Imprimer ce chapitreImprimer ce chapitre

Méthodes de détermination de la géométrie d'un composé

2 Le modèle de la répulsion des charges ou modèle de Gillespie (VSEPR)

Ce modèle, très simple, ne nécessite pas l’utilisation de la théorie quantique ; il ne fait donc pas intervenir les constructions d’orbitales atomiques. Il se contente, comme base de départ, la notation de Lewis pour les atomes. L’élément central possède des paires libres ou pas.

2-1 Origine 
En 1957 le chimiste canadien R.J Gillespie (université Mc Master Hamilton, Ontario) reprenant une idée émise par les britanniques N. Sigdwick et H. Powell, a développé les règles de la théorie de répulsion des électrons de la couche de valence (VSEPR de Valence Shell Electron Pair Repulsion). La méthode VSEPR peut être considérée comme le prolongement dans le domaine stéréochimique de la description de la liaison chimique par appariement électronique de G.N Lewis (1916). Elle permet de prévoir la géométrie de toutes les molécules simples.

Les électrons de la couche de valence de la plupart des molécules et des ions stables sont en nombre pair (il existe des molécules possédant un nombre impair d'électrons comme NO2 mais cela reste assez rare). Le principe de Pauli (1920) nous indique que seuls les électrons possédant des nombres quantiques de spin opposés évoluent dans une même région de l'espace car ils sont décrits par la même orbitale. Ces électrons peuvent être groupés par paires ou doublets.

Dans le modèle de Lewis, la liaison entre deux atomes est décrite par la mise en commun d'un doublet d'électrons : on l'appelle doublet liant. Les paires d'électrons non utilisées pour décrire les liaisons constituent les doublets non liants notés E.

2-2 Principes de base 


L'approximation de départ de la théorie consiste à assimiler les paires d'électrons à des charges électriques ponctuelles. Celles de la couche de valence évoluent à une distance comparable du noyau de l'atome. En première approximation, elles sont assujetties à se déplacer sur une sphère dont le centre est occupé par le noyau. L'arrangement géométrique qu'elles adoptent sur cette sphère est la conséquence de leur répulsion mutuelle.

Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une interaction électrostatique entre charges ponctuelles, car le comportement des électrons soit régi par les lois de la mécanique quantique, on obtient un résultat correct en recherchant l'arrangement qui rend maximum les distances entre les paires d'électrons.

A ce premier niveau d'approximation, il n'y a pas de distinction à faire entre un doublet liant et un doublet non liant.

Dans ces conditions, l'arrangement qui minimise la répulsion des doublets dépend seulement de leur nombre : n + p. Cela correspond aux figures géométriques suivantes en se limitant à la coordination sept. Si p = 0 l’environnement est égal à la géométrie ; si p ≠ 0 l’arrangement est différent de la géométrie.

A ces six types de figures géométriques, correspondent davantage d'arrangements des paires d'électrons que nous allons passer en revue. Dans ce qui suit X désigne un atome et E un doublet non liant.

En première approximation, les liaisons multiples sont traitées comme si elles ne faisaient intervenir qu'un seul doublet.

Nous prendrons des exemples de molécules avec des liaisons simples et des molécules avec des liaisons multiples.

Valence Shell Electron Pair Repulsion Theory (ou théorie de la répulsion des paires d’électrons dans la couche de valence).

Principe : les paires électroniques liantes et libres se repoussent mutuellement. Par conséquent, elles se localisent dans l'espace de manière à minimiser leur répulsion.

Ce modèle permet d'expliquer la géométrie des paires électroniques autour d'un atome central. A une même géométrie, plusieurs formes de molécules pourront correspondre.

2-3  Règles et notations VSEPR

Le composé a pour formule AXnEp ; où A est l'atome central de la molécule, X représente les paires liantes, E les paires libres et n, p représentent le nombre de paires de chaque type. Pour déterminer la géométrie d’une molécule par la théorie VSEPR :

      On commence par déterminer la structure de Lewis de la molécule ;

      On compte le nombre de paires libres et de paires liantes ;

      On écrit la molécule sous la forme AXnEp ;

      Le nombre total de paires n + p donne la distribution spatiale la plus stable. Cet arrangement indique l’environnement de l’élément central.

