LE REGIME DES ETATS UNIS
1 LE REGIME DES ETATS UNIS
CHAPITRE II : Le régime des États-Unis d'Amérique
Section I : L'Exécutif : le Président des États-Unis
L'Exécutif aux États-Unis, comme dans tous les pays qui ont adopté, à un moment ou à un autre, le régime présidentiel, est monocéphale. Par conséquent, dans ce pays, le pouvoir exécutif appartient à un seul homme, le Président. Cela signifie que le Président assume, à lui tout seul, les fonctions de chef de l'État et de chef de Gouvernement.
Selon l'Article II Section Ière de la Constitution des États-Unis, « Le pouvoir exécutif sera confié à un Président des États-Unis d'Amérique ».
P I : La désignation du Président des États-Unis
L'homme qui est considéré comme le plus puissant au monde est élu au terme d'une sorte de « course-marathon » coûteuse et complexe. À vrai dire, aux États-Unis, l'élection présidentielle est l'aboutissement d'une procédure longue et compliquée au cours de laquelle la phase de sélection des candidats par les partis (Parti démocrate et Parti républicain) est quasiment aussi importante et disputée que celle de l'élection proprement dite. C'est pourquoi, la « longue marche » vers la Maison-Blanche peut être découpée en deux phases : la course à la candidature et la course à l'élection.
Au total, la campagne pour l'investiture puis pour la Présidence se déroule sur près d'une année ; ce qui est beaucoup si l'on considère que le mandat présidentiel n'est que de 4 ans.
Les conditions pour être candidat à la présidence des États-Unis sont prévues à l'Article II Section I de la Constitution fédérale de 1787 : tout candidat à la présidence doit :
- Être né aux États-Unis,
- Avoir résidé au moins 14 ans depuis sa naissance sur le territoire américain,
- Et être âgé de 35 ans au moins.
Qui plus est, depuis l'adoption, en 1951, du XXIIème Amendement, le Président en exercice ne peut être réélu qu'une seule fois.
A- La désignation des candidats à l'élection présidentielle
Il existe une pré-étape à l'élection présidentielle non prévue par les constituants, mais résultant d'une longue pratique. Cette étape correspond, en vérité, à la phase de sélection de son candidat par chaque grand parti (le Parti démocrate et le Parti républicain).
En effet, un an environ avant l'élection présidentielle, chaque parti compte, dans ses rangs, une dizaine de « candidats à la candidature ». Or, un parti ne peut avoir qu'un seul candidat. Ce candidat à l'élection présidentielle va donc être désigné par les délégués du parti à la Convention, qui sont eux-mêmes désignés, dans chaque État, en fonction du candidat à la candidature qu'ils soutiennent.
1)Au niveau local : la désignation des délégués à la Convention
Aux États-Unis, la législation électorale, y compris pour la Présidence, relève, en principe, de la compétence des États. Concrètement, chaque État a sa propre loi électorale, qui sert aussi bien à élire les gouverneurs et les législateurs des États que les sénateurs et les représentants du Congrès, ainsi que le Président des États-Unis.
Entre février et juin, le parti démocrate et le parti républicain organisent, dans chaque
État, des élections permettant à leurs militants ou à leurs électeurs de désigner des délégués représentant un candidat. Au début, seule existait la formule du caucus, puis la formule des primaires s'est progressivement développée au point de supplanter les caucus.
a. Le système oligarchique : le caucus
Dans ce système, qui n'est plus guère utilisé de nos jours, ce sont les militants locaux du parti qui se rassemblent pour choisir les délégués qui les représenteront aux réunions organisées à l'échelon local supérieur, et ainsi de suite jusqu'à la désignation des délégués à la Convention nationale du parti.
b. Le système démocratique : les primaires
La formule des primaires, qui a été inaugurée, pour la première fois, en 1905 dans l'État du Wisconsin, s'est progressivement développée au point de supplanter le système des caucus. Cette formule, plus démocratique, permet aux électeurs de choisir, eux-mêmes, les délégués à la Convention nationale. Dans la pratique, il existe plusieurs types de primaires : les primaires fermées et les primaires ouvertes.
2)Au niveau national : la désignation du candidat à l'élection présidentielle
Dans le courant de l'été, les délégués se réunissent en un Congrès national, appelé
Convention, afin de désigner le candidat officiel de leur parti. En pratique, pour recevoir l'investiture de son parti, un candidat est tenu d'obtenir la majorité absolue des suffrages des délégués. Une fois désigné, le candidat à la Présidence doit choisir, pour former le fameux « ticket présidentiel », un candidat à la vice-présidence qui, le plus souvent, est une personne susceptible de lui apporter les voix d'électeurs qui ne lui sont pas favorables au départ.
