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cours sur le chapitre 1

1 Introduction du cours

Historiquement, l'analyse des politiques publiques est en bonne partie liée au développement de l'État providence moderne qui débute surtout à la fin de la Seconde guerre mondiale, pendant la période de reconstruction et de développement des pays occidentaux.

On parle peu de politiques publiques avant la deuxième guerre mondiale mais dès 1945 l'idée de bien gouverner : c'est-à-dire faire de bonnes politiques publiques devient alors largement accepter. Faire de bonnes politiques publiques, c'est prendre des décisions d'action publique qui soient les plus rationnelles et les plus efficaces pour le bien-être des citoyens et de la société. Les anglo-saxons parle welfare state (état de bien être). Cela fait référence à un système qui garantit les libertés et un minium de bien être à la population.

C'est dans cette perspective que l'analyse des politiques publiques  qui est un modèle d'analyse  a été développé aux États-Unis dans les années 50-60[1] et s'est ensuite diffusée au niveau international. Ce modèle (policies analysis), a été créé, à la base, pour répondre à des questions spécifiques aux États-Unis. Il était donc spécifique au système politico-administratif des États-Unis. Le but de ce modèle d'analyse était de définir le meilleur gouvernement possible. Ce modèle a pour autre caractéristique de s'être développé pendant la guerre froide, c'est-à-dire lors d'une concurrence entre les deux blocs. Ainsi pour parvenir à leur fin, les blocs invitaient les chercheurs pour les persuader de la qualité de leur modèle. Ce modèle d'analyse s'est ensuite diffusé en Europe[2] dans les années 50-60, en commençant par la Grande-Bretagne. Cependant en Afrique, l'émergence de la discipline a fait l'objet d'un débat controverse  au plan théorique[3].

Or une partie de la doctrine soutient que les circonstances occidentales de l'émergence de la discipline limitent la transférabilité de ces outils d'analyse vers des situations africaines. C'est ainsi que certains auteurs se demandent comment parler sans risque de politiques publiques dans un non-Etat ou un « Etat pointillé » à l'absence d'une société civile organisée, dans le cadre d'une gestion néo-patrimoniale des services publics ?La culture de rentre qui se prospère en faveur des capacités distributives de l'Etat et de la personnalisation du pouvoir politique tend à faire la gestion des politiques un site d'observation privilégié de la « politique de ventre [4]» où l'intérêt général est sacrifié sous l'autel de la conservation du pouvoir. C'est  dans ce contexte qu'un auteur Camerounais se pose la question de savoir : « existe-t-il de politiques publique en Afrique ?»[5] Un éminent juriste membre du jury du concours d'agrégation abonde dans le même sens lorsqu'il estime  que : «  les africanistes qui s'aventurent dans l'analyse des politiques publiques alors qu'il y'a plus d'Etat en Afrique, le public  et le privé ne forment qu'un sur ce continent et que les ressources y sont essentiellement externalisée »[6].

Par contre certains auteurs pensent que la  connaissance des conditions de pilotages des politiques lors des transitions démocratiques en Afrique peut contribuer à clarifier les termes du débat. Ainsi, fut-il importé, l'Etat en Afrique noire est un Etat qui agit, autrement dit qui prend des décisions en légiférant ,en décrétant ,en contractant, en négociant, et en redistribuant indépendamment des effets attendus de son action dans la société. De ce point de vue, le discours relatif à la crise de l'Etat en Afrique notamment à travers les faiblesses de sa légitimité instrumentale ne justifie pas une exclusion de ce champ géographique d'étude de l'analyse des politiques publiques. Au  regard de toutes les explications développementalistes, il est clair qu'au contact des différents pays, des différentes cultures nationales, les modèles d'analyse de politiques publiques subissent des inflexions, des hybridations. Cela fait de ces modèles d'analyse, des modèles relativement complexes.