Règle n°1 : Il faut minimiser la répulsion entre les paires électroniques (libres et liantes). Celles-ci se répartissent l'espace disponible. Donc les n paires d’électrons se répartissent dans l’espace de façon à assurer une répartition maximale.

 Règle n°2 : Les paires libres occupent plus de place que les paires liantes car la répulsion des paires libres est plus forte. Les angles entre les paires seront différents. De plus si les différents endroits ne sont pas équidistants, les paires libres se placeront préférentiellement le plus loin.

      Cas des molécules avec 2 paires électroniques

Deux paires opposées au maximum (180°). La molécule est linéaire et l'angle entre les deux paires est un angle plat (180°). L’arrangement et la géométrie de ces types de molécules sont linéaires. Ce sont les molécules de type AX2. Le béryllium, élément de la seconde colonne de la classification périodique de configuration électronique 1s22s2, est lié par 2 liaisons simples à deux atomes de chlore dans la molécule BeCl2.

Molécules avec des liaisons multiples :

 Cas des molécules avec 3 paires électroniques  

On distingue trois familles. Les molécules peuvent être de type AX3 ou de type AX2E ou AXE2.

Trois paires situées dans le même plan et à égale distance les unes des autres : 120° (sp2), La molécule a la forme d'un triangle équilatéral. La molécule est triangulaire (exemple BF3).

La molécule de type AX2E est angulaire mais l’arrangement reste triangulaire. L’angle est voisin de 120° (exemple SnCl2).

                                                        

 

Molécules avec des liaisons simples :

B : [He] 2s22p1

Sn : [Kr] 4d105s25p2

La diminution de l’angle de 120° à 109° est due à la présence de la paire libre qui a tendance à occuper beaucoup plus d’espace.

Molécules avec des liaisons multiples :

S : [Ne] 3s23p; O : [He] 2s22p4 et N : [He] 2s22p3

 Cas des molécules avec 4 paires électroniques

On distingue quatre familles : AX4 ; AX3E ; AX2E2 et AXE3.


Pour AX4 on a :                                                    

La molécule est tétraédrique. Quatre paires liantes dirigées vers le sommet d'un tétraèdre régulier et située à 109° les unes des autres. La molécule est de forme tétraédrique. Donnons l’exemple du méthane CH4.

Pour AX3E on a une distribution tétraédrique l’angle vaut 107° avec l’ammoniac NH3 ; la géométrie est pyramidale.

  

Pour AX2E2 la distribution est tétraédrique la géométrie est en « V ». ou angulaire ou coudée. Pour H2O l’angle vaut 104,5°.

 

Pour AXE3 l’arrangement est tétraédrique et la géométrie est linéaire.

 Molécules avec des liaisons simples :

Si : [Ne] 3s23p; P : [Ne] 3s23p3 et O : [He] 2s22p4

Les angles diminuent quand on passe de  AX4 à AX2E2. Car le nombre de paire libres augmente autour de l’élément central.

Molécules avec des liaisons multiples :

P : [Ne] 3s23p1 et S : [Ne] 3s23p4

  Cas des molécules avec 5 paires électroniques  

 La figure géométrique la plus répandue et qui est la plus stable correspondant à cet arrangement est la bipyramide trigonale. Une complication apparaît ici du fait de la non équivalence des positions aux sommets de la bipyramide. On peut les classer en deux catégories : axiales (a) et équatoriales (e) :

Le problème peut être résolu en affinant les hypothèses de la méthode. A un deuxième niveau d'approximation les paires liantes et non- liantes sont traitées différemment : la position dans l'espace des électrons constituant un doublet liant est contrôlée par le champ exercé par les noyaux de deux atomes, celle des électrons d'un doublet non liant par un seul noyau, celui de l'atome central. Il est donc raisonnable d'admettre que le volume moyen dans lequel évoluent les électrons d'un doublet non liant, est supérieur à celui dont disposent les électrons d'un doublet liant. Ces considérations simples permettent d'établir la hiérarchie suivante dans la répulsion entre les paires :

Un paramètre pratique pour évaluer l'ordre de grandeur de la répulsion entre les doublets, est l'angle au centre a formé par les directions entre ceux-ci et l'atome central. En utilisant ce paramètre, on peut comparer les énergies des deux arrangements (1) et (2) en décomptant les interactions sur la base des inégalités précédentes en tenant compte seulement des interactions pour lesquelles a £ 90° les autres étant supposées négligeables.