Depuis quelques années, se présentent à l'élection présidentielle des candidats dits indépendants qui n'appartiennent pas aux deux grands partis. Ils n'ont donc pas été désignés selon la procédure habituelle.
P II : L'élection présidentielle proprement dite
Si les rédacteurs de la Constitution fédérale du 17 septembre 1787 étaient partisans d'un Exécutif fort et excluaient une élection par le Congrès ou toute Assemblée, ils désiraient toutefois, écarter les risques de dérive que pouvait présenter une élection populaire « ouverte au tumulte et au désordre ». C'est pourquoi, le Président américain n'est pas élu directement par l'électorat populaire, c'est-à-dire au suffrage universel direct, mais, comme l'ont voulu les constituants, par de grands électeurs, c'est-à-dire au suffrage universel indirect. Ainsi, bien qu'apparaissant élu par l'ensemble de la population, le Président des États-Unis ne l'est pas à la suite d'un vote direct du peuple. En pratique, les deux étapes de l'élection présidentielle sont les suivantes : l'élection des grands électeurs et l'élection du Président des États- Unis.
A- L'élection des grands électeurs : le scrutin présidentiel de novembre...
L'élection des grands électeurs se déroule chaque année bissextile, le premier mardi suivant le premier lundi de novembre. Ce scrutin a, en fait, pour but de faire élire les grands électeurs par la population de chaque État fédéré. Conformément à l'Article II Section I de la Constitution, « Chaque État désignera, de la manière qui sera déterminée par sa législature, un nombre d'électeurs égal au nombre total des sénateurs et représentants que cet État est autorisé à nommer au Congrès ». Le nombre des grands électeurs par État est donc égal à celui des parlementaires élus dans cet État, soit un total de 538 grands électeurs (100 sénateurs + 435 membres de la Chambre des représentants + 3 délégués pour le district de Columbia).
Les « grands » États sont largement représentés dans ce collège (ex. : 55 grands électeurs pour la Californie, 34 pour le Texas, 31 pour l'État de New York, 27 pour la Floride ...). Par comparaison, le Nevada n'a que 5 grands électeurs ...
L'élection se fait, dans chaque État, au scrutin de liste à un tour, la liste obtenant le plus grand nombre de voix remportant la totalité des grands électeurs de l'État dans lequel elle est arrivée en tête. En vertu d'une coutume constitutionnelle, le mandat des grands électeurs est impératif, ceux-ci votant donc (quasi-systématiquement) pour les candidats à l'égard desquels ils ont pris un engagement. Par conséquent, même si les grands électeurs ne se prononcent, par un vote dans leur État, que plusieurs semaines plus tard, le résultat peut être considéré comme acquis dès le premier mardi suivant le premier lundi de novembre. En effet, comme les candidats aux fonctions de grands électeurs se sont engagés à choisir le candidat X ou le candidat Y, on sait, normalement, qui sera Président des États-Unis dès la fin de la première étape : il suffit de compter le nombre de grands électeurs pour chaque candidat et celui qui a la majorité absolue est le Président virtuel ...
Un candidat ne peut logiquement être élu sans l'emporter dans un nombre significatif de grands États. Mais, par le jeu du scrutin majoritaire, si la liste d'un candidat l'emporte, ne serait-ce que d'une dizaine de voix, celui-ci obtient tous les votes des grands électeurs de cet État. C'est pourquoi, une « petite victoire » dans un État très peuplé vaut mieux qu'une large victoire dans un petit État. Et un candidat peut même gagner en emportant les grands électeurs des 11 États les plus peuplés des États-Unis et en perdant dans tous les autres ...
B- Le choix du Président des États-Unis
Le résultat de l'élection présidentielle est connu dès le scrutin du mois de novembre, puisqu'il suffit d'additionner le nombre de grands électeurs des États remportés par chacun des candidats. Cependant, il faut attendre le mois de décembre pour que, officiellement, les grands électeurs élus votent, dans chaque État, pour élire le « ticket gagnant » (Président et vice-Président) et envoient leurs votes à Washington où ils sont dépouillés devant le Congrès.
Pour l'emporter le « ticket présidentiel » doit obtenir la majorité absolue des suffrages des grands électeurs, c'est-à-dire 270 voix. Le 6 janvier, les résultats de l'élection présidentielle sont officiellement proclamés et le 20 janvier, le nouveau Président entre en fonction.
Les élections présidentielles de 2000
Lors des élections présidentielles de 2000, le Président virtuel n'a pu être déterminé au soir de la première étape car les deux candidats ne pouvaient atteindre la majorité requise sans les voix litigieuses de la Floride.