En outre, le modèle d'analyse des politiques publiques se situe et se développe aussi à la frontière de plusieurs disciplines universitaires, notamment dans une lutte entre la science économique, le droit et la science politique qui commence à se développer. Au moment où l'analyse des politiques publiques se développe, la science économique  demeure la science de décision publique par excellence. De ce fait, on assiste à une lutte pour le monopole de l'expertise légitime en matière de décisions publiques entre les économistes et les politistes notamment. L'analyse des politiques publiques représente un effort pour dépasser les limites disciplinaires. On traite ainsi de questions interdisciplinaires grâce à des méthodes emprunté à d'autres disciplines. Cette analyse naît entre la science, le champ académique et la politique (au sens de champ du pouvoir).

L'analyse des politiques publiques est également une réponse directe à des demandes sociales qui proviennent principalement des autorités publiques et gouvernementales mais aussi des autorités locales ou internationales. Le recourt à l'analyse des politiques publiques se fait de plus en plus à travers des procédures d'évaluation des politiques et des programmes. Il y a même des lois qui prévoient des procédures d'évaluation. Dès lors, l'analyse des politiques publiques apparaît comme une réponse rationnelle et efficace pour les décideurs (plus rationnelle et plus efficace que les simples modèles économiques et budgétaires).

L'expertise économique n'est plus alors  la seule expertise légitime. Cependant, Il faut bien distinguer les politiques publiques de leurs analyses. L'analyse de politiques publiques est à la fois prescriptive et scientifique. Cette discipline est caractérisée par sa volonté d'analyse mais également par sa volonté de changer les choses, d'offrir une aide à la prise de décisions. Elle se rapproche ainsi du management. Considérée comme telle, l'analyse  des politiques publiques suscite de multiples interrogations à savoir :

Qu'est-ce qu'une politique publique? Est-ce qu'il y a des politiques qui ne sont pas publiques? Qu'est-ce qui amènent un gouvernement et plus généralement une autorité publique à se pencher sur un problème, sur un thème en y consacrant une réflexion et, le cas échéant, en mettant en œuvre une politique publique pour agir en la matière ? Quand cette autorité décide d'intervenir, comment cela se met-il en œuvre ? Quel est le « processus » de mise en œuvre d'une politique publique ?

Pour répondre à ces questions nous allons aborder successivement :

-Les définitions et composantes des politiques publiques (Chap1)

-Les différentes approches des politiques publiques (chap2).

 Le processus de la mise à l'agenda (chap3)

- La prise de décision (Chap4)

- La mise en œuvre de la décision (Chap5).



[1] C'est durant cette période que des travaux de recherche, chaires d'enseignement et manuels s'y diffusent à un rythme rapide .Certains ouvrages d'analyse des politiques  publiques commencent à faire partie des classiques d'analyse de science politique ou de sociologie politique. A Harvard, au cour des années 1960, se monte La kennedy school of gouvernement, dont l'objectif est présentement de chercher à appréhender l'action gouvernementale.

[2] Sur ce point il faut souligner que si le Royaume -Uni y était déjà sensibilisé, les pays Scandinavies, puis l'Allemagne et les pays du sud de l'Europe se sont également s'inscrit dans la même lancée.

[3] Pour un aperçu global ce débat doctrinal conversé voir l'article de Patrick Wafeu Toko « l'analyse des politiques publiques en Afrique noire » Année académique 2008-2009 ,18 p Document pdf.

[4] Jean François Bayard, L'Etat en Afrique : la politique de ventre, collection « espace politique »Paris 1994.

[5] Yves Alexandre Chaoula ,  « Existe-t-il des politiques publiques en Afrique ?» une discussion à partir du terrain camerounais, communication dans le cadre de colloque de Bordeaux des 03 et 04 mars 2006 organisée par la CEAN et la Maison des Sciences de l'Homme D'Aquitaine.

[6] Maurice ENGUEL EGEULE, «  De quels apports de l'analyse de l'action publique à l'étude du politique en Afrique » communication dans le cadre du colloque de Bordeaux des 03 et 04 mars 2006.