Pour l’arrangement (1) le doublet E interagit avec 2 atomes X ;

Pour l’arrangement (2) le doublet E interagit avec 3 atomes X.

Le premier arrangement est donc plus stable que le second. A cet arrangement correspond une catégorie de molécules qu'on peut appeler avec Gillespie molécules tétraédriques déformés et à laquelle appartient SF4. Expérimentalement, on ne connaît pas de stéréo-isomère de cette molécule.

Une étude du même type effectuée pour les autres arrangements a priori possibles en géométrie pentagonale, montre que les paires électroniques non liantes et les liaisons multiples (double ou triple) et les gros substituants doivent occuper de façon préférentielle les positions équatoriales où elles occupent le plus d’espace.

On distingue cinq familles : AX5 ; AX4E ; AX3E; AX2E3 et AXE4. Dans une bipyramide trigonale les paires libres sont toujours placées en position équatoriale où elles occupent le plus d’espace.

Cinq paires. Les paires forment entre elles un angle de 120°. La géométrie de PCl5

est bipyramidale trigonale.

  

 Pour AX4E la géométrie est un tétraèdre déformé. Exemple SF4.

 

Pour AX3E la géométrie est en pic ou en forme de « T ». Exemple ClF3.

 

Pour AX2E3 la géométrie est linéaire. C’est l’exemple de XeF2.

 

Pour AXE4 la géométrie est linéaire.

Molécules avec des liaisons simples :

Molécules et ions avec des liaisons multiples :

S : [Ne] 3s23p4 et I : [Kr] 4d105s25p5

NB : L’antimoine Sb a tendance à avoir un environnement pyramidal à base carrée (exemple SbF5).

  Cas des molécules avec 6 paires électroniques  

On distingue les cinq familles suivantes : AX6 ; AX5E ; AX4E; AX3E3 et AX2E4.

Six paires. Les paires du plan équatorial forment entre elle un angle de 90°. Les paires axiales formant un angle de 120° avec les autres. Les paires libres qui occupent dans l’octaèdre des positions différentes mais géométriquement équivalentes doivent se placer le plus loin possible l’une de l’autre. Ainsi on dit que ces paires libres sont en position trans et les paires liantes en position cis.

 

 

 

Molécules avec des liaisons simples :

Molécules avec des liaisons multiples : Dans une molécule quand on a une liaison multiple ; on la considère comme étant une paire libre parce qu’une paire libre est plus grosse qu’une paire liante.

2-4  Cas des molécules avec liaisons multiples 

      Pour les bipyramides trigonales les liaisons multiples et les paires libres se mettent toujours en position équatoriale pour minimiser les répulsions car elles occupent plus d’espace. De même les atomes les plus gros et les plus électropositifs occupent les positions équatoriales.

      Pour les pyramides à base carrée les liaisons multiples et les paires libres se mettent toujours en position axiale. De même les atomes plus électronégatifs occupent ces positions.

2-5  Cas des molécules ioniques 

      Dans le cas des ions on suit les mêmes règles que dans celui des molécules neutres.

      Pour déterminer la structure des anions les charges négatives sont affectées aux atomes les plus électronégatifs sauf dans le cas des oxoanions où les charges sont portées par les atomes d’oxygène.

      Dans le cas des cations les charges positives sont portées par les atomes les plus électropositifs.

2-6   Effets du second ordre 

  Influence des paires libres sur les angles standards de liaisons 

A un deuxième niveau d'approximation, il est logique d'admettre que les doublets non liants, moins confinés dans l'espace internucléaire que les doublets liants, occupent un volume moyen plus élevé. On interprète ainsi la diminution progressive de l'angle entre les liaisons quand on passe de CH4 à NH3 puis H2O. La paire libre occupant plus de place ; les paires liantes vont se rapprocher pour lui faire de la place ce qui explique la fermeture de l’angle solide de l’azote (107°) au lieu de 109° dans le tétraèdre régulier.

On observe une évolution du même type pour les dérivés ioniques de l'ammoniac :

Arrangement triangulaire :

Dans les molécules de HCHO et de COCl2 représentées ci-dessous, l'angle entre les liaisons simples est inférieur à 120°.

Arrangement tétraédrique :

On assiste à la fermeture de l'angle entre les liaisons simples au fur et à mesure que l'ordre de liaisons croît dans la série : SiF4, POF3, NSF3.

Arrangement pentagonal :

L'angle FSF est inférieur à 120° dans SOF4.

Si nous prenons le cas de ClF3 ; nous avons une bipyramide trigonale avec 2 paires en position équatoriale ; l’angle FaxClFeq = 87° au lieu de 90° à cause des 2 paires libres.

Arrangement octaédrique :

Si on prend le cas de BrF; l’angle FaxBrFeq = 85° au lieu de 90°.

  Influence du volume des liaisons multiples
La forme géométrique globale ne dépend que des liaisons s. On peut donc classer les molécules possédant des liaisons multiples dans les mêmes groupes que celles qui possèdent des liaisons simples. En revanche le volume occupé par les électrons dans l'espace croit avec l'ordre de liaison. On assiste donc à une fermeture de l'angle opposé à la liaison multiple.

  Influence de l’électronégativité
Le volume occupé par les doublets liants décroît lorsque la différence d'électronégativité des atomes liés augmente. Drainés vers l'atome le plus électronégatif, les électrons de liaison davantage confinés dans l'espace internucléaire se repoussent moins. Pour un même atome central on observe une diminution de l'angle entre les liaisons avec l'accroissement de l'électronégativité de l'atome périphérique. L'évolution des angles dans la série : PI3, PBr3, PCl3 et PF3 en témoigne.

Les molécules NH3, PH3 et AsH3 ont chacune trois atomes d'hydrogène et des atomes centraux de moins en moins électronégatifs.

 

En passant de NH3 à PH3 puis AsH3, la mise en commun des électrons de liaison est de plus en plus importante et les doublets de liaisons occupent de moins en moins de place dans l'espace. On observe une diminution de l'angle au sommet de la pyramide.

  Combinaison des effets de volume et d'électronégativité
Les effets décrits précédemment peuvent naturellement s'ajouter ou se compenser partiellement. Dans les molécules C2H4 et C2F2H2, les angles opposés à la double liaison sont inférieurs à 120°. On l'interprète de la façon suivante : le volume occupé par les électrons de la liaison double est supérieur à celui occupé par les électrons d'une liaison simple. Dans C2F2H2 cet angle est inférieur à celui observé dans C2H4 car les liaisons C-F fortement polarisées, occupent moins de place que les liaisons C-H.

  Non équivalence des positions axiales et équatoriales en géométrie pentagonale
On sait que les positions axiales et équatoriales ne sont pas équivalentes dans des molécules comme PF5 ou PCl5. L'interaction impliquant des doublets non liants en position équatoriale est moindre qu'en position axiale. Il en résulte une diminution de la longueur des liaisons équatoriales et un allongement des liaisons axiales.

La non équivalence entre position axiale et équatoriale se manifeste également pour les doublets liants. Dans la molécule PF3Cl2, Cl est moins électronégatif que F. Le doublet assurant la liaison entre P et Cl occupe une place plus grande que celui entre P et F. On explique ainsi que l'isomère dans lequel ces atomes sont en position équatoriale soit le plus stable.

Pour les molécules de type AX5E comme BrF5, on observe une légère diminution de l'angle entre les liaisons (85° au lieu de 90°) et une liaison équatoriale plus longue que la liaison axiale.

2-7  Limites de la méthode VSEPR 

La théorie VSEPR est une méthode qui permet de prévoir les géométries de toutes les molécules dont l’élément central est non transitionnel ou s’il est transitionnel sa couche interne est nd5 ou nd10. Cette méthode permet la plupart du temps la prédiction correcte de l'arrangement local des paires d'électrons autour d'un atome lorsque celui-ci peut être choisi sans ambiguïté comme atome central. En revanche, son application est beaucoup plus problématique quand il s'agit de prévoir la géométrie globale de molécules complexes. Ainsi il n'est pas possible de prévoir la planéité de la molécule d'éthylène ni d'expliquer pourquoi chez les allènes ; les substituants sont situés dans des plans perpendiculaires. Par ailleurs les molécules ne sont pas des objets statiques. Cela est particulièrement net dans des molécules faisant intervenir des atomes pyramidaux comme NH3, PH3. Il existe aussi des phénomènes plus complexes comme l'échange des positions axiale et équatoriale en géométrie pentagonale.

Tableau récapitulatif des différents arrangements des doublets de tous les cas rencontrés