Le soir du 7 novembre, alors que les résultats tombaient peu à peu, les télévisions ont, d'abord, annoncé que l'État de Floride, jugé stratégique, était gagné pour Al GORE (candidat démocrate), avant de modifier leurs prévisions et de déclarer George W. BUSH (candidat républicain) vainqueur dans ce même État, ce qui lui assurait les 25 grands électeurs de Floride, et donc la majorité requise de 270 grands électeurs. Al GORE a téléphoné à George BUSH, vers 3 heures du matin, pour reconnaître sa défaite, avant de se rétracter par un nouveau coup de fil une heure plus tard : l'écart entre les résultats des deux candidats étant inférieur à 0.5 %, c'est à-dire « too close to call » (« trop faible pour se prononcer »), la loi électorale de l'État de Floride prévoit, automatiquement, un recompte des bulletins.
Entre le 9 novembre et le 12 décembre, la bataille s'est déplacée sur le terrain juridique. Les avocats d'Al GORE ont essayé d'obtenir un décompte manuel des bulletins de certains Comtés de Floride, que ceux de George W. BUSH se sont efforcés d'empêcher. En principe, le déroulement de l'élection et la publication des résultats sont du ressort des États. Mais, en Floride, des décisions contradictoires à propos du recomptage manuel des bulletins se sont succédé selon les appréciations des instances saisies par les avocats des candidats. L'affaire est remontée jusqu'à la Cour suprême fédérale qui a décidé, à une courte majorité de 5 juges contre 4, le 12 décembre, d'arrêter le comptage des bulletins, et donc d'accorder la victoire à George W. BUSH.
Au terme d'une bataille juridique de 36 jours, George W. BUSH a finalement été reconnu vainqueur par son principal concurrent, Al GORE. Le système électoral (c'est-à-dire 271 grands électeurs contre 267) a, ainsi, porté au pouvoir un candidat ayant obtenu moins de votes que son concurrent (49.820.518 pour BUSH contre 50.158.094 pour GORE). C'est la première fois qu'une telle situation se produit au XXème siècle, mais cela est arrivé trois fois au XIXème siècle (1824, 1876 et 1888) ...
P III : Le mandat présidentiel
Nb. : En cas de vacance, due au décès, à la démission ou à la destitution du Président, le Président est remplacé par le vice-Président, qui achève son mandat.
Fixé à 4 ans par l'Article II Section I de la Constitution fédérale de 1787, le mandat présidentiel était, à l'origine, renouvelable indéfiniment. Mais, George WASHINGTON, refusant une seconde réélection en 1797, fixa une coutume selon laquelle le Président des États-Unis ne serait rééligible qu'une seule fois. Cela dit, dans des conditions très spéciales, le Président Franklin Delano ROOSEVELT a pu déroger à cette règle et être réélu 4 fois entre 1932 et 1945.
Depuis, la pratique initiée par le Président George WASHINGTON est devenue une règle constitutionnelle avec l'adoption, en 1951, du XXIIème Amendement. Le mandat présidentiel est donc fixé à 8 ans maximum (2 x 4 ans), sauf dans l'hypothèse d'un vice-Président qui succéderait à un Président moins de 2 ans avant la fin de son mandat.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, seuls les Présidents Dwight EISENHOWER (1952-1960), Ronald REAGAN (1980-1988) et Bill CLINTON (1992-2000) ont effectué l'intégralité de leurs deux mandats.
P IV : L'organisation de la Présidence des États-Unis
A- Le Cabinet
Le terme de « Cabinet » désigne, ici, l'ensemble des responsables des départements ministériels nommés par le Président. Concrètement, ce dernier s'entoure de secrétaires dont le nombre varie (environ une dizaine) et dont la nomination doit être approuvée par le Sénat, en vertu de l'Article II Section II de la Constitution. Au sein du Cabinet, les postes les plus importants sont ceux de « secrétaires d'État », c'est-à-dire les postes de ministre des Affaires étrangères, de secrétaire au Trésor et de secrétaire à la Défense.
Conformément au caractère monocéphale de l'Exécutif américain, le Cabinet n'est pas considéré comme un organe collégial ; d'ailleurs, il n'a pas d'existence constitutionnelle. En conséquence, les secrétaires ne sont pas collectivement responsables devant le Congrès. Il s'agit, en réalité, d'une équipe de collaborateurs réunis autour du Président et sur laquelle il règne sans partage. On cite souvent, pour décrire les relations entre le Président des États-Unis et son Cabinet, la phrase du Président Abraham LINCOLN évoquant un différend entre lui et les membres de son Cabinet : « Sept oui, un non, les non l'emportent ».
B- Le vice-Président des États-Unis
Le vice-Président est élu en même temps que le Président, avec lequel il forme le
« ticket gagnant ». Si 14 vice-Présidents sont devenus Présidents des États-Unis et si près d'un tiers des Présidents ont été élus après avoir été vice-Présidents, la considération pour cette fonction n'a jamais été très forte. La Constitution le montre, en partie, puisqu'elle ne lui reconnaît aucune véritable prérogative. En fait, élu sur le même « ticket » que le Président et représentant, en principe, un complément politique ou géographique jugé idéal pour ce dernier, il demeure, le plus souvent, dans l'ombre du Président. En l'absence de vacance de la Présidence, le vice-Président demeure un personnage de l'État relativement effacé dont la fonction officielle est la présidence du Sénat. À ce titre, c'est également lui qui proclame officiellement l'élection du nouveau Président des États-Unis.
Section II : Le Législatif : le Congrès des États-Unis
Les Représentants et les Sénateurs sont élus au suffrage universel direct, contrairement au Président des États-Unis qui est élu au suffrage universel indirect. Les deux Assemblées ont donc, a priori, une plus grande légitimité démocratique que le Président ...
L'Article Ier de la Constitution fédérale de 1787 précise que le Congrès des États-Unis est un Parlement bicaméral. En effet, du fait du caractère fédéral des États-Unis, le Congrès se présente sous la forme d'un Parlement composé de deux Assemblées : la Chambre des Représentants et le Sénat.
Les membres du Congrès des États-Unis siègent au Capitole, à Washington.
1)La Chambre des Représentants
La Chambre des Représentants correspond à la « Chambre basse ».
La Chambre des Représentants est composée de 435 membres élus dans le cadre de circonscriptions locales au scrutin uninominal majoritaire direct à un tour, les sièges étant répartis entre les États en fonction de leur population. Pour être éligible à la fonction de Représentant, il faut avoir la nationalité américaine depuis au moins 7 ans, être âgé de plus de 25 ans et résider dans l'État où l'on se présente.
Le mandat des Représentants est très court puisqu'il est de 2 ans. En vérité, cette brièveté correspond au souci des constituants de 1787 de lutter contre les effets (pervers) du régime représentatif. En pratique, l'efficacité de cette disposition se révèle fort contestable : d'une part, parce que la brièveté du mandat est compensée par un taux très important de réélection, ce qui favorise la « professionnalisation » des membres de la Chambre des Représentants ; d'autre part, parce qu'elle se traduit par la démagogie des représentants dont la préoccupation majeure est leur réélection. En forçant le trait, on dit, parfois, que sur les deux années de mandat, les représentants passent la première à faire oublier leurs promesses électorales et la seconde à en formuler de nouvelles ! Par ailleurs, les élections ayant lieu tous les 2 ans et les années paires, la Chambre est systématiquement renouvelée à la moitié du mandat présidentiel.
-Le bilan de la « cohabitation » sous la Présidence de Bill CLINTON
En 1994, le Président Bill CLINTON a dû faire face à un Congrès dont la majorité était républicaine dans ses deux chambres. C'est un cas de figure très courant dans l'histoire américaine, soit une cohabitation entre un Congrès dominé par l'un des deux grands partis et un Président appartenant à l'autre formation. Cette situation comporte un risque de sérieux blocages, mais n'a jamais jusqu'à présent conduit à une paralysie de l'action gouvernementale.
Les acteurs en présence doivent accepter le compromis plutôt que l'affrontement ; cela est inévitable du fait que, le Président ne peut dissoudre le Congrès et que celui-ci ne peut renverser le Président et son Gouvernement, sauf en cas de « trahison, concussion ou délit grave » qui justifie, alors, une procédure d'impeachment.
2) Le Sénat
Le Sénat correspond à la « Chambre haute ».
Le Sénat est une véritable « Chambre fédérale ». En effet, il est chargé de représenter les États fédérés et, qui plus est, de manière égalitaire dans la mesure où chaque État élit 2 sénateurs (et ce, quelle que soit son importance démographique). En conséquence, comme les États-Unis regroupent 50 États fédérés, le Sénat est composé de 100 membres, qui sont élus, depuis 1913, pour 6 ans au scrutin uninominal majoritaire direct à un tour et renouvelés par tiers tous les 2 ans. Pour être éligible à la fonction de sénateur, il faut avoir la nationalité américaine depuis 9 ans, être âgé de plus de 30 ans et résider dans l'État que l'on représente.
Le vice-Président des États-Unis, élu au suffrage universel indirect en même temps que le Président des États-Unis, est de droit Président du Sénat ; mais, il ne dispose pas du droit de vote, sauf en cas de partage égal des voix.
-Les années électorales
Toutes les années paires, les élections ponctuent la vie politique des États-Unis. Ainsi, l'élection présidentielle est organisée en novembre tous les 4 ans. Le même jour, le vote des citoyens permet le renouvellement du Congrès (tous les sièges de la Chambre des Représentants et un tiers du Sénat). Puis, à la moitié du mandat présidentiel (midterm elections), la Chambre des Représentants ainsi qu'un tiers du Sénat sont renouvelés.