ou non avec les vœux de l'opinion publique. A première vue, le moyen le plus simple et le plus démocratique de conduire les affaires publiques serait sans doute de se conformer aux vœux de l'opinion. Chaque décision serait alors prise en fonction des préférences de la majorité. Seulement, il faudrait, dans ce cas, que de telles préférences soient à la fois réelles et perceptibles ; il faudrait aussi que les décideurs soient prêts à suivre l'opinion et à la laisser faire elle-même ses choix il ya lieu d'envisager deux aspects : d'une part, l'influence de l'opinion sur l'action gouvernementale et d'autre part réciproquement, l'influence des hommes politiques sur l'opinion.
Pour comprendre l'absence fréquente de conformité entre les vues de l'opinion et les décisions gouvernementales, il importe de considérer les différents mécanismes permettant aux citoyens de prendre part à la vie politique. Il s'agit notamment des élections, des sondages d'opinion et de divers contacts directs et personnels avec des hommes politiques.
Le vote constitue le premier moyen offert au public de participer à la vie politique. L'électorat y trouve non seulement l'occasion de s'exprimer mais aussi un lien direct avec ses principaux mandataires que la crainte d'être écartés du pouvoir peut conduire à orienter les décisions dans le sens de l'électorat.
Cela suppose que les électeurs soient en mesure de comprendre les programmes des candidats, pour ensuite les confronter aux décisions ultérieures effectives.
Les sondages (lorsque leur publication n'est pas interdite comme au Sénégal) offrent aux citoyens la possibilité de faire connaître aux responsables leurs vues sur l'action gouvernementale sous des formes plus immédiates qui ne permettent pas les seules élections. C'est à ce titre qu'ils peuvent influer sur les décisions gouvernementales.
Le dialogue personnel constitue un moyen de contact direct. Pourtant, en dépit de son utilité potentielle pour influencer l'action gouvernementale. Ce moyen n'est pas assez utilisé, notamment du fait que les responsables ne peuvent consacrer qu'un temps limité à une telle forme de contact. Les citoyens qui ont les moyens de s'adresser personnellement aux gouvernants ne sont représentatifs du grand public car ils appartiennent en général aux groupes socio-économiques les plus favorisés. A côté de ces contraintes politiques, des contraintes économiques non moins redoutables pèsent sur la prise de décision. D'où l'étude des contraintes économiques.
2/Les contraintes économiques
La crise financière de 2008 a mis à nu la fragilité des décideurs politiques face à la toute-puissance de l'économie, tous les programmes budgétaires intégrant désormais la nécessité de maîtriser la dette publique galopante.
Les responsables ne sont pas libres de choisir n'importe quel programme. Leur liberté de décision est restreinte par les forces qui régissent leur environnement. D'aucunes interdisent certains choix, tandis que d'autres déterminent les programmes prioritaires. L'économie dicte ce qui est possible ou souhaitable. Les responsables éthiopiens se trouvent dans un contexte économique différent de celui de leurs homologues de Washington. Les exigences en matière de programmes et les ressources disponibles n'ont rien de comparable.
Les diverses composantes du développement économique figurent parmi les principales préoccupations des décideurs. La recherche et le maintien de la prospérité économique sont hautement prioritaires car c'est un élément fondamental, sans lequel de nombreuses politiques sont vouées à l'échec.
Les rapports entre la conduite des affaires publiques et le développement économique illustrent bien le caractère de réciprocité du processus de décision. Tandis que les responsables cherchent à influer sur le rythme ou la nature du développement économique dans leur environnement, leur action subit elle-même l'influence omniprésente de l'économie. Elle est fonction à la fois des ressources disponibles et des exigences de l'économie du pays.
Le degré de développement économique d'un secteur a une incidence sur les décisions dans la mesure où il influe sur l'ampleur et la nature des ressources mises à la disposition des pouvoirs publics. Plus une économie est développée, plus le pouvoir de décision est large[5].
Après l'analyse de la décision, il reste à voir sa mise en œuvre qui est une phase importante dans l'analyse de politiques publiques.
[1] Il est nait en 1916 et mort en 2001. Il a fait ses études dans les années 30 à Chicago principalement en économie mais également en science politique. Il s'intéresse à la science administrative qui essaye d'étudier à côté du droit publique le fonctionnement des administrations. Il est prix Nobel d'économie en 78 pour les travaux qu'il a effectué dans les années 50-60. Il est aussi un cybernéticien (l'intelligence artificiel). Il réfléchit sur la cognition humaine (manière dont le cerveau fonction et trie les informations). Il collabore au développement d'ordinateurs capables de battre les plus grands maîtres d'échec. Simon réfléchit sur les problèmes de cognition humaine. L'expérience de Stanley Milgram. Les résultats de cette expérience sont transposés dans l'analyse du comportement des employés et des chefs d'entreprise.
En 1947, il publie Le comportement administratif, qui est une analyse psychosociologique des acteurs dans les administrations publique dans les administrations.
En 1957 il publie Des modèles d'homme, un ouvrage sur la rationalité humaine qui serait l'ouvrage central de son œuvre.
[2] En Sciences, l'incrément désigne une augmentation minimale d'une variable prenant des valeurs discrètes. Par extension, il a été utilisé par Lindblom pour qualifier une pratique décisionnelle qui consiste à modifier à la marge l'existant.
[3] Lindblom est un économiste de formation qui s'est occupé d'analyse de politique et de politiques publiques. Il a travaillé en temps qu'experts pendant de nombreuse années, notamment pour le Think Thank Round corporation (Reserch and développement, fameuse d'expertise née pendant la guerre dans lequel le gouvernement a investi pour développer des programmes d'armement.
[4] George C. Edwards et Ira Sharkansky, Les politiques publiques, élaboration et mise en œuvre, Les éditions d'organisation, Paris, 1981, p.27-57 et p. voir également le cour de Mr Ousmane Khouma, analyse des politiques publiques : cours de Master II page 46 et sv.
[5]Cf Mr Ousmane Khouma op.cit